Rachel B. 08/02/2022

J’évite de dire que je suis juive

tags :

Depuis qu’elle s’est fait insulter parce qu’elle est juive, Rachel ne parle plus ouvertement de sa religion. Et hésite à répondre quand on lui pose des questions.

En cours d’histoire, en primaire, on parlait de religion et le prof nous demandait nos origines. Mon tour est venu. J’ai dit que j’étais d’origine israélienne, tunisienne, polonaise. Le prof m’a dit : « Tu es juive ? » J’ai répondu oui. La sonnerie a sonné et, à la récré, un camarade de classe m’a lancé sans raison particulière : « Sale juive. » Comme c’était la première fois que ça m’arrivait et que j’étais petite, j’ai pensé : « Bizarre, pourquoi des propos comme ça alors que c’est juste une religion ? »

Ma mère a peur pour nous

Une autre fois, même chose, un cours d’histoire où on parle de religion et où je dis que je suis juive. À la récré, un autre élève : « Sale juive, vous avez rien à faire là » ; « Allez brûler. » C’est aussi arrivé à des personnes de mon entourage, mais ce n’était pas dirigé directement contre eux. Par exemple, ma mère coiffait un monsieur, il avait des boucles, et il a crié : « ROLALA, ENLEVEZ-MOI CES BOUCLES À LA JUIVE ! »

Depuis qu’on m’a insultée de « sale juive », ma mère nous demande de ne pas trop dire qu’on est juifs. Par exemple, ma sœur a un collier avec une étoile de David et elle lui dit « le porte pas ! » pour ne pas qu’elle se fasse agresser ou insulter. Mes parents disent qu’ils sont juifs, mais ma mère a peur pour nous.

Quand il sort dans la rue, Joseph n’ose pas porter sa kippa, par peur de subir de l’antisémitisme.

Au centre aéré, un ami à moi a entendu que j’étais juive. Il est venu me voir pour me demander si c’était vrai, j’ai répondu que oui. Il m’a dit : « Moi aussi. » Après, je lui ai demandé : « Pourquoi tu n’en parles pas ? » Il m’a dit qu’il ne préférait pas. J’ai trouvé ça choquant, il avait l’air d’avoir peur, parce qu’il a stoppé le sujet direct.

Moi, je le dis…

Moi, je ne vois pas pourquoi je ne le dirais pas, donc j’assume, je le dis… mais si on me le demande. Je ne le cache pas mais si je peux éviter de le dire, j’évite. Depuis la cinquième, quand on me demande mes origines, je réponds. Mais quand ils me demandent si je suis juive, je rétorque que ça ne les regarde pas. Parce que quand ils posent la question, ça se sent que ce n’est pas avec une bonne intention.

Ça ne me pèse pas parce que si je dois le dire je le dis, mais je sais que je pourrais me faire réinsulter parce que je suis juive.

Rachel, 16 ans, lycéenne, Bondy

Crédit photo Unsplash // CC Cynthia Smith

 

L’antisémitisme chez les enfants

Les agressions sont nombreuses

60 % des parents juifs et juives déclarent que leurs enfants ont été victimes d’insultes antisémites, et 18 % victimes d’agressions physiques durant leur scolarité.

L’école est le premier lieu de discrimination

Le nombre d’agressions antisémites à l’école a augmenté de 6 % en trois ans. L’école est l’endroit où a lieu le plus d’actes antisémites en France, devant les agressions dans la rue, sur les réseaux sociaux et au travail.

Les parents sont inquiet·e·s

45 % des juifs et juives de France conseillent à leurs enfants de ne pas parler de leur religion pour éviter la discrimination. D’autres stratégies sont très souvent mises en place, comme interdire aux enfants de passer dans certains quartiers ou de porter des signes distinctifs.

Partager

Commenter