Naïma A. 10/11/2020

En un clic, je suis devenue virale

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J'ai posté une photo de ma joue avec l’Asie du Sud-Est maquillée dessus, et ça a fait le buzz. Entre les demandes de partenariat et les insultes, je ne m'attendais pas à de telles conséquences.

Je suis passée de quelques centaines d’abonnés à des milliers de demandes sur les réseaux. Je voyais mon visage partout, j’ai été identifiée, appelée de tous les côtés, je recevais des tonnes de messages. Je n’avais rien dit à mes parents, mais ils ont découvert le buzz sur la page Facebook d’une star cambodgienne. Elle avait reposté ma photo et mis en description l’histoire de mon pays. En un clic, j’ai connu une courte vie d’influenceuse. 

En juin 2020, j’ai dessiné sur ma joue l’Asie du Sud-Est (qui regroupait le Cambodge, la Thaïlande, le Laos et le Vietnam). Durant les mois de confinement, je testais de nouvelles techniques de maquillage. Puis est arrivé l’événement mondial « Black Lives Matters ». Une instagrameuse, @amandineyk, a posté une photo d’elle : elle s’était dessinée la carte de l’Afrique sur la joue droite. Je m’en suis inspirée pour dessiner sur ma propre joue, et j’ai posté la photo sur Snapchat. 

Elle est devenue virale et a été partagée des milliers de fois sur Twitter, Facebook, Instagram… C’est même parti jusqu’aux Etats-Unis. Je l’avais mise en story privée (seuls mes amis pouvaient la voir, et elle se supprimait au bout de 24h), mais une de mes amies l’a capturée et repostée dans sa propre story. Je ne contrôlais plus mon image et ne comprenais plus ce qui m’arrivait. 

J’ai postulé à un job et la dame m’a reconnue 

Je me suis réveillée choquée, dans l’incompréhension totale. J’ai vite réalisé que tout le monde avait vu ma photo, et j’ai eu comme un stress, une peur de ce qu’il pouvait se passer. À la fin du mois de juillet, j’ai postulé à un job et la dame avait vu ma photo sur Instagram ! Pendant ces mêmes vacances, je suis montée sur Paris avec mes amis. On se promenait près de la Tour Eiffel, et je me suis fait arrêter dans la rue. Les gens m’avaient reconnue et voulaient me prendre en photo. J’ai un peu paniqué. Je m’attendais à tout sauf à ce qu’on me reconnaisse, en plus on portait le masque en ville à cause du virus ! 

Sacha Sadok, désormais @dontsmilesacha sur TikTok, a 15 ans. Son métier ? Influenceur. Il raconte comment sa vie a changé en quelques mois, des aspects positifs et négatifs de son métier et de l’usage qu’il fait de sa notoriété.

J’ai du mal à comprendre ce qu’il s’est passé. J’ai reçu beaucoup de critiques positives : des messages d’inspiration, des compliments, des conseils pour la suite. J’ai eu beaucoup de soutien de la part de ma communauté cambodgienne sur les réseaux, qui venait de partout dans le monde. J’ai même été contactée par quelques marques et des boutiques de prêt-à-porter féminin qui me demandaient des partenariats. J’ai reçu des mails d’agents parisiens pour collaborer. Je venais tout juste d’être majeure, d’obtenir mon bac, je ne voulais pas m’aventurer dans un monde que j’aurais pu regretter par la suite.

« Mets pas le Vietnam sale p*te »

À côté de ces messages d’encouragement, il y a eu aussi les messages de menaces, les insultes, tous les jours : « T’es même pas asiatique », « Mets pas le Vietnam sale p*te », « Sale chinoise, tu te permets de dessiner la carte de l’Asie alors que tu as propagé le virus ! » Cette dernière insulte m’a fait d’autant plus mal que le coronavirus a touché ma famille. 

Pour compenser l’invisibilisation des personnes asiodescendantes en France, Amanda et Amélie ont créé le podcast Asiattitudes. Elles y parlent histoire, cultures et identités, et mettent à mal les clichés véhiculés sur les communautés asiatiques.

 

 

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Mes parents aussi ont été atteints. Un jour, des amis à eux, originaires du Vietnam, les ont contactés sur Facebook pour leur dire que je n’aurais pas dû représenter le Cambodge à côté du Vietnam, « que nos deux pays n’avaient rien à voir ensemble, nous ne sommes pas cousins ». Subitement, ma photo se retrouvait au centre d’un conflit entre deux pays.   

Ça m’a fait réaliser que tout se propageait très vite dans le monde des réseaux sociaux. Je suis ressortie grandie de tout ce « mini-buzz », même si je ne me considère pas comme une « célébrité » car je n’ai rien vécu de concret. 

 

Naïma, 18 ans, étudiante, Rennes

Crédit photo Unsplash // CC Dries De Schepper

Montage Team ZEP

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