Police : dans mon quartier, la BAC c’est des voyous
Au réveil, je reconnais la cellule. C’est la cinquième fois, toujours la même histoire. 24 heures après, je suis de sortie. Où est la morale ? Clairement inexistante, juste une rage de vengeance qui s’amplifie. Et chaque soir, on fait juste en sorte de dormir dans notre lit.
Dans mon quartier populaire du 92, toujours peuplé de monde dans les rues, la municipale a pour habitude de patrouiller à la recherche de « flagrants délits ». Ils savent que dans ce genre d’endroits, les quartiers difficiles, il y a du travail pour eux. Poursuivre les jeunes est leur activité favorite.
La Brigade Anti Criminalité (BAC) est au cœur du prochain film de Ladj Ly, Les Misérables. Prix du jury à Cannes, il sort en salles le 20 novembre. En attendant, bande annonce !
À 17 ans, j’étais en capacité d’affronter les aléas de la vie. Là, « la municipale » ne peut plus nous déranger : les personnes de ce grade n’ont plus d’autorité. Seule la BAC de nuit et leur violence exagérée peut entamer une guerre. Mais plus jeunes, c’était différent. Comment ? Simple : nous attraper, nous coller une bêtise sur le dos comme dégradation de bien public (alors que tout ce qu’on faisait c’était jouer au ballon dans la rue) et nous emmener au poste. Après ça, on se prenait une correction par le patron de la famille qui ne cherchait pas à comprendre, sans même que l’on puisse se justifier car nous avions « juste 14 ans ».
La BAC agit comme une « bande rivale »
Début de week-end, 3h du matin, les canettes et cigarettes écrasées envahissent le sol, nos véhicules (voitures et scooters) nous entourent. C’est fait en sorte que ce soit notre espace mais, comme toujours, la police passe pour « un simple contrôle de nuit ». Le ton monte, les lampes torches de droite à gauche trompent nos sens. Les plus nerveux des deux côtés sont les clés de l’affrontement, les propos sont teintés d’insultes baignent… Moi-même, je ne sais pas qui se trouve devant nous : les forces de l’ordre ou un quartier rival ?
Cette provocation policière, internet n’en manque pas ! Sur les réseaux, les vidéos qui l’illustrent ne manquent pas. Comme celle d’Hamza à Chanteloup Les Vignes. Des remarques tout sauf professionnelles.
Quand on vous dis que la police provoque c’est réel pic.twitter.com/wBcYbl549Y
— Hamza 🥴 (@hmz785) 22 octobre 2019
La BAC de nuit se comporte comme ces jeunes de l’autre quartier avec qui nous avons l’habitude de recourir à la force : ils viennent déranger une bande de potes qui se retrouvent en fin de journée pour passer du bon temps, ils cherchent un moyen de nuire à cette soirée. Ils nous balancent des propos racistes et malsains : « Alors les arabes, on vend de la drogue ? », « Eh D*****, ça va ta mère ? », « Si tu parles, je t’éclate, ferme ta g***** ». Ils allument une flamme dans une botte de foin, puis se sentent menacés quand nous agitons nos bras !
Réfléchir n’est plus d’actualité quand il faut qu’on se défende après des coups de matraque et des jets de gaz lacrymogène. Et c’est leur justification préférée : d’après eux, nous étions violents, alors que nous faisions juste en sorte d’en sortir indemnes ou presque, en rendant les coups. Bien évidemment, de notre côté nous n’avions que nos poings.
Yasmine aussi le subit, même si son rapport à la police est moins frontal. La confiance n’y est pas, quand les violences s’enchaînent… « On appelle qui quand c’est la police qui tue ? »
Leur devoir est de servir et de protéger mais leurs actes ne suivent pas leur vocation. Il n’y a plus de respect, absence totale de règles. Mais leur place dans la société les sauve, car ils sont « les valeurs de la République » et nous, de simples bénéficiaires des aides sociales.
Dixo, 18 ans, étudiant, Gennevilliers
Crédit photo Les misérables de Ladj Ly (film 2019) // © SRAB Films – Rectangle Productions – Lyly films