Sandra E. 04/02/2020

3/4 J’ai répondu à sa violence… et fini au poste

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La violence de son beau-père les a toutes affectées : sa mère, ses frères et elle. Quand Sandra a répondu par des coups, la police est venue la chercher.

J’étais jeune quand mon père est parti. Il était militaire, à la retraite. Après son départ, ma mère s’est mariée avec son meilleur ami, alcoolique. Quand il buvait, on recevait des insultes, jusqu’au jour où il a levé la main sur nous. On ne se plaignait pas. Puis, il a commencé à lever la main sur ma mère, et là les choses sont devenues de plus en plus difficiles. Elle ne réagissait pas. À mes yeux, elle était faible et je lui en voulais pour tout ce qu’on subissait à cause de cet homme qui n’était pas notre père.

Quand je rentrais chez moi, je l’évitais. Mes frères aussi. Je pense que ça nous a tous affectés, mais pas traumatisés. On a essayé de s’évader du mieux que l’on pouvait… Le plus grand, il se droguait. Il fumait du cannabis régulièrement, jusqu’au jour où il a été incarcéré. Le deuxième a continué ses études, aujourd’hui il a une licence. Mais, à l’époque, il aimait se battre dans la rue, ça lui permettait de s’évader.

Moi aussi j’aimais la bagarre. Je me rappelle avoir demandé à ma mère de m’inscrire dans un club de boxe. Elle avait refusé. J’ai arrêté d’aller à l’école, je pense qu’à cette époque j’étais perdue. Quand je rentrais chez moi, j’avais toujours des blessures, et mon beau-père me mettait des coups en plus, mais ça ne me faisait plus aucun effet.

Un jour, il avait encore une fois levé la main sur ma mère, et moi je suis arrivé à la maison juste après avoir participé à une bagarre. C’était la fois de trop, et j’ai voulu défendre ma mère. Je lui ai rendu ses coups. Comme il buvait, c’était facile pour moi de le maîtriser. Je ne peux pas vous expliquer à quel point ça m’a fait plaisir de le frapper. J’ai longtemps imaginé ce que j’avais envie de lui faire. Parfois, je le voyais mort, et cette pensée me faisait sourire rien qu’en me figurant notre vie sans lui.

La police m’a dit que j’aurais dû appeler le 17

Ma mère, elle, a trouvé que ma violence était excessive. Elle a appelé la police et avec son autorisation, j’ai été menottée et emmenée au commissariat. Il aurait peut-être fallu que je regrette ce que je venais de faire mais non, j’étais contente. Je rigolais avec les policiers pendant le trajet, même s’ils me faisaient quand même la morale au sujet de mon comportement. Ils m’ont dit qu’il aurait fallu que j’appelle le 17 dès le début.

En fait, ils étaient très gentils et compréhensifs, ils ont écouté mon histoire et m’ont calmée. Ils m’ont aussi expliqué que leur métier consistait à défendre les femmes battues ainsi que leurs enfants. Et que si, plus tard, je décidais d’aider les femmes qui sont victimes, comme ma mère, de ces violences, je pourrais intégrer la police nationale.

Série 4/4 – Après des années à grandir au milieu des violences, Lune est aujourd’hui sortie d’affaire. Elle voudrait s’engager pour aider d’autres victimes.

Illustration sur laquelle on voit une foule de personnes, de dos, qui se tiennent par les épaules. Au premier plan, en gros, on aperçoit des mains tenant des roses comme des poings américains.

Ce jour-là, j’ai vu les policiers autrement. Car à mes yeux, jusque-là, ils ne servaient à rien. Je me rends compte maintenant à quel point j’étais immature. Ma mère n’a pas porté plainte contre mon beau-père et, à chaque fois, qu’il essayait de la toucher à nouveau, j’intervenais pour l’en empêcher. Je n’en veux plus à ma mère et lui s’est calmé parce que maintenant il a peur de mes frères et moi. Il pèse ses mots quand il nous parle. C’est grâce à cet épisode douloureux que j’ai été attirée par le métier de policière. Et j’ai bien l’intention de passer le concours de l’école de police.

Sandra, 24 ans, stagiaire, Marseille

Crédit photo Unsplash // CC Frank Busch

 

Les enfants, grand·e·s oublié·e·s des violences conjugales

Des chiffres sous-estimés

143 000 enfants vivent dans un foyer où une femme a déclaré des violences sexuelles et/ou physiques au sein de son couple. Mais si l’on tenait compte des violences psychologiques et des violences non déclarées par les victimes, le nombre d’enfants concerné·e·s par l’exposition aux violences conjugales en France serait de 4 millions selon la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF).

Les enfants exposé·e·s présentent tou·te·s des troubles psychologiques  

La quasi-totalité des mères appelant le 3919 rapportent que leurs enfants présentent des sentiments de peur, d’anxiété, d’angoisse et de stress. Un quart d’entre elles relèvent également une perte d’estime de soi et un sentiment de culpabilité chez elles et eux, et pour 10 % d’entre elles des signes de dépression, de lassitude et de fatigue. 

La loi ne reconnaît pas aux enfants le statut de victime  

Les enfants exposé·e·s aux violences au sein du couple ne sont pas considéré·e·s comme victimes au regard de la loi. En plus de ne pas obtenir cette reconnaissance symbolique, cela les empêche de se constituer partie civile lors d’un procès et d’obtenir des dommages et intérêts pour les préjudices et les traumatismes subis.

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