Nadege S. 10/03/2022

Avec un handicap, mieux vaut monter sa boîte

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Nadège est handicapée moteur. Les années de galère pour aller travailler en métro, le manque de soutien de ses employeurs et les cadences infernales ont fini par la convaincre de se lancer en solo.

« Mais si madame, déplacez-vous, ça vous fera du bien de bouger un peu ! », me dit mon médecin du travail alors que je suis en train de lui expliquer comment mon handicap moteur me limite. Cette fois-ci, c’en est trop. Le monde du travail ne veut pas s’adapter à ma situation ? Je monte mon entreprise, malgré mon handicap.

Déjà vingt-huit ans qu’un virus a attaqué ma moelle épinière : depuis, mes nerfs et muscles ne répondent plus. Après une paralysie complète des membres inférieurs, puis une récupération partielle suite à une prise en charge médicale, me voici devenue handicapée moteur.

Tous les matins, la « course » dans le métro

Ce matin d’un mois d’octobre, je suis banquière. 1,8 million de clients répartis dans toute la France m’attendent dès 8 h 30 au bout de la ligne. C’était il y a un an, la matinée de trop. Ce jour-là, tout bascule : je prends la décision de démissionner. Je monte ma boîte !

La fin de tous ces matins sans soleil, dans le froid, chronométrée à la seconde près : « courir » dans les transports en commun, dès 7 heures. Une véritable course contre la montre, et contre les limites de mon corps. Ces tunnels ne sont majoritairement pas adaptés aux handicaps moteurs : monter et descendre les escaliers me fait mal, et me fait perdre un temps fou. Le métro, déjà à quai, s’enfuit. Comme d’habitude, sans moi.

Trois à cinq minutes d’attente, qui ont toujours eu coutume de m’agacer. Pour peu que l’on vous cède une place assise, en attendant le prochain. Arrivée en avance ou en dernière minute à mon poste, me voici déjà épuisée par le simple trajet. Donc je vous laisse imaginer le retour, le soir, dans les wagons bondés.

L’organisme pouvant m’aider financièrement à la prise en charge d’un transport adapté, l’Agefiph (association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées), fonctionne uniquement pour les handicapés qui ne sont pas autonomes.

Un travail adapté à mon handicap, plutôt qu’un salaire confortable

Ma condition, si appréciée dans la politique diversité des grandes entreprises, n’est pas toujours comprise par le personnel encadrant. Elle pose aussi rapidement problème d’un point de vue économique, surtout quand il faut adapter mon poste.

Vous comprendrez alors qu’à défaut de me réduire et de me définir par ma condition, à force de justifications, j’ai décidé de contourner le problème en créant ma petite société.

Par peur des jugements, Teddy redouble d’efforts pour cacher son handicap.

Capture d'écran d'une photo où sur un mur, on voit l'ombre d'une personne qui lève le bras.

J’avais déjà été chauffeuse VTC en auto-entrepreneuse dès 2019. Mais, avec la crise du Covid, j’avais repris le travail salarié en CDI dans cette banque. Puis, je suis arrivée à un point de non-retour : j’ai préféré être indépendante et avoir un travail adapté à ma santé, plutôt que de gagner un salaire et d’être confortable financièrement.

Quand j’ai des douleurs, je peux m’arrêter

Et c’est sans regrets ! Depuis, j’ai le temps de faire mes soins, de prendre mes rendez-vous médicaux sans les justifier à qui que ce soit. Quand j’ai des douleurs, je peux m’arrêter. Je dispose de mon temps, je l’organise comme je veux et je l’adapte à ma situation. Même si je fais un métier d’« hommes », la conduite, je peux m’arrêter si je suis fatiguée. À la différence du salariat où vous devez travailler, même au plus mal.

Financièrement, c’est compliqué. J’ai demandé l’AAH (Allocation adulte handicapé·e) pour avoir une petite rentrée d’argent. L’AAH vient en soutien quand je ne travaille que trois, quatre jours dans la semaine ! Mais c’est temporaire, ça me laisse deux ans pour développer une activité pérenne, sans me dire que je vais devoir retrouver un emploi et mettre de côté ma santé et mon projet de vie.

Nadège, 30 ans, en recherche d’emploi, Paris

Crédit photo Unsplash // CC Susanna Marsiglia

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