Oumy M. 19/04/2024

1/2 La lecture, un luxe

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Oumy se rend chaque semaine dans une librairie pour chercher de nouveaux livres de romance, en suivant les recommandations sur TikTok et Instagram. Le pass Culture lui permettra bientôt d’agrandir sa bibliothèque.

L’escalator arrive au dernier étage. Le meilleur. Je passe entre les Parisiens pressés qui tournent en rond entre les rayons pour atteindre mon objectif de chaque semaine : le rayon new romance et dark romance. 

Ce sont des sous-genres de romance. La new romance, ce sont des relations plus saines et proches de la réalité. La dark romance, ce n’est pas réaliste, c’est violent. J’aime bien les deux, alterner entre une histoire qui fait du bien et une autre qui apporte du danger, du suspens. Généralement, dans ce rayon, je croise des jeunes filles de mon âge, voire un peu plus âgées. Il est rare d’y voir des garçons.

Tout d’abord, je tente de trouver ma liste de choix. Je lève la tête, regarde les noms des autrices françaises, telles que Morgane Moncomble et C.S. Quill, ou américaines comme Jennifer Lynn Barnes, Scarlett St. Clair et j’en passe. Je m’accroupis et me relève plusieurs fois d’affilée. Je fais des allers-retours, plusieurs livres dans les bras. 

Des recommandations sur #BookTok

Après m’être plainte intérieurement – quelques-uns de mes souhaits ne sont plus disponibles – je me mets sur un côté pour déposer les livres que j’ai sélectionnés. Les couvertures sont colorées. J’ai envie de tout prendre pour les coffrer dans ma bibliothèque.

Quelques minutes à trier, comme d’habitude. Généralement, j’ai toujours une idée affirmée avant de venir. Sur BookTok, j’aime me laisser influencer par les recommandations. Ça rassemble des passionnés de la lecture autour du hashtag #BookTok sur le réseau social TikTok, et il y a aussi #Booksta sur Instagram.

La lecture d’histoires fantastiques et de thrillers apaise Kawtar, 14 ans. Comme elle projette de devenir médecin, sa mère craint que cette activité ne la détourne du travail scolaire.

Capture d'écran de l'article "Pour ma mère je lis trop". Une jeune fille est assise à même le sol dans une bibliothèque. Elle est en train de lire un livre.

Je parle quelquefois de livres avec mes amies. J’aime aussi leur donner des recommandations. J’en parle surtout avec la communauté BookTok. On est plusieurs à débattre dans les commentaires, à donner nos avis sur les comportements des protagonistes et les phrases dans les livres qui nous ont marquées. Nous ne sommes pas toujours d’accord, bien au contraire. Même si parfois le respect des avis n’est pas respecté, on tente de rester dans la bienveillance. 

Le pass Culture pour agrandir sa bibliothèque

Tous ces livres avec des histoires extraordinaires ont quand même un certain prix. Les poches tournent autour des 8 euros, les brochés autour des 20 euros, et les reliés sont plus d’une vingtaine d’euros. Moi, je prends des brochés. C’est plus joli et la qualité du papier est meilleure. C’est vrai que tout le monde ne peut pas se procurer plusieurs livres par mois et, personnellement, je ne trouve pas ça normal que la lecture soit un luxe.Une autre alternative est proposée : le pass Culture. Dans moins d’un an, j’aurai accès à 300 euros. Cet argent, je vais en dépenser la totalité dans des brochés pour agrandir ma bibliothèque et… réduire ma liste d’envies.

Oumy, 17 ans, lycéenne, Paris

Crédit photo Pexels // CC Sasha Prasastika

 

Plus “dark” que “romance”

Emmanuelle Rodriguez, professeure documentaliste au collège Jean-Jaurès, à Montreuil (93), confirme que la dark romance séduit les élèves dès la sixième. Elle explique que ce genre banalise les relations toxiques et les violences sexistes et sexuelles.

 

Est-ce que vous avez des livres de dark romance dans votre CDI ?

Non, et je refuse d’en avoir. Ce genre de roman met en scène des relations toxiques et banalise largement les violences faites aux femmes. C’est le cas dans le best-seller Captive, de Sarah Rivens, grand classique du genre. Une jeune femme se fait enlever par des mafieux. Elle tombe amoureuse de son ravisseur malgré les mauvais traitements qu’il lui inflige.

 

Qu’est-ce qui explique le succès de ces romans chez les adolescentes ?

Ces livres sont généralement écrits par des femmes et le public visé a priori, ce sont les jeunes adultes. Mais la dark romance s’est popularisée principalement sur Wattpad et sur TikTok, des plateformes qui accueillent un public plus jeune. Dans mon collège, il y a des élèves de cinquième, voire de sixième, qui ont déjà lu de la dark romance. Certaines me disent qu’elles font bien la distinction entre la réalité et la fiction. Mais si une adolescente n’a pas ce recul, ces romans peuvent lui donner une vision faussée et malsaine du couple ou du sexe.

 

Comment abordez-vous la question avec vos élèves ?

Il se trouve que le genre séduit beaucoup les ados qui n’ont pas l’habitude de lire. Donc quand les parents voient leurs filles avec un livre dans les mains, ils peuvent se dire que c’est déjà bien qu’elles lisent, sans se poser plus de questions. Malheureusement, le contenu de ce genre de livres est problématique. En tant que documentalistes, on doit être très vigilants. D’une part, il est de notre devoir professionnel de ne pas proposer des livres inadaptés à notre public, qui sont des enfants. D’autre part, il faut faire preuve de pédagogie. Quand des élèves me parlent de livres de dark romance, je leur explique pourquoi je refuse d’en avoir dans les rayons.

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