Alice P. 31/01/2022

1/2 On me traitait de « sale gouine »

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Après son coming-out bi, en quatrième, Alice ne s'est pas caché mais la moitié de sa classe l'a harcelée pendant plus de huit mois

J’ai été harcelée par une dizaine d’élèves de ma classe en quatrième, quand ils ont appris que j’étais bi. En plus des insultes quotidiennes, ils me demandaient d’apporter de l’argent chaque jour. Si je n’en ramenais pas, ils prenaient mon sac et le vidaient par terre. Ils me foutaient même des coups de poing dans le ventre.

Un acharnement de près de huit mois

Je sortais avec une fille de ma classe. On ne s’en cachait pas, on assumait toutes les deux cette relation. J’ai toujours assumé ma bisexualité, que ce soit à l’école ou avec ma famille, qui est au courant. Mes proches me soutiennent et me disent que c’est bien, tant que je suis heureuse.

Mais, à l’école, c’était une toute autre histoire. Les remarques pleuvaient chaque jour, en classe, à la récré, tout le temps : « Sale gouine » « Sale lesbienne » « Va mourir en enfer » ; « Tu sers à rien » ; « Personne t’aime » ; « Tes parents n’auraient pas dû te faire naître » « On aimerait que tu meurs. »

Pendant près de huit mois, j’ai subi cet acharnement. Il s’est poursuivi en dehors du collège. Mes harceleurs me suivaient dans la rue pour me frapper. Ils me chopaient dans un coin pour voler mes affaires et tout ce que j’avais sur moi. Ils étaient toujours plusieurs sur moi. Tous les jours, ils me répétaient : « Suicide-toi ! suicide-toi ! »

Ma meilleure amie m’a forcée à aller en parler à la CPE

J’ai perdu toute confiance en moi à cause de ce harcèlement. Tous les soirs, en rentrant du collège, j’allais immédiatement dans ma chambre pour écouter de la musique triste… et pleurer. Ma meilleure amie, qui était dans la même classe que moi, voulait que j’en parle, mais pas moi. J’avais grave peur d’en parler, je craignais que ça s’aggrave.

J’ai tout caché à mes parents. Mes professeurs, eux, ne voyaient rien. Les adultes au collège ne captaient rien, ou peut-être qu’ils préféraient fermer les yeux. Je me faisais du mal sur tout le corps. Je me mutilais. J’avais des angoisses chaque matin à l’idée d’aller à l’école.

En milieu d’année, ma meilleure amie avait peur que je passe à l’acte, que je me suicide. Elle a décidé de dénoncer le harcèlement que je subissais à la CPE. Sans le savoir, elle m’a sauvé la vie. La CPE m’a convoquée pour savoir si tout se passait bien pour moi dans le collège et dans ma classe. J’ai balancé les noms de mes harceleurs.

Ils ont à leur tour été convoqués par la CPE. Ils ont tout avoué et ont été expulsés de l’établissement. J’en ai enfin parlé. Pour que le harcèlement s’arrête, je n’avais pas d’autre choix. Dans ma classe, je n’étais plus la peste que tout le monde évitait. Les autres élèves m’ont reparlé quand ils ont su que mes harceleurs avaient été virés.

J’ai réussi à en parler à mes parents au bout d’un an

Les jours suivants, je me sentais un peu mieux dans ma classe. La CPE voulait rapporter l’histoire du harcèlement à mes parents. J’ai refusé, alors elle ne l’a pas dit. Finalement, au cours de ces ateliers d’écriture avec la ZEP, ma mère a eu connaissance de toute cette histoire grâce à l’infirmière du lycée, et avec mon accord. Quand je suis rentrée à la maison, elle ne m’en a pas parlé, mais je sais qu’elle sait. Ça me soulage, je me sens libérée d’un poids.

Cette histoire m’a changée : je ne fais plus confiance à personne. Je ne communique pas sur mes problèmes. Alors qu’il faut parler si on veut s’en sortir. On peut se tourner vers quelqu’un en qui on a confiance. Aujourd’hui, je suis en couple et très heureuse avec ma copine.

Alice, 15 ans, lycéenne, Grande-Synthe

Crédit photo Unsplash // CC Collins Lesulie

 

Faire son coming-out

Aller chercher du soutien

Selon les familles et les entourages, assumer son orientation sexuelle est plus ou moins une épreuve, comme le racontait la série documentaire de France.tv Slash, Son Coming-Out. Pour soutenir celles et ceux qui en ont besoin, SOS Homophobie tient une ligne d’écoute anonyme, par téléphone (01 48 06 42 41) ou par discussion instantanée.

Vers plus de visibilité dans la musique…

Pour encourager les jeunes générations et faire évoluer les mentalités, quelques stars annoncent publiquement être queer. Après une adolescence passée à prier pour que son attirance pour les hommes ne soit qu’une phase, l’interprète d’Old Time Road, Lil Nas X, assume fièrement son homosexualité dans ses clips et ses textes.

… et dans le sport
Dans le monde du football professionnel masculin, où règne toujours la culture d’une certaine virilité, les joueurs sont encore rares à faire leur coming-out. En octobre 2021, Josh Cavallo, 21 ans, est devenu le premier joueur du championnat australien à déclarer publiquement son homosexualité. Pour lui, il s’agissait de « montrer à d’autres que s’identifier comme LGBTQ+ peut être bien accueilli dans la communauté du football ».

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