Antispécisme : je fais table à part
« Comment tu fais pour ne pas manger de viande ? » ; « Ça ne te manque pas ? » ; « Les animaux sont là pour être mangés » ; « Je ne sais pas comment tu fais ! » Mon entourage, ma famille, mes amis, ne me comprennent pas. Ils trouvent ça normal de manger de la viande et c’est impensable pour eux d’arrêter toute forme de consommation animale. Ils ne se rendent pas compte de tout ce qui se passe derrière, de ce qui atterrit dans leur estomac. Je n’impose absolument rien aux autres, ce n’est pas mon rôle. Mais j’aimerais juste que mon choix soit accepté et respecté !
Depuis mon jeune âge, j’adore les animaux et je ne comprends pas pourquoi ils se retrouvent dans nos assiettes. Mais il y a deux ans, j’ai visionné plusieurs vidéos postées par l’association de défense des animaux L214 sur les réseaux sociaux. Les petits veaux étaient là enfermés, tous entassés les uns sur les autres sans la moindre aération dans des camions, en route pour être tués. Les pauvres chevaux dans les cirques étaient fouettés et couverts de blessures. Les malheureux bovins dans l’abattoir qui, encore conscients, étaient torturés jusqu’à leur dernier souffle. Les laboratoires dans lesquels les singes, lapins, rats… étaient privés de nourriture, d’eau et de sommeil, empoisonnés, brûlés, gazés ou électrocutés.
Nous consommons les produits de la torture
J’en ai été choquée, traumatisée. Je me sentais coupable, complice. Je possède cinq animaux domestiques, je les adore et ça me fait mal de savoir que des animaux se font exploiter, massacrer, enfermer pour être exhibés aux yeux des Hommes, que ce soit pour leur plaisir, pour servir de testeur pour les cosmétiques, ou pour que leurs fourrures soient enlevées pour la création de manteaux ou sacs à main… Parce que nous ne faisons pas directement l’acte, mais nous y participons en consommant le produit de la torture que ces pauvres êtres subissent.
Okja raconte l’histoire d’amitié entre une enfant, Mija, et Okja, une truie transgénique fabriquée en laboratoire, destinée à être envoyée à l’abattoir. Ce film grand public de Bong Joon Ho sorti en 2017 dresse une critique acerbe des souffrances animales et du consumérisme.
J’ai eu un déclic : tout ce qui provenait des animaux m’écœurait. Alors je suis devenue végétarienne. J’ai arrêté de consommer de la viande, du poisson, et les cosmétiques testés sur les animaux. Mon mode de vie a totalement changé. Je fais attention à mes courses et je prépare mes petits plats. Au début, personne ne me prenait au sérieux, mais petit à petit, ils ont réalisé que ce n’était pas qu’une petite phase. Ma mère a essayé de me « résonner ». Elle pensait que ce n’était pas bon pour ma santé : « Comment tu vas faire sans viande, tu vas manquer de nutriments ! » Mon entourage ne s’y oppose pas mais ils ne comprennent pas vraiment mon choix.
« Mange directement les plantes posées là-bas »
Je mène mon combat seule. J’ai notamment décidé de couper les ponts avec quelques « amies » qui se moquaient régulièrement de moi. Au début, je pouvais comprendre, mais c’est devenu lassant d’entendre à chaque fois au resto des remarques du genre (alors qu’il existe dans pratiquement tous les restaurants des options végétariennes) : « Oh c’est pas la peine de regarder le menu mange directement les plantes posées là-bas » ; « T’en veux pas, c’est pas grave, y en aura plus pour nous. » Ou bien être poussée dans des boucheries pour « rigoler ».
Parfois ,je me sens un peu à l’écart. Bien sûr, lorsque tout le monde est invité à un barbecue, je ne compte bien évidemment pas m’y rendre. Et lorsque je me rends chez des amies, je préfère ne pas déranger et je veille à bien manger avant de d’y aller.
