Romane M. 01/11/2024

Apaiser les morts

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Romane a fait un choix de carrière peu commun : accompagner les défunts dans leur dernier voyage. À 23 ans, elle aspire à devenir thanatopractrice, un métier souvent mal compris mais essentiel à ses yeux.

À la fin du soin de conservation ou de la toilette mortuaire, il arrive parfois qu’un sourire se dessine sur le visage du défunt. Un sourire d’apaisement. J’ai compris que je n’avais pas envie d’emmagasiner la peine, la tristesse et la colère des familles au quotidien. Même si je la comprends. Mon envie, c’est de m’occuper une dernière fois du défunt dans le respect et le calme qu’il mérite.

J’ai travaillé pendant un mois comme conseillère funéraire dans une agence de pompes funèbres. Je me souviens d’un premier rendez-vous avec une famille, dans une petite ville de Bretagne. Ils avaient perdu leur maman. Très vite, la discussion a tourné autour de l’héritage. Il y avait beaucoup de colère et de désaccord. La mémoire du défunt n’était même pas évoquée pendant les rendez-vous d’organisation des obsèques. 

J’étais derrière mon bureau, à essayer de recentrer la conversation. Je leur disais que nous étions avant tout ici pour leur mère, pour lui rendre hommage. J’étais bouche bée face à ce spectacle. J’ai appelé un collègue qui avait plus d’expérience pour me venir en aide car le ton montait de leur côté.

Après la tempête, le calme est revenu dans le bureau. Le silence. Ça m’a choquée de voir comment la mort peut rendre les vivants agressifs. Alors qu’elle peut apaiser un défunt. 

À l’aise avec les défunts 

En terminale, la grande question était de savoir vers quoi on voulait se diriger après le bac. Je suis tombée sur une fiche du métier de thanatopracteur. J’ai approfondi mes connaissances dans le domaine : l’histoire de la mort au fil des âges, le respect envers les défunts. 

Quand j’ai annoncé que je voulais devenir thanatopractrice, la première réaction des gens a souvent été : « Hein ? C’est quoi ça ? » Croque-mort. Ou embaumeur. Un métier de l’ombre pourtant très utile dans le cours de la vie… de chacun. « Oh, mais c’est triste » ; « Mais c’est glauque, ça ! » ; « Je ne pourrais pas travailler là-dedans. » Pourquoi quelqu’un voudrait travailler avec la mort ? Ça échappe à beaucoup. La mort est sombre, triste. Elle fait peur, renvoie à de durs souvenirs. J’ai pensé la même chose avant de mettre les pieds dans ce monde. 

Pourtant, c’était comme une évidence pour moi. Je n’ai jamais de malaise devant un défunt. La mort me paraît normale et ne m’effraie pas. Je n’ai jamais été triste devant un corps. J’ai toujours réussi à faire la part des choses et à intégrer que ça n’était pas mon deuil. 

Se rapprocher de son métier-passion 

Comme je n’ai pas obtenu mon bac pro SPT (Services aux personnes et au territoire), je n’ai pas pu accéder directement à la formation en thanatopraxie. Mes parents avaient peur pour moi. Peur que ma vie devienne triste. Ils ont essayé de me dissuader. 

Jusqu’à mes 23 ans, j’ai travaillé dans d’autres domaines avant de sauter le pas et de me lancer dans la formation de conseillère funéraire. Mais le métier de thanatopractrice était toujours là, dans un coin de ma tête.

Après mon diplôme, j’ai travaillé dans une agence de pompes funèbres. À gérer la détresse des familles, l’administratif avec les mairies et les hôpitaux, j’en oubliais que, derrière tout ça, il y avait une personne. Quand j’avais l’occasion d’aller m’occuper des défunts à la maison funéraire, ne serait-ce que pour les remaquiller, être près d’eux et loin de la paperasse, ça m’apaisait. Je crois que je n’ai jamais été aussi heureuse qu’en étant près des défunts. J’aime m’occuper d’eux pour la dernière fois. 

« Utile dans mon petit coin »

L’une des choses que j’aime dans ce métier, c’est évoluer dans un environnement calme. C’est très solitaire ! Je gère mes émotions auprès des défunts. Je n’ai pas le stress de dire quelque chose de travers ou de froisser quelqu’un. Je me sens utile, mais dans mon petit coin.

Récemment, j’ai fait un stage de deux jours dans le Morbihan auprès d’une thanatopractrice qui pratique depuis dix ans. J’ai pu observer exactement comment se passait un soin de conservation ou une toilette mortuaire. Je lui ai posé toutes les questions que j’avais en tête. Elle a confirmé mon choix. 

J’aimerais passer le concours de thanatopraxie, mais je n’ai pas le bac et il le faut. Je cumule les mises en situation professionnelle avec des stages pour appuyer ma candidature dans les institutions. J’ai hâte de pouvoir évoluer dans ce métier qui me passionne tant.

Romane, 23 ans, en recherche d’emploi, Vitré 

Crédit photo Pexels // CC Zhuravleva Anastasia

 

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