Mia M. 28/03/2019

Les drogues, c’est comme un jeu, parfois dangereux

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Mia a toujours été contre les drogues, avant d'y prendre goût. Au point de devenir une grosse consommatrice et de vivre des descentes de plus en plus dures.

Dans notre société, on a une vision à la fois fantasmée et péjorative des drogues. Quand on parle de drogues, notamment de drogues dures, on s’imagine toujours le type au teint blafard, l’air chétif, en train de se piquer le bras. Et pourtant, même si ces personnes existent, la drogue peut avoir de multiples facettes.

Au lycée, je me suis mise à chercher la reconnaissance des autres. Et, comme beaucoup d’adolescents de mon âge, j’étais à la recherche de sensations. J’aimais vivre des histoires passionnelles mais courtes, vagabonder et sortir faire la fête. Néanmoins, je restais quelqu’un de raisonnable. J’ai toujours fait de mes études une priorité. Je ne fume pas et je ne bois pas d’alcool fort. À cette époque, j’avais un discours catégorique concernant les drogues : j’étais absolument contre. Je ne comprenais pas l’intérêt de prendre ce genre de substances. Et puis, je suis arrivée à la fac.

Je fréquentais souvent un bar branché alternatif de ma ville. Il y avait des étudiants, des militants, des punks, des originaux. C’était une aubaine pour moi. Je me sentais très à l’aise avec ces gens, j’étais amie avec tout le monde. Et j’ai fini par devenir une habituée. Je m’y suis fortement liée d’amitié avec un jeune garçon. Et, dans son groupe d’amis, leur truc, c’était les soirées techno. Je ne savais pas du tout de quoi il s’agissait. Pour moi, c’était juste du bruit. En plus, j’avais eu de très mauvaises expériences avec les boîtes de nuit qui me rendaient plutôt agoraphobe et angoissée.

Ils m’ont initiée au monde de l’underground. Il faut dire que j’ai pas mal voyagé, notamment à Berlin. Cette musique et cette culture nocturne attisaient particulièrement ma curiosité. Ma première fois a été incroyable. J’ai tout de suite accroché à l’ambiance, la musique, les lumières, les gens. Je ne me sentais même plus angoissée par la foule. Au fur et à mesure de la soirée, les gens se désinhibaient. Puis, mon ami a disparu. J’attendais dans le fumoir avec d’autres amis qui fumaient des clopes. Soudain, il est revenu, souriant ; il avait acheté de la MDMA. Il a partagé la poudre et m’en a proposé. J’ai accepté, non sans crainte, de tester cette substance, mais dans une moindre quantité, même pas un quart de parachute.

A Lille, l’association « Stop à la drogue » essaie de responsabiliser jeunes et adultes sur les effets des drogues. Sans les diaboliser.

Je n’ai ressenti que très peu d’effets et je me demande même si ce n’était pas plus un placebo qu’autre chose. Mais la soirée a alors pris une toute autre tournure : j’ai enfin remarqué que beaucoup de personnes n’avaient pas consommé que de l’alcool. Dès que j’allais aux toilettes, de nombreux dealers venaient me proposer n’importe quelle substance : MD, taz, C, Ké, comme s’il s’agissait d’une simple marchandise. Plusieurs fois, des inconnus sont venus me voir, défoncés, me demandant si je n’avais pas « quelque chose ». À un moment, un garçon m’a agrippé le bras et a approché sa tête de la mienne. À quelques centimètres, me fixant d’un œil perçant, il m’a lancé : « Ouah, tu es trop belle ! » J’étais plutôt surprise !

Mais ce qui m’a surtout choquée, c’est lorsque j’ai rencontré cette fille. Elle avait l’air juvénile, innocente. Elle était tellement perchée qu’elle s’est effondrée à côté de moi. Je l’ai relevée, avec l’aide de son amie, et j’ai tenté de lui faire reprendre connaissance. Mais dès que je discutais avec elle, elle perdait à nouveau conscience. « T’inquiète pas pour elle, elle fait toujours ça », m’a lancé son amie de manière nonchalante. J’étais effarée. Après cette soirée, la vie a repris son cours. Je suis finalement retournée à ces soirées de manière occasionnelle, sans consommer.

J’y ai pris goût, à mon insu

Et un jour, mon copain de l’époque m’a quittée. Le soir même, j’ai décidé de sortir avec ces mêmes amis pour me changer les idées. On m’a droguée à mon insu. C’est de cette manière que j’y ai pris goût, je me disais que c’était pas si « dangereux » que ça finalement… Et j’ai rencontré un autre garçon. Ces deux événements simultanés ont été la source de mes problèmes. Je suis rentrée dans un cercle vicieux. C’était la fin de l’année, les partiels étaient passés et j’avais beaucoup de temps libre. Je passai énormément de temps avec lui, nous fumions beaucoup, nous sortions beaucoup et nous nous droguions beaucoup également.

