À 17 ans, déjà dégoûtée de mon métier
Je travaille à domicile avec les personnes âgées. Je n’aime pas ça. M’occuper des gens ne me ressemble pas. Je ne suis pas patiente. Le contact physique avec les gens me déplaît et je n’aime pas les odeurs. C’est un métier beaucoup trop éprouvant. Quand je suis en stage, je ne vois que de la merde, j’en ai marre ! Je n’en peux plus de m’occuper de personnes âgées comme des bébés, j’en ai ma claque. Tous les jours, je me réveille énervée, aigrie, pensive. Me réveiller pour faire des toilettes, pour m’occuper des gens, ça me saoule. Devant eux, je fais preuve de professionnalisme, je ne le montre pas, mais la nuit dans mon lit, je pleure, je me demande ce que j’ai fait pour mériter ça.
Je n’aurais jamais pensé travailler dans ça. Moi, j’ai toujours voulu faire comme ma sœur : gestion-administration, car mon projet professionnel est d’être RH ou gestionnaire. Ou assistante sociale. Je me suis retrouvée dans la filière ASSP pendant les affectations, en 2019. C’est de l’aide, soins et service à la personne. En troisième, je suis allée chez une conseillère d’orientation : le rendez-vous était obligatoire pour tous les troisièmes du collège. Beaucoup de personnes étaient perdues après leur rendez-vous. C’était plus une conseillère de désorientation. Moi aussi, elle m’a plus désorientée qu’autre chose.
Elle m’a vendu du rêve
Elle m’a fait faire un quizz. C’était plusieurs questions sur une application. Elle ne m’a même pas montré les résultats. Elle m’a juste dit que c’était cette filière qui m’irait le mieux et qu’il n’y avait pas beaucoup de monde dedans. Je l’ai écoutée, ça avait l’air bien. Je n’avais pas vraiment compris ce que c’était. Elle m’a vendu du rêve pour avoir un travail facilement. Parce que c’est une filière que personne n’aime, qui a du mal à recruter.
Mon rendez-vous a duré quinze minutes.
Moi, je lui avais parlé d’assistante sociale, et elle m’avait dit qu’avec l’obtention de mon bac, je pourrais directement faire ce métier. C’est faux. J’ai regardé les taux de pourcentage avec un bac ASSP : on est à seulement 12 %. Je l’ai vu sur Parcoursup. Je me suis rendu compte qu’avec mon bac, je ne peux que faire aide-soignante, agente de services hospitaliers… Des métiers qu’on peut avoir sans bac. Même pour entrer dans les écoles d’infirmière, ils nous vendent du rêve, et tout est faux. J’ai regardé les taux de pourcentage et c’est très compliqué car nous n’avons pas le niveau.
Je prépare ma réorientation
Là, je subis la semaine au lycée, en classe professionnelle, plus les week-ends au travail, je n’ai même pas de temps de répit. Je n’aime pas les matières professionnelles et l’anglais. J’ai su dès le premier jour, par l’ambiance de la classe et du lycée, que la filière ne me ressemblait pas. Suite aux rencontres avec les profs qui expliquaient la filière. Et, quand j’ai commencé le stage, beaucoup de choses m’ont déplu comme les changes, les toilettes, et certaines personnes âgées sont violentes. J’en ai marre qu’il n’y ait dans ma classe que des filles « ambiance hypocrite » et des immatures.
En seconde, j’ai demandé à changer de filière à mon CPE, pour aller en gestion-administration. Il m’a dit que ça n’était pas possible car il n’y avait pas de place. J’ai réfléchi : j’étais jeune et innocente et je trouve que, prendre une décision sur sa voie professionnelle à 14 ans, c’est trop tôt. Je regrette ma décision. L’année prochaine, après l’obtention de mon bac (je me bats pour l’avoir), je compte faire une réorientation dans le domaine de la gestion-administration. Me réveiller tous les matins pour apprendre des choses que je n’aime pas, c’est tellement dur ! Je ne le souhaite à personne.
Dalia, 17 ans, lycéenne, Bondy
Crédit photo Pexels // CC Cedric Fauntleroy
Debout les femmes !
Tu connais peut-être François Ruffin, le député LFI. Avant d’être élu, il était journaliste, et il travaillait surtout sur les questions de précarité.
En 2021, Ruffin a mélangé ses deux tafs, la politique et l’information, pour réaliser un documentaire sur les femmes qui travaillent dans le secteur du soin : aides-soignantes, femmes de ménage, accompagnantes éducatives et sociales… Pourquoi que des femmes ? Parce que ce sont elles qui occupent en extrême majorité ces emplois usants et sous-payés.
Découvre leur combat pour sortir de la précarité à travers ce film d’à peine une heure vingt, devant lequel on ne s’ennuie pas.