Hassan F. 11/11/2022

Depuis elle, je ne deale plus

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Hassan voulait être plus indépendant. Il s'est mis à dealer après les cours... jusqu'à ce qu'il tombe amoureux d'Inès.

Elle s’appelait Inès. J’ai arrêté de dealer grâce à elle. Même si les Inès, elles sont mal vues, elle, elle était incroyable : belle, dans la religion, avec un carré. Elle s’habillait bien, elle s’exprimait bien. Je l’aimais trop, je pouvais tout faire pour elle. Au début, elle ne savait pas que je vendais. Elle croyait juste que je traînais avec mes potes.

Mais moi, au quartier, je voulais faire de l’argent. J’avais envie de me poser, de ne plus dépendre de mes parents. Je me suis décidé à dealer parce que ma mère ne voulait pas que je travaille au noir, mis à part au marché. Mais le marché, c’est mal payé. Je voulais m’acheter mes propres vêtements, des bécanes, être indépendant.

Éviter d’être pris en train de dealer

Un terrain allait ouvrir à la cité où je traînais. Je suis allé voir le gérant et je lui ai dit que je voulais bosser pour lui. C’est comme ça que je me suis lancé. J’habitais pas en face du four [terrain où l’on vend de la drogue, ndlr], donc je ne pouvais pas croiser ma famille. Sinon, ça aurait été chaud.

Quand on vend, on doit rester dans un endroit pendant des horaires précis et attendre qu’il y ait des clients. Je faisais du 12-20 heures, sauf quand j’allais en cours. Le gérant me laissait y aller, et je faisais juste du 18-20 heures. C’était pratique car mon collège était juste à côté. Pendant les vacances aussi, je vendais. J’avais un bas de survêt, un short en dessous et, entre les deux, une banane avec le shit dedans.

Un poids sur ma conscience

On ne m’appelait plus Hassan, on m’appelait « Bigorno », parce que j’ai les dents écartées et une teinture blonde qui avait tourné roux, comme dans La Famille Pirate.

Quand j’ai commencé à faire de l’argent, j’ai pris du temps pour réfléchir aux conséquences de ce job. Parce que, si je me faisais choper, vu que je suis mineur, mon daron aurait été obligé de venir au commissariat. Et ça, c’est impossible. Ça aurait été une grosse déception pour lui.

Lola est tombée amoureuse successivement de deux dealers : Charles, puis Jean. Ils ont voulu l’entraîner dans leurs trafics. Elle a résisté.

Image de la série Narcos. Pablo Escobar assis au milieu de ballots de drogue, sourire aux lèvres.

Au début, j’étais très stressé quand j’étais en train de vendre. J’avais un cas de conscience, d’abord par rapport à ma religion, mais aussi par rapport aux clients. Ce n’était pas facile de faire ça car, des fois, c’était des femmes enceintes qui venaient acheter. J’ai compris pourquoi les Grands fumaient tous : ils avaient trop de trucs à porter sur leur dos, trop de pression.

Finalement, Inès m’a menacé de me quitter et de chikem à ma grande sœur si je continuais. Et je n’aime pas décevoir les personnes qui sont proches de moi. C’est comme ça que j’ai arrêté.

Hassan, 16 ans, lycéen, Clichy-sous-Bois

Crédit photo Pexels // CC cotonbro

 

 

Snapchat, le pôle emploi des dealeurs

La vente de drogue sur Snap a explosé depuis le premier confinement, mais ce n’est pas tout… Le réseau sert aussi maintenant aux dealeurs 2.0 pour recruter leurs vendeurs.

Ils repèrent leurs futurs vendeurs et les contactent en DM : chauffeurs de taxis, petits du quartier, etc. Mais ils passent aussi des annonces mentionnant le salaire, les compétences attendues, les conditions de travail… Bref, une vraie agence d’intérim !

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