Inah D. 04/09/2024

Au-delà des préjugés dans un centre social

tags :

Inah, 19 ans, n'était pas enchantée à l'idée de devoir faire un bénévolat obligatoire avec des enfants de quartier populaire. Elle a peu à peu réussi à créer des liens privilégiés avec eux. Au point d'attendre chaque séance avec impatience.

« Vous allez faire de l’accompagnement à la scolarité ! » Quand les enseignantes de ma classe annoncent ça, à la rentrée de ma première année de BTS, j’ai des frissons qui me remontent jusqu’à la cervelle. Je ne suis pas vraiment enchantée.

Tous les mardis et jeudis de 16h30 à 18 heures, nous allons faire de l’accompagnement à la scolarité pour des enfants dans le centre social d’un quartier « défavorisé ». Ces heures de bénévolat viennent en plus du BTS, qui demande concentration, travail mental, révisions… Je me surprends à râler intérieurement, me demandant ce que ça va réellement m’apporter.

Mon premier jour de bénévolat commence mal. Je dois faire 45 minutes de trajet pour y aller. Sur la route, je me dis : « Allez, mets-y du tien. De toute façon, tu restes dans le tram jusqu’à destination sans avoir besoin de marcher, et puis tu aimes aider autrui non ? Tu peux le faire chef, allez ! »

Apeurée

Ça me fait bizarre quand j’arrive, parce que ce centre social a été incendié en juin 2023 dernier suite aux émeutes. Une partie est brûlée et n’est même pas encore en travaux. Il y a aussi plein de groupes de jeunes qui fument autour du centre, cachés sous leur capuche en faisant tout pour intimider les passants. Je suis apeurée. J’ai grandi à Mayotte et je suis arrivée en métropole il y a un an. À Mayotte, il y a des quartiers où il y a des bagarres entre bandes, mais ce n’était pas là où j’habitais.

Travailler avec les enfants de 7 à 12 ans, ce n’est pas facile au début. Cris, insultes, l’ambiance est brutale. Certains sont agités, voire ingérables, et ils ne nous considèrent pas toujours comme des adultes légitimes pour les encadrer. Une des premières fois, j’ai mes tresses et un petit me sort : « On dirait un garçon avec ta tête tressée et contourifiée. » Une camarade de classe est traitée « d’espèce de gothique ». On ne sait pas comment réagir. On est obligées de passer par les animateurs parce qu’on n’arrive pas à gérer tout ça, à les mettre au travail.

En échangeant avec les enfants, en les écoutant, en essayant de parler d’une manière assez ouverte, ils s’habituent à nous. Je leur demande : « Qu’est-ce que vous avez fait à l’école ? Qu’est-ce que tu as mangé ? Est-ce que tu es fatigué ? » Mon objectif c’est d’avoir de la conversation, d’aborder plein de sujets avec eux, pour qu’ils se sentent aussi à l’aise avec moi.

À mesure que je persévère, je réalise que cette expérience est en train de forger quelque chose en moi. C’est un véritable apprentissage, tant sur le plan personnel que professionnel. J’apprends à faire preuve de patience, de créativité et d’adaptabilité. Je découvre comment communiquer efficacement avec des enfants qui ont des besoins variés et parfois complexes. Sur certains cours de grammaire ou de maths que je ne connais pas, je fais parfois des recherches en dehors de l’accompagnement.

De l’obligation au plaisir

On est deux adultes pour trois enfants. Toujours les mêmes. Des liens se créent. On a un petit groupe de trois filles. Ça matche vite. Je les vois beaucoup progresser. Elles sont super intelligentes. Peu à peu, je me surprends à apprécier les moments passés avec ces enfants. Leurs sourires, leurs rires, même leurs défis sont devenus des aspects que j’attends avec impatience. Et au-delà de l’aspect relationnel, je développe des compétences pédagogiques et organisationnelles que je n’aurais jamais acquises en restant dans une salle de classe. Cette expérience s’avère bien plus enrichissante que je ne l’avais imaginée.

Ce qui a commencé comme une obligation est devenu un véritable plaisir. Cette expérience m’a non seulement permis de contribuer positivement à la communauté, mais elle m’a également aidée à grandir en tant qu’individu. Je me suis habituée au quartier, et maintenant j’y vais sans appréhension. Cette expérience m’a poussée à sortir de ma zone de confort. Le bénévolat m’a ouverte à la diversité des réalités sociales et humaines. En fin de compte, le mardi et le jeudi, je me retrouve à compter les heures de cours qu’il me reste avant d’aller au centre.

Inah, 19 ans, étudiante, Brest

Crédit photo Unsplash // CC Austin Pacheco

 

À lire aussi…

« Le bénévolat au secours de mon orientation », par Aurore, 20 ans. L’étudiante brestoise nous raconte comment une expérience au sein du Secours populaire lui a permis de prendre conscience qu’elle voulait exercer un métier dans lequel elle pourrait aider les autres.

 

Partager

Commenter