ZEP 09/01/2023

Expulsés de chez nous, du jour au lendemain

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Quand Solivan et Badara n'ont plus eu les moyens de payer leurs loyers, ils ont été expulsés. Une menace qui plane en ce moment sur Julie.

Alors qu’une nouvelle loi votée à l’Assemblée s’apprête à criminaliser davantage les squatteurs et à raccourcir les délais d’expulsion des locataires les plus précaires, trois jeunes nous racontent la violence de se faire virer de chez soi du jour au lendemain.

Ils n’ont pas payé à temps, alors on les a mis dehors. Solivan avait 16 ans quand la crise du Covid a mis en faillite les commerces de ses parents. Les loyers en retard se sont accumulés, et le propriétaire est venu les chercher au saut du lit, entouré de policier·es et d’huissier·es.

Quand la mère de Badara a eu des difficultés financières, les marchands de sommeil qui leur louaient un studio les ont mis·es dehors, sous la menace des armes. Ses frères et sa mère ont dormi dans la rue pendant quelques mois.

Julie, elle, s’est fait expulsée d’un squat militant après l’organisation d’une fête pendant les restrictions sanitaires. Le squat a ensuite été rouvert pendant plus d’un an, malgré les accès murés et les portes anti-effractions. Julie vit aujourd’hui dans un autre, qu’elle partage avec ses colocataires. Un mode de vie qui lui plaît beaucoup, même si elle sait qu’il sera éphémère : un jour, les procédures administratives se termineront et la police viendra les mettre dehors.

« On a entendu plusieurs boums sur la porte de l’habitation. Une quinzaine de CRS sont rentré·es, casqué·es, en pointant des tasers et des LBD sur nous et en criant : “Mains en l’air !” »

« Je vois encore le proprio en train de dire à mon frère : “S’il n’y a pas de somme d’argent, je te tire une balle dans la tête.” »

« Il était 10 heures. Avec mon frère, on venait à peine de se réveiller. C’était assez violent comme réveil. Ils nous ont dit de prendre nos affaires et on a dû partir très très vite. »

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« Il y avait tout dans cette maison, et on a tout laissé là-bas. On a pris que nos habits. Eux, ils s’en foutaient. On n’a plus de photos d’avant. C’est comme si on y avait laissé une partie de notre vie. »

« Ma mère dormait dans une voiture. Tous les soirs, elle appelait le 115 pour moi. »

« Les expulsions, c’est dégueu. Ça arrive tous les jours, et souvent elles sont très violentes. Les gens se retrouvent à la rue. »

Illustration © Léa Ciesco (@oscael_) // Musique Kiala Ogawa

Journalistes : Paul Ricaud avec Rachel Andrieu

 

Expulser plus, un mantra pour 2023 ?

Chaque année, la police expulse entre 12 000 et 16 000 ménages, la plupart du temps des locataires qui n’ont pas payé leur loyer faute de moyens. Lors d’une expulsion, les familles doivent souvent tout laisser derrière elles.

Le gouvernement veut accélérer le rythme, et simplifier les procédures avec une nouvelle loi. L’objectif est d’expulser plus rapidement, sans décision de justice, et de punir plus sévèrement les squatteurs. « La rue ou la prison », résume le militant Jean-Baptiste Eyraud.

En prétendant défendre les « petits propriétaires » de logements, c’est aux locataires les plus précaires que s’attaque le gouvernement. La majorité des propriétaires sont des rentiers qui exploitent au moins cinq locations, et les endroits squattés sont souvent des logements vides. D’ailleurs, la France compte 3 millions de logements vacants. Dix fois plus que le nombre de SDF.

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