Amssi M. 20/09/2018

Mon rêve abîmé d’un « paradis français »

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Mes premières expériences à Paris m’ont vite dégoûté. Ivoirien, sans personne pour m'aider, je me suis retrouvé à la rue. De quoi bien salir mon image du pays.

Mon rêve, c’était de venir à Paris pour étudier. Je me disais toujours que Paris c’était le Paradis. Mais il n’y a pas de paradis en ce monde. Je suis Ivoirien et je n’ai pas eu la chance d’aller à l’école dans mon pays. Mon père ne voulait pas que j’y aille, j’étais son premier fils et il voulait que je travaille avec lui. Il était cultivateur. En voyant à la télé, les informations, je me disais que la France accueillait les gens, ne triait pas, que tout le monde était mélangé.

Je suis venu sans parent, seul, sans rien. Et le pays m’a refusé. Après un long voyage, c’était difficile. Je suis allé dans plusieurs commissariats. Ils avaient trop entendu ce genre d’histoires, il y avait beaucoup de monde, ils ont fini par me donner un papier et, au troisième commissariat, c’est là qu’on s’est occupé de moi. On m’a emmené dans un centre pour mineurs. Le lendemain, le centre m’a envoyé à La Croix-Rouge, avec toutes mes affaires. Ils m’ont mis dehors quoi ! Et la Croix-Rouge m’a dit d’aller voir le juge pour enfants.

Ça a sali l’image de la France chez moi

À la justice, ils ont pris mon dossier. Le juge m’a convoqué, j’ai demandé un coin pour dormir mais il n’y avait pas. Je n’avais pas d’extrait de naissance pour montrer que je suis mineur. C’est là que j’ai dormi dans la rue…

J’ai dormi au bord de la Seine et dans le métro. J’étais SDF pendant une semaine : il faisait froid, j’avais juste mon petit sac, pas de tente, juste une petite couverture. Ceux qui étaient là-bas m’aidaient. Il fallait être solidaires. Le pire, c’était le matin, juste quand le jour se lève. J’allais dans le métro, je faisais des allers-retours, pour me réchauffer. Comme je sautais les barrières du métro, je suis devenu un suspect. J’avais pas le choix, je ne voulais pas violer la loi de ce Paradis, mais c’est lui qui m’y a poussé.

Je ne supportais pas du tout ça. Je suis retourné au centre où la police m’avait emmené. Une jeune femme m’a fait dormir en cachette. Elle a appelé une femme d’une association qui m’a mis dans un hôtel pendant une semaine. Puis chez la mère d’une amie. Elle m’a mis à l’école. Elle me dit que je dois passer un diplôme. Je voudrais apprendre à lire, à écrire, m’adapter à la culture.

Cinq ans après son arrivée, Amir, lui, se sent “Complètement français ! Sauf sur le papier“. En voie d’être naturalisé ?

Un grand pays comme la France ne devrait pas laisser des enfants dans la rue. Ça a sali l’image de la France chez moi. Je ne le dis pas à ma mère. Je veux pas l’inquiéter. Mes amis, je leur dis ce que j’ai vécu. Ils m’écoutent et ne viennent pas. Moi, je ne regrette pas d’être là. On m’a appris à être patient.

 

Amssi C., 17 ans, en formation pro, Paris

Crédit photo Flickr // CC Christophe Alary

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