Brûlée au troisième degré
Je m’en rappellerai toute ma vie. Un soir de mars 2019, j’ai eu un accident domestique. Vous vous imaginez ! Vouloir prendre du temps pour soi. Se chouchouter. Faire un bain de vapeur pour ouvrir les pores de son visage et résultat… se retrouver brûlée.
J’étais mineure, et ma maman était au travail. Quand je suis descendue de chez moi avec les pompiers, elle était dans les couloirs. Nos regards se sont croisés. Elle est passée par plusieurs émotions : le choc en premier lieu, puis l’incompréhension, puis la colère. Elle ne parlait pas en nous suivant dans le camion. Quand il a démarré, c’est là qu’elle a dit mon prénom, « Amina ! », et qu’on a toutes les deux rigolé. On était juste dépassées par la situation. La brûlure était si forte que je ne la sentais plus.
Quand tu te brûles, il y a plusieurs degrés. Moi, je me suis brûlée la main gauche, la cuisse droite, le bas-ventre et un peu les parties génitales au troisième, ce qui correspond au dernier degré d’une brûlure. Le quatrième, c’est la nécrose. Les médecins appellent ça la carbonisation : le membre brûlé n’existe plus. J’en ai tellement appