1/2 Près des siens, loin de soi
Mon père a été condamné à dix ans de prison en Turquie. Parce que c’est un militant kurde et que les Kurdes y sont discriminés. Il a préféré fuir pour éviter ces années de souffrance pour lui et pour nous, sa famille. Pour vivre une vie meilleure.
Il a travaillé dur dans le bâtiment pour pouvoir nous faire venir. Comme il n’a pas eu de visa pour venir directement en France, il a dû faire un long voyage. En Grèce, la police l’a arrêté et il est resté dans un camp pendant deux mois. On n’avait plus de contact avec lui. On s’est demandé ce qu’il lui était arrivé, on a eu très peur pour lui.
Il ne nous a jamais parlé de cette période, mais je crois que c’est parce qu’il n’avait pas de papiers qu’ils l’ont mis en prison. La police grecque l’a libéré, et il est arrivé en France par bateau. Il a débarqué à Nice puis est venu à Marseille.
Un père devenu un étranger
Ensuite, il a enfin eu un permis de séjour. Grâce à ça, on a pu venir en France légalement. Avec ma mère et mes frères, nous sommes arrivés en avion, deux ans après mon père. Il est venu nous chercher à l’aéroport de Marseille, avec une voiture qu’il avait louée.
Quand je l’ai vu, j’ai ressenti un sentiment étrange, comme si c’était quelqu’un d’autre. C’était bizarre. Il avait loué un appartement délabré. Il y avait plein de moisissures sur les murs. Heureusement, quelques mois plus tard, il a trouvé autre chose et on a déménagé.
Au début, c’était très difficile pour moi de commencer une nouvelle vie dans un nouveau pays, d’apprendre une nouvelle langue, et aussi d’avoir quitté mes amis et tout le monde en Turquie… En plus, les cours de FLE, français langue étrangère, se sont arrêtés après une semaine parce qu’il y a eu le Covid. On ne pouvait plus y aller à cause du confinement, pendant plusieurs mois. Ça a retardé mon apprentissage. Beaucoup de choses ont été difficiles… Mais, petit à petit, je me suis habituée à la vie ici.
Aujourd’hui, j’aime beaucoup la France, même si j’ai encore des problèmes avec la langue. Et puis, ici, on est en sécurité, contrairement à la Turquie. Les Turcs n’aiment pas les Kurdes et les considèrent comme des terroristes. Je ne sais pas pourquoi. J’ai un cousin qui est en prison depuis douze ans, et ce n’est pas un cas particulier. Beaucoup de nos proches sont en prison.
Berfin, 19 ans, en formation, Marseille
Crédit photo Unsplash // CC Klares Vincent
Slash Exil : Franchir aussi la barrière de la langue, récit 2/2 : Mots pour maux
Vénézuélienne, Carmen a quitté son pays pour la France à 20 ans. Elle a dû tout laisser derrière elle et apprendre une nouvelle langue. Elle peut désormais vivre en paix et être soignée.