Dépression : à 14 ans, j’ai craqué
C’est quand son père a abandonné sa famille du jour au lendemain qu’Evan a commencé à avoir des idées noires. Nathan a, lui, très mal supporté la pression de ses parents et des profs pendant sa scolarité. Il est devenu très inhibé et a eu de plus en plus de mal à s’ouvrir aux autres… jusqu’à craquer. C’est bien une dépression que les psys leur ont diagnostiqué. Pourtant, ils ne sont jamais retournés les voir.
« À l’extérieur je fais semblant d’être une bonne personne, d’être gentil et tout ça. Mais je ne me sens pas bien, à l’intérieur. »
« Mon père est parti sans me dire au revoir, rien du tout. Moi, j’étais en train de l’attendre à l’aéroport. Je me disais chaque jour qu’il allait revenir, que j’allais le revoir, lui faire un câlin. Mais non. »
« Mes parents ont dû beaucoup travailler, donc ils m’ont mis beaucoup beaucoup de pression. Comme j’ai arrêté de travailler, je pensais que je ne servais plus à rien. Que je servais à que dalle. Et que même si je mourrais, ça ne changerait rien. »
Angoisses et anxiété sociale
« D’un coup, je me réveille, et je sens que je me sens mal. Je me regarde dans le miroir et je me dis que ce n’est pas moi, que c’est une autre personne. Je me demande : « Qui je suis, en fait ? Est-ce que je mérite vraiment tout ce que j’ai ? » »
« À chaque fois que je fixe une personne dans les yeux, j’ai l’impression qu’elle a un préjugé sur moi. J’ai commencé à les éviter, je ne voulais pas croiser leurs regards et je baissais toujours la tête pour les éviter. Je voyais mes grands-parents apparaître. Dans les escaliers, je voyais des marches et je marchais dans le vide. »
Quand les profs ont vu qu’Evan allait mal et que Nathan pleurait pendant le cours, elles et ils se sont empressé·es de les renvoyer vers les psy et infirmières scolaires. Evan et Nathan auraient dû parler pour aller mieux et se soigner, ils le savent, mais ne l’ont jamais fait.
Une dépression mais pas de psy
« Pendant un cours de musique, j’ai décidé de mettre fin à mes jours. La prof m’a vu en train de pleurer et elle m’a dit d’aller voir l’infirmière du collège. Je lui ai tout dit et elle a directement pris rendez-vous avec l’hôpital de la Salpêtrière. La psychologue m’a dit que je faisais de l’anxiété sociale et une dépression. »
« À chaque fois que je suis stressé ou que je ressens une pression, j’ai mal à la tête et ça chauffe très très fort. Pour arrêter tout ça, je prenais toujours une paire de ciseaux avec moi et je me tailladais un peu les bras. Je me coupais un peu les veines pour que je saigne et que je ressente de la douleur, pour oublier tout ce qui m’entourait, le son et le bruit. »
« Quand on m’a dit d’aller voir le psy, je n’y suis allé qu’une seule fois et j’ai arrêté. »
« Ma prof de maths m’a dit que c’était urgent de voir une psychologue. J’y suis allé juste pour raconter un petit bout de ce qui se passe. Elle m’a dit : « Tu fais une dépression, tu vas venir me voir tous les jours. » Mais je ne l’ai pas vue. Juste une fois et après c’était bon. Je ne me sentais de confier toutes mes choses à une personne. »
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« Je n’aime pas me confier avec une psychologue. C’est assez dur de parler avec une personne qu’on ne connaît pas de tout ce qui nous arrive. On a peur de ce qu’elle pourrait penser de nous et on ne le fait pas forcément. »
« Mon père m’a abandonné, mais ça ce n’est rien par rapport à ce qu’ils ont vécu dans ma famille. Leur enfance, c’est la plus dure que j’ai vue. Ils ont beaucoup d’autres choses à faire que de m’écouter. Je me dis ça, mais peut-être qu’ils diraient qu’il faut se confier. »
Evan et Nathan, 15 ans, lycéens, Paris
Illustration © Léa Ciesco (@oscael_) // Musique Kiala Ogawa
Journalistes : Justine Irankhah et Paul Ricaud
