Ma famille endettée, je suis dans l’illégalité
Je n’en suis pas très fier, mais comme les jeunes de chez nous disent : « Il faut faire le mal pour être bien. » Je suis le seul qui vit comme ça dans ma bande d’amis. Il ne faut pas abuser du mal, mais si mes conditions avaient été pires, s’il avait fallu tuer pour avoir des sous, je pense que j’aurais pu. Juste pour sortir ma famille de ses dettes.
Notre situation s’est dégradée quand mon père a ouvert un magasin alimentaire. En 2014, il s’est fait braquer avec beaucoup de violence et de sang et a eu des soucis physiques (le muscle de la cuisse paralysé et la perte de la moitié de son index). Il ne prêtait plus attention aux impayés du magasin et de la maison. Et les dettes se sont accumulées…
Les huissiers nous ont repris les biens qu’on avait (meubles, etc.). Je ne mangeais limite plus : un repas une fois tous les trois jours car on n’avait plus de quoi se nourrir. Mes parents ne m’expliquaient rien, seule ma grande sœur le faisait. J’étais plus triste qu’en colère, parce que mes parents ont fait le maximum pour essayer de sortir de cette misère. À l’heure actuelle, j’ai légèrement un peu plus de quoi me nourrir.
Je prends de nombreux risques pénaux
On a ensuite déménagé, avec un loyer plutôt cher, donc on a repris un HLM. Les dettes sont toujours présentes et mes parents ne peuvent plus me faire plaisir, donc je me débrouille.
Je fais des choses pas légales (vol, arnaque…), je prends de nombreux risques pénaux : des fois ça se passe bien, des fois le contraire… Si on cherche à m’attraper parce que je n’ai pas été assez discret, je m’enfuis pour éviter tout problème avec la justice.
Chaque année, des centaines de milliers de Français·es doivent faire face à leurs dettes et à de nombreux dilemmes pour subvenir à leurs besoins. Un homme surendetté témoigne dans l’émission Envoyé spécial.
Lorsque je sors avec des amis et que je suis en incapacité d’acheter quelque chose, je prends l’article. Si je me fais prendre la main dans le sac, je nie jusqu’au bout. Dire que je n’ai rien jusqu’à ce qu’ils cherchent à appeler les autorités. Lorsque cette étape est franchie, je m’échappe par un quelconque moyen en courant hors du magasin. Ça m’est déjà arrivé plusieurs fois. Mes potes ne me disent rien car ils connaissent un peu mes problèmes. Même si je parle vraiment très peu de ça, par peur d’être jugé ou qu’ils aient de la peine pour moi.
Je lui dis juste que j’ai aidé un ami et qu’il m’a payé
Avoir les mêmes choses que mes potes me rend heureux, mais la manière dont je me les suis procurées non. Avec cet argent, je me fais plaisir, et si ma mère en a besoin, je lui en donne. Mes parents ne sont pas au courant de tout ça, je pense qu’ils ne seraient pas très fiers. Des fois, elle me questionne sur cet argent. Je lui dis juste que j’ai aidé un ami et qu’il m’a payé.
J’essaie d’arrêter tout ça, de me passer de mes désirs… mais quand la tentation est trop forte, j’agis. J’ai besoin de me procurer des choses que j’apprécie. Ce train de vie prendra fin d’ici cinq à six ans je pense, quand mes parents auront assez d’argent. Face à tout ça, j’ai la pression de voir encore ma famille sans moyens. Et tout le monde pense pareil chez moi : ma mère, mon père et moi. On ne dort presque plus le soir à cause de ça.
Venant d’une famille précaire, Grégoire cambriole des maisons pour arrondir les fins de mois et subvenir à ses besoins. Il connaît les risques, mais sa soif d’argent est plus forte.
J’espère beaucoup qu’après les six années de dettes, on n’aura vraiment plus de problèmes et qu’on aura la capacité de vivre comme n’importe quelle famille. Mes parents et moi feront tout pour.
Stéphane, 18 ans, lycéen, Melun
Crédit photo Unsplash // CC Dylan Gillis