Imane B. 21/10/2018

J’ai traversé des pays et des épreuves pour être libre

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Maltraitée par ma famille, mon frère m’a fait partir en Espagne, puis en France. Je rêve aujourd’hui d’aller à l’école.

Après la mort de mon père, mon oncle m’a donnée à son fils. J’avais 15 ans. Il était beaucoup plus âgé que moi et il me traitait mal. Alors mon grand frère a essayé de trouver une solution pour moi. Un de ses amis vivait au Maroc. Il lui a expliqué la situation pour que j’y aille. On n’avait même pas de maison, mais je préférais ça plutôt que de retourner en Guinée.

Mais, au Maroc, ça n’a pas été facile. Le passeur n’a pas été gentil avec moi, il voulait me violer, il ne voulait plus me faire passer. Mon frère a réussi à me faire changer de passeur. Et un jour, le nouveau passeur est venu me dire : « Prépare-toi, vous êtes programmés aujourd’hui à 18h. » Pendant le passage, je devais être discrète. Le passeur nous a dit d’enlever nos bijoux et de porter des baskets pour bien marcher. On ne devait pas faire de bruit. Si les filles avaient leurs règles, on les renvoyait. Je me suis préparée. À 18h, on a quitté Nador dans une camionnette, on était 45. On ne respirait pas bien. Le trajet a duré six heures. Puis on a marché. On savait juste qu’il fallait passer à travers la montagne. On a marché toute la nuit, puis le passeur nous a dit de nous reposer jusqu’au soir. On est restés au bord de la mer. À minuit, ils ont gonflé le zodiac et, à 1h du matin, ils nous lançaient. On est restés seize heures sur l’eau. Puis la Marine espagnole est venue nous sauver. Ils nous ont montés sur leur grand bateau, et après trois autres heures on est arrivés à Malaga.

Ici, je sais qu’on ne peut plus venir m’embêter

Je suis restée deux mois en Espagne. Mais mon but, c’était de venir en France : déjà en Guinée j’aimais la culture et la langue française, je rêvais d’y arriver. En Guinée, j’écoutais Black M et MHD. Ils sont connus. Ils ont des origines guinéennes ! Je regardais des séries, je voyais la Tour Eiffel, c’était mon rêve de venir. Le 28 novembre 2017, j’ai quitté l’Espagne pour venir ici. Ici, je suis libre de faire ce que je veux. On me protège : la loi, le SEMNA [Secteur Éducatif Mineur Non Accompagné] et le foyer. Et je sais qu’on ne peut plus venir m’embêter. Ma seule inquiétude, c’est que pendant ce voyage, le kyste que j’avais dans le dos a grossi. Les médecins ont dit que je devais attendre l’opération avant de pouvoir aller à l’école. Mais pour me faire opérer, j’attends une réponse d’un test des os qu’ils ont fait pour certifier mon âge. C’est long. J’attends et je veux vraiment aller à l’école.

 

Imane, 17 ans, en formation, Paris

Crédit photo Adobe Stock // © Ajdin Kamber

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