Je suis quelqu’un de plutôt introspectif et je prenais surtout de l’ecstasy, pour ressentir au maximum les sensations dans mon corps et dans ma tête. Lorsque j’en prenais, c’était comme un orgasme dès la première montée ; j’avais chaud, je me sentais plutôt soulagée, comme si toutes mes angoisses, toutes mes douleurs et toutes mes peurs disparaissaient. Je suis super crispée et stressée ; je pouvais enfin lâcher prise. Chacun a sa manière de réagir aux drogues et chaque drogue a également sa particularité. Rien que le fait d’en prendre me donnait un coup d’adrénaline, une impression d’être invincible et de vivre quelque chose d’exceptionnel. Quand tu prends de la drogue, tu as une toute autre manière de percevoir, d’analyser, de comprendre les choses qui t’entourent.

Alors, quand je suis repartie à Berlin pour un stage de deux mois, j’ai continué seule mes mauvaises habitudes. En rentrant en France, ça a été l’ascenseur émotionnel. Je reprochais au garçon que je fréquentais de prendre trop de drogues, avant même de constater que tout mon entourage était touché. Mon propre frère avait des addictions à l’alcool et à certaines drogues. J’ai décidé de m’éloigner de cet environnement toxique. Mais bizarrement, je me suis sentie extrêmement mal durant des mois, même si les choses s’arrangeaient autour de moi. Je me suis persuadée que j’étais tombée amoureuse du garçon que j’avais fréquenté l’été passé et que j’avais quitté, et que je vivais sans nul doute un énorme chagrin d’amour.

Les descentes devenaient dures, alors j’ai tout arrêté

Quelques mois plus tard, j’ai rencontré un autre garçon, avec lequel j’ai recommencé mes soirées techno, en prenant de la drogue. En parallèle, je me suis soudain sentie beaucoup mieux, physiquement et mentalement. Mais c’était superficiel. Je prenais des quantités de plus en plus importantes de psychotropes, je me droguais de plus en plus fréquemment, parfois même en allant juste au bar avec des amis. Je me créais un bonheur artificiel. Les descentes devenaient de plus en plus dures, je me mettais à pleurer pendant trois jours et j’en devenais ridicule. Je pensais tout le temps à la drogue. Je me suis rendu compte que la jeune fille innocente et juvénile que j’avais croisée un an auparavant, c’était devenu moi. Cette « épidémie » m’avait également touchée. J’avais un problème.

Toutes les personnes de mon entourage qui consommaient étaient de plus en plus mal. Je pensais que c’était parce que nous avions des problèmes. Certains avaient des soucis familiaux, d’autres des soucis plus personnels. Mais le vrai problème, c’était ce qu’on utilisait comme solution. Alors j’ai tout arrêté. Ça a vraiment été difficile au début, mais je m’y suis prise à temps. Encore aujourd’hui, je me sens totalement impuissante face à tous ces gens, tous ces proches qui tombent dedans et que je ne peux pas aider.

Pendant un an et demi, Augustin s’est drogué. Beaucoup. Il a connu l’excitation, l’énergie, la violence… et l’hôpital psychiatrique. Il lutte encore aujourd’hui pour rester clean.

boîte de cachets

Je ne regrette pas cette période de ma vie, ça a totalement changé ma perception des drogues. Je suis totalement pour la dépénalisation de toutes les drogues. Je pense que ce n’est pas par la répression que l’on diminuera le nombre de consommateurs, mais par l’éducation. On ne devient pas forcément accro, mais c’est comme un jeu, un jeu très dangereux qu’il faut manipuler avec beaucoup de précautions. Sinon, on tombe dans le panneau, ou plutôt on tombe malade, et là, c’est comme une épidémie, et tout le monde suit.

On a tendance à minimiser les conséquences de certaines autres drogues comme l’alcool, les médicaments ou même le sucre. La drogue n’est pas forcément un truc qui touche des personnes perdues ou qui ne font rien de leur vie. La drogue ce n’est pas que les drogues dures. Ça peut toucher n’importe qui et cela touche d’ailleurs aujourd’hui de plus en plus de monde.

Mia, 22 ans, étudiante, Lyon

Crédit Photo © Matrix Film 1999

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1 réaction

  1. Mia M., thanks so much for the post. Really thank you ! Keep writing.

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