Yanis B. 03/05/2023

Au secours, ils rénovent ma cité !

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Yanis habite dans la cité Air Bel à Marseille, et il l’aime comme elle est. Mais les politiques veulent tout changer.

Je vais vous parler d’Air Bel, une cité à Marseille mais qui n’est pas dans les quartiers Nord. Pour y aller, il faut prendre la route vers Aubagne, dans les quartiers est. Air Bel c’est très grand, il y a quatre tours, environ 70 bâtiments et une école primaire. Les personnes qui habitent à Air Bel se perdent tellement c’est grand. Mais pour moi, qui y ai toujours vécu, ce n’est pas si grand que ça. C’est mon quartier, j’en connais chaque coin comme ma poche. Mais il est en train de changer, et ça ne me plaît pas.

Air Bel, ce n’est pas parfait. Les bâtiments ont toujours été mal placés, c’est très sale, et à un moment on ne pouvait pas boire l’eau du robinet car elle était contaminée par une bactérie : la légionelle. Tout le monde achetait de l’eau à Lidl et Auchan, même pour faire la douche. Et comme les vieilles dames ne pouvaient pas porter les packs, les jeunes du quartier les aidaient.

Des endroits détruits

Malgré les problèmes, moi je suis attaché à mon quartier et je suis triste qu’il change. Aujourd’hui, il y a un plan de rénovation. Je ne sais pas qui est derrière ça mais je voudrais qu’ils arrêtent. Ils ont détruit des endroits qui pour eux ne servaient à rien, mais certains habitants y étaient attachés. Exemple : les jeunes du quartier aimaient s’amuser à l’alimentation qui était à côté de l’arène de boxe. Il y avait un babyfoot et des jeux. Mais ils l’ont détruit, et ils ont aussi détruit la bibliothèque. Et personne n’a parlé de cette destruction.

Je pense qu’ils ont détruit tout ça parce qu’il y avait un point de deal à côté, mais pour moi ce n’est pas une raison. Je regrette qu’ils détruisent la bibliothèque, c’était un super endroit où on allait apprendre à lire quand j’étais petit avec l’école. On prenait un livre, on se posait dans la cour et on faisait un quart d’heure de lecture.

Personne ne nous explique rien

Ils détruisent aussi des studios où des gens à la rue pouvaient habiter, juste pour faire un parc. Il y a des routes aussi qui vont changer, les voitures et camions ne pourront plus passer, contrairement aux vélos. Ils vont faire des pistes cyclables alors qu’à Air Bel, presque personne n’a de vélo ! Les habitants vont devoir faire un détour pour rentrer chez eux. Mais, ce chantier, il s’est bloqué. Il n’y a plus personne et on a aucune nouvelle. On ne sait pas s’ils vont reprendre, et cela peut prendre des mois ou des années.

La pyramide, la dalle, le city : au quartier, Lounès avait ses repères. Depuis la rénovation, il ne sait plus où traîner…

Capture d'écran de la photo illustrant l'article "Place des Fêtes : ils ont détruit le quartier", illustré par une photo du quartier de la place des fêtes dans le 19e à Paris sur laquelle on voit une grande tour et une dalle.

Une fois dans ma vie, j’ai vu les élus politiques de Marseille. C’était un jour où tous les habitants se sont mobilisés pour nettoyer le quartier. On a nettoyé pendant des heures et des heures, on a ramassé beaucoup de déchets, il y avait n’importe quoi : des seringues, et même des préservatifs… À la fin, on s’est tous réunis à un endroit et on a rencontré le maire de Marseille, Benoît Payan. Il était très gentil. Il était fier de nous, les habitants.

Ce que j’aimerais dire à ces personnes qui rénovent mon quartier, ce n’est pas de partir. Ce quartier a besoin d’être réparé, mais je veux qu’ils comprennent que, moi, j’ai des souvenirs ici. Et je ne veux pas qu’ils changent tout sans en parler avec nous.

Yanis, 14 ans, collégien, Marseille

Crédit photo Pexels // CC Alan Quirván

 

Le logement à Marseille

Marseille, c’est la championne du mal-logement en France : 100 000 personnes vivent dans des taudis, et le nombre de logements indignes y est cinq fois plus élevé que dans les autres métropoles.

La situation est dénoncée depuis des dizaines d’années, mais l’État tarde à prendre des mesures concrètes pour lutter contre ce fléau. Pourtant, la ville a connu son lot de drames : en 2018, en 2021 et en 2023, l’effondrement et les incendies de plusieurs immeubles insalubres ont causé la mort de 19 Marseillais·es.

À Marseille, le nombre de signalements pour mal-logement augmente, mais les moyens ne suivent pas : il n’y a désormais plus qu’un seul policier chargé de ces dossiers… pour une ville qui frôle les 900 000 habitant·es.

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