Samir Z. 17/04/2023

2/2 La mélodie de ma moto

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Samir sillonne son quartier en motocross avec ses potes. Sans casque, et malgré le danger, les accidents et la police. 

La première fois que je suis tombé en faisant du rodéo, c’était à cause d’une BMW noire aux vitres teintées. Ça m’a perturbé, j’ai perdu le contrôle de la moto et je suis tombé en arrière. Ma tête a cogné par terre et mon téléphone s’est cassé. C’était l’année dernière, un grand de 20 ans m’avait prêté sa moto pour la deuxième fois.

La première fois, c’était à côté du château d’eau, à Villiers-le-Bel. J’avais 13 ans et, avec une quarantaine de gars du quartier, on s’était retrouvé au milieu de la forêt, sur un terrain avec du sable. Mon pote m’a fait monter dessus, m’a montré comment on passe les vitesses, comment on freine. Il m’a expliqué comment on lève la roue avant, en accélérant d’un coup.

Sa jambe s’est cassée

Le rodéo, dans mon quartier du Puits à Villiers-le-Bel, c’est une passion pour beaucoup de jeunes. De 13 à 20 ans, tous en ont déjà fait. On se retrouve généralement le mercredi et on fait des tours pendant deux heures. On fait ça en bas des immeubles, mais parfois, il y a aussi des excursions ailleurs, sur des grands axes bétonnés.

Le jour où je suis tombé, j’ai juré à mes potes que je n’allais plus jamais en faire parce que j’avais eu trop peur. Mais le mercredi d’après, j’ai repris. Comme si c’était plus fort que moi. Je prends quand même un peu moins de risques.

Les accidents, ça arrive souvent. Un jour en rentrant de la forêt, on était deux sur la moto et, devant nous, on a vu un pote taper dans une voiture et se faire éjecter de sa selle. Il n’avait pas de casque, mais heureusement, c’est juste sa jambe qui s’est cassée. Au début, on a rigolé et ensuite, quand on a vu que c’était grave, on a eu peur. Le propriétaire de la voiture a appelé les pompiers et a voulu faire un constat. Nous, on s’est enfuis pour que la police ne nous confisque pas nos motos.

Concours de mélodie

Même si c’est dangereux, ça fait du bien, ça me donne l’impression de voler. Ce que je préfère, c’est le bruit, ça fait comme une musique. Il y a des techniques pour que ça fasse une mélodie : tu lèves la roue avant, tu passes au point mort et tu accélères. Bon depuis ma chute, je ne fais plus de concours de mélodie. Mais je ne comprends pas pourquoi les gens trouvent que ça fait trop de bruit. Je trouve que c’est de la musique, et tout le monde devrait aimer la musique.

Quand on fait du rodéo, ce qui compte, c’est l’esprit collectif. On est entre nous, on se prête les motos, on se donne des conseils, on se charrie. Mais il y a aussi des règles à respecter : surtout ne pas se cogner avec les autres motos, parce que personne ne porte de casque, ne pas casser la moto et ne pas provoquer la police. Si la police débarque, on a une stratégie : on rentre avec la moto dans le bâtiment C. Là-bas, il y a un ascenseur assez grand pour faire rentrer les motos sur la roue arrière. Ensuite, on descend se cacher au sous-sol.

Peur de commettre un meurtre

Parfois, la police nous pourchasse et, là, ça peut devenir vraiment dangereux parce qu’on monte sur le trottoir, qu’on roule vite et qu’on peut écraser des gens. J’ai déjà entendu sur YouTube des histoires comme ça, où des gens meurent ou sont blessés à cause des motards. Des fois, j’ai peur que ça m’arrive, de commettre un meurtre.

Mon père, qui regarde les infos et qui voit qu’il y a déjà eu des drames avec les motos, me dit d’arrêter. Il menace de m’envoyer au bled, à Mayotte. Même ça, ça ne me fait pas arrêter. Un jour, j’aimerais avoir ma propre moto. J’économise mon argent de poche pour me l’acheter. Pour l’instant, j’ai 120 euros, ce n’est pas encore assez, mais c’est un début.

En tout cas, je ne vais jamais m’arrêter de faire du rodéo, sauf quand je serai vieux et que j’aurai des enfants. Je leur expliquerai comment faire, les règles qu’il faut respecter pour ne pas faire d’accident, se blesser ou blesser quelqu’un. Le rodéo, ça doit rester une passion, pas se finir en drame.

Samir, collégien, 14 ans, Villiers-le-Bel

Crédit photo Pexels // CC FlorS Q

 

 

 

Les sports mécaniques, une tradition à la Réunion

La pousse, c’est le nom donné aux courses automobiles à la Réunion. Le plus souvent, elle est pratiquée sur les voies rapides. Côte à côte, les deux coureurs ou coureuses se défient sur 200 ou 400 mètres. Ça, c’est les runs « sauvages » ou « spontanés ». Les week-ends, le phénomène attire tellement de monde que des événements sont aussi organisés pour rassembler les passionné·es.

Mais la pousse, c’est illégal. Et ça peut vite devenir dangereux. Donc pour encadrer les runs et sécuriser les participant·es, des infrastructures sont créées, comme le circuit Félix Guichard, à Saint-Anne. Le problème, c’est que le plus souvent l’accès est payant, et loin d’être accessible à tous les pousseurs !

La Bike Life, bien plus que des roues arrière

En 2021, la journaliste Yagmur Cengiz a réalisé le documentaire Bike Life disponible sur la plateforme payante BrutX. Elle y suit Junior et sa bande de potes, passionnés de cross bitume.

Le cross bitume, c’est un sport où tu fais des figures acrobatiques à moto. L’objectif : tenir le plus longtemps possible en roue arrière (wheeling) sur une route droite et, de préférence, sans les mains. Pour ses adeptes, la bike life, c’est bien plus qu’un sport : c’est une passion qu’on pratique entre potes.

Le cross bitume est inspiré du stunt, une vraie discipline née aux États-Unis avec des compétitions officielles. En France, la pratique est illégale parce qu’elle est jugée comme dangereuse et qu’elle dérange les riverain·es. Depuis 2018, les rodéos urbains constituent un délit passible d’au moins un an de prison et de 15 000 euros d’amende.

Plutôt que de chercher à réprimer et interdire la pratique, certain·es motard·es aimeraient que des structures existent pour pratiquer en toute sécurité et éviter de déranger. Encadrer la discipline, ça permettrait aussi de lutter contre les clichés et la stigmatisation de la bike life !

Si ça reste une discipline très genrée, majoritairement pratiquée par des hommes (et entre hommes), certaines femmes se démarquent dans le milieu. D’ailleurs, la championne du monde de stunt est française : c’est Sarah Lezito, une cascadeuse qui a même doublé Scarlett Johansson dans deux de ses films !

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