Grossophobie : les plus violents sont mes parents
D’abord, j’ai commencé à recevoir moins de chocolat à Pâques. Pourtant, c’est une tradition dans ma famille… Je voyais mes cousins et cousines tout contents de recevoir leurs chocolats, et moi, j’avais juste droit à des pauvres vêtements sans importance. Personne ne me disait que c’était lié à ma morphologie, mais évidemment je le comprenais. Ça me rendait triste, mais je suis restée muette avec un sourire forcé pour cacher ma tristesse.
Puis, ma mère a exagéré sur la taille de mes vêtements. Quand on allait dans mes magasins préférés, elle savait que je portais du « L », mais elle m’achetait toujours du « XL ». Donc forcément, quand je finissais par les porter, ils étaient trop grands et je « flottais » dedans. Mais là aussi, je ne disais rien… Et les réflexions sont arrivées : « Fais attention à toi ! » ; « Regarde-toi ! » ; et bien sûr : « T’es trop grosse ! »
Je vois bien qu’ils préféreraient que je m’en aille
À l’école, j’avais déjà entendu des phrases du genre : « Oh, regarde la baleine » ; « Elle ne passera jamais la porte, elle » ; « Il faut qu’elle arrête de manger, la grosse » ; « On ne veut pas être amie avec toi, tu n’es pas comme nous »… Mon combat pour qu’on m’accepte comme je suis a démarré vers mes 10 ans. C’est à ce moment-là que j’ai compris la grossophobie. Que ce n’était pas normal qu’on me mette à l’écart seulement à cause de mon apparence physique. Je pensais que ces moments difficiles n’auraient lieu qu’à l’école. Puis, c’est arrivé : j’ai commencé à subir des critiques à cause de ce surpoids à la maison. Pour moi, ça a été un véritable drame.
Dans son 35e épisode intitulé « Warriors contre la grossophobie », l’équipe du podcast Yesss a invité Anouch, membre du collectif Gras Politique, pour témoigner de cette forme de discrimination, entre violences du corps médical, commentaires de l’entourage et injonction constante à la minceur.
Je suis la seule à avoir une morphologie plus « volumineuse » que la moyenne dans ma famille. Au milieu de tout le monde, je me dis que je suis la « tâche » qui gêne et qu’on ne veut pas voir. Donc je me sens mise à l’écart. Je n’ai jamais osé leur dire ce que je ressens, car j’ai toujours peur de leur réaction envers moi, même si au fond je pense que ce serait bien. Parfois, quand je suis avec mon cousin et ma cousine, je vois bien qu’ils préféreraient que je m’en aille… Pourtant, ils comptent beaucoup pour moi.
Ma famille croit m’aider, mais c’est de la grossophobie
Avec mes cousins, même s’ils me soutiennent parfois quand on parle de mon surpoids, je préfère ne pas trop insister avec eux sur ce sujet. J’ai toujours peur qu’ils finissent par être « saoulés » et ne veuillent plus me parler.
Avec les autres membres de ma famille, c’est une avalanche de critiques. Mes parents sont les premiers à me dire que je suis vraiment « trop grosse » ou que « je vais exploser » si je continue, mes tantes me conseillent de faire plus attention à ce que mange, et mes grands-parents me le répètent… Je sais très bien que tous font ça « pour mon bien ». Ils croient que je vais faire tout ça et que du coup je vais maigrir. Mais ce n’est pas vrai : j’ai essayé beaucoup de leurs soi-disant solutions, et ma morphologie n’a pas changé. Et puis parfois, leurs remarques deviennent vraiment blessantes. Elles ne m’aident pas du tout à avancer.
C’est ma morphologie, c’est comme ça
Au moment des repas de famille, je me demande toujours si ce que je mange ou la taille de ma portion va leur convenir. J’ai peur qu’ils me crient dessus. Quand j’ai le malheur de prendre une part un peu trop grosse, tout le monde se retourne vers moi comme si j’avais fait une erreur gravissime et ça me donne la chair de poule.
Dans ces moments-là, je n’ai qu’une envie : pleurer toutes les larmes de mon corps, leur demander pardon à tous et partir en courant pour aller me mettre dans un coin où personne ne me verra. Mais bien sûr, je retiens mes larmes, je me tais, et j’écoute ce qu’ils ont à dire sur moi…
Ce serait mieux évidemment d’essayer de leur dire ce que j’ai sur le cœur pour qu’ils sachent que ça m’attriste et me fait de la peine. Mais je n’y arrive pas, car j’ai toujours peur qu’ils finissent par me dire que je dis n’importe quoi et qu’ils m’engueulent. J’ai même peur de leur réaction s’ils lisaient ce texte.
La grossophobie, c’est aussi mettre en avant les tailles les plus petites dans les magasins. Shela vient de Guadeloupe et dénonce le fait qu’en métropole, ce soit impossible de trouver sa taille de soutien-gorge. Elle a dû se tourner vers internet et les marques américaines.
Les seules personnes sur lesquelles je peux compter, ce sont mes amies. Elles sont vraiment gentilles car je leur dis souvent que je suis grosse, que je suis laide, que je chante mal… Mais elles me répètent toujours que ce n’est pas vrai et que je devrais plus « croire en moi ». Grâce à elles, j’arrive à prendre de plus en plus confiance en moi. Mon surpoids, c’est ma morphologie, c’est comme ça. Je sais maintenant que ça ne sert à rien de le détester, parce que sinon je finis par me détester moi-même.
Célia, 15 ans, lycéenne, Gardanne
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