En revanche, chez moi, ma mère pense à moi. C’est déjà bien ! Elle fait toujours attention à me préparer un plat et découvre de nouvelles recettes. C’est devenu une habitude. Heureusement qu’elle varie chaque jour. Elle adore ces plats sans viande, elle qui pensait qu’on ne pouvait pas vivre sans ! Aux repas de famille, ils sont prévenus et veillent donc à me préparer autre chose.
Des youtubeuses pour aller plus loin
Le seul moyen de me sentir moins seule, c’est internet. Auprès de youtubeuses comme LittleCouky, Alice Esmeralda, et Lovely Veggie ; ou de personnes virtuelles. Elles racontent leur parcours, leur quotidien en tant que végétariennes et proposent des idées de recettes simples et healthy. J’ai l’impression d’être soutenue par des personnes ayant les mêmes convictions que moi et menant le même combat. J’aimerais maintenant rencontrer réellement des personnes suivant le même engagement pour aller plus loin. Parce que, oui, j’aimerais passer le cap et devenir végétalienne, ne plus du tout consommer tout ce qui est issu de la production animale. Donc plus d’œufs, de miel et de lait. Je suis déjà passée au lait d’amande et j’espère bientôt arrêter tout produit laitier.
Nicolas s’est aussi sensibilisé aux questions de consommation : il est devenu « détrivore ». Un changement d’alimentation qui a évolué tout au long de ses études.
Avoir fait ce choix dès mon jeune âge, je ne le regrette absolument pas. Il a été l’un des meilleurs dans ma vie. Aujourd’hui, je suis tellement fière de mon évolution, d’en être arrivée à ce stade, de n’avoir jamais baissé les bras et ce, malgré la solitude.
Rasha, 15 ans, collégienne, Mantes-la-Jolie
Crédit photo © Netflix // Okja de Bong Joon Ho (film 2017)
Franchement, ton histoire m’a beaucoup touchée. Tu es une personne ayant du courage pour mener seule ce combat à ton âge. Témoignage poignant qui fait ouvrir les yeux sur ces atrocités.
D’un point de vue stricte de chaîne alimentaire, il est normal de manger de la viande : d’ailleurs, les chimpanzés, avec qui nous partageons 98% d’ADN, mangent de temps en temps de la viande. Par contre, là où je te rejoins (et raison pour laquelle je ne mange de la viande que quand je suis chez mes parents), c’est que l’industrie derrière est absolument immonde ! Tuer pour manger, c’est une chose. Tuer sans même plus se rendre compte de ce que l’on fait et sans le moindre respect pour la vie que l’on prend, s’en est une autre.
En fait, il y a aussi du culturel à manger de la viande. Je crois que d’un point de vue alimentaire strict on n’a pas besoin de plus de une à deux portions de viande par semaine (soit 100 à 200g, je crois). Autrement dit, manger de la viande à tous les repas ou presque ne sert à rien. Il y a eu une période dans la croissance économique où manger de la viande était un signe de richesse. C’est ce qui a contribué à faire en sorte que l’on en mange aujourd’hui « trop » du point de vue nutritionnel. Et puis il y a aussi comment on est élevé et les habitudes. Les idées reçues aussi : il faut bien sûr des protéines animales pour être bien, mais en fait, ces protéines se trouvent en quantité plus importantes dans les fromages et les œufs. Donc on pourrait très bien manger moins de viande et la manger de manière plus responsable.
En fait, comme le problème va au-delà de la maltraitance animale et qu’il y a aussi des questions socio-économiques (et culturelles : on ne mange pas les mêmes viandes dans tous les pays) c’est en parlant de toutes ces questions que l’on pourra réduire notre consommation de viande, voire l’arrêter complètement.
Cependant, certaines personnes ont besoin de viande pour être en bonne santé, c’est aussi pour ça que c’est une question complexe : en plus des questions générales de maltraitance animale, socio-économiques, culturelles, etc. il y a aussi croisement avec des questions individuelles, des problèmes de santé et des maladies qui vont que l’on est obligé de manger de la viande.
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