Teddy S. 25/01/2022

Handicap : je veux paraître « normal »

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Le handicap de Teddy ne se voit pas beaucoup. Alors il n’en parle pas par peur des jugements, et le cache en produisant des efforts supplémentaires.

J’ai un handicap moteur depuis ma naissance. Une hémiparésie dans tout mon côté droit : mon bras et ma jambe ont moins de force qu’à gauche. Quand on me demande un verre d’eau, on n’est pas sûr de le recevoir entièrement plein…

Quand j’étais petit, mon handicap était plutôt voyant : je portais des attelles et je boitais légèrement. C’était dérangeant dans ma vie et dans ma scolarité, car je me fatiguais plus vite. J’ai toujours été un peu lent et eu des notes moyennes. Il y a plein de raisons à ça. La lenteur, bien sûr, est due à mon handicap. Je dois faire plus d’efforts pour compenser.

Les autres élèves étaient jaloux

Il y a des situations dans lesquelles j’étais mal à l’aise. Quand je jouais à chat par exemple, parce que je courais différemment des autres. Quand je jouais au foot, j’avais plus de mal à cadrer la balle. Quand mes potes me proposaient d’aller jouer, je disais « ouais », mais j’allais en défense ou au goal. Comment dire ? Mon niveau au foot… Vaut mieux ne pas en parler !

Durant toute ma scolarité, certains profs le savaient et me faisaient des aménagements particuliers (tiers temps en plus pendant les examens, agrandissement des documents). D’autres, pas trop. J’avais le privilège d’écrire avec un ordinateur au collège et au lycée. Les autres élèves étaient un peu jaloux, c’était marrant. Quand ils me demandaient pourquoi j’avais un ordi, je leur disais que c’était parce que j’écrivais lentement. Je ne voulais pas leur parler de mon handicap pour ne pas me stigmatiser, je ne savais pas s’ils comprendraient…

J’ai manqué de conseils par rapport à mon handicap

J’ai toujours eu du mal à en parler à des gens hors de ma famille ou des médecins. C’est peut-être dû à mon caractère. Je n’ai jamais trop eu de conseils par rapport à mon handicap. J’ai eu beaucoup de suivis médicaux, mais pas vraiment de suivi psychologique. C’est vrai que ça m’aurait aidé à l’appréhender en société.

Pourtant, ma famille et mon entourage ont toujours été très bienveillants. Ils m’ont toujours considéré comme capable de faire des choses. Je les ai toujours faites de la même façon que tout le monde, même si ça me demande un peu plus d’efforts : études, sport, etc. Par contre, faut pas me demander de monter un meuble, sinon il s’écroule en deux secondes !

Mes amis ne sont pas au courant

Ladapt (l’association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées) m’a beaucoup aidé à surmonter mon handicap avec des soins médicaux, des séances de rééducation, de kiné mais aussi des bilans. Avec eux, je pouvais parler librement, de tout et de rien, de mon handicap, de ma vie.

Maintenant, mon handicap se voit beaucoup moins, et mes amis ne sont pas au courant. Comment vont-ils réagir s’ils l’apprennent ? Vont-ils se comporter différemment avec moi après ? Et je me pose la question de savoir si je dois le dire à un employeur, pour les mêmes raisons. Peut-être parce que je veux paraître « normal ». J’aime bien me prouver que je suis capable de faire des choses, et le prouver aux autres même s’ils n’ont rien demandé.

Le sport m’a beaucoup aidé

Aujourd’hui, je fais du basket, du foot, du ping-pong, de la muscu, je vais en soirée, etc. Le sport m’a beaucoup aidé au niveau physique, mais aussi sur la confiance en moi. J’ai appris à vivre avec mon handicap. Les aspects visibles se sont beaucoup atténués, mais ne pourront pas disparaître. Je sentirai toujours ce manque de force et de dextérité de mon bras droit et ma jambe droite.

Les transports handicapent les personnes à mobilité réduite. Marriah se déplace avec des béquilles et doit constamment s’adapter au manque d’aménagements pour se déplacer dans l’espace public.

J’essaie de me détacher de tout ça et d’être plus autonome. Et, mine de rien, ça m’a apporté beaucoup sur la connaissance de moi-même. Je me rends compte que je n’avais jamais vraiment réfléchi à tout ça et ça m’a fait du bien ! Faire une introspection de soi-même à 22 ans, faut le faire ! Est-ce que maintenant je me sens capable d’en parler librement ? Je ne sais pas. Mais écrire ce texte est un bon début.

Teddy, 22 ans, en recherche d’emploi, Paris

Crédit photo Unsplash // CC Ioana Cristiana

 

Le validisme

Le validisme, c’est quoi ?

C’est penser qu’une personne valide a une vie plus enviable que celle d’une personne porteuse d’un handicap. Le validisme pousse souvent les personnes porteuses d’un handicap à le cacher pour appartenir à la « norme », et crée une hiérarchie entre les individus.

Le validisme est banalisé et quotidien

Cette discrimination prend la forme de micro-agressions qui partent, a priori, d’un « bon sentiment ». Par exemple, dire d’une personne porteuse d’un handicap qu’elle est courageuse, ou pousser le fauteuil de quelqu’un qui n’a rien demandé, c’est du validisme.

C’est une discrimination systémique

Espace public non accessible, dépendance financière vis-à-vis des personnes valides, inégalité des droits… Ce sont les politiques publiques qui provoquent le validisme. La somme de toutes ces inégalités rend la vie des personnes valides enviable, elle devient un idéal à atteindre.

 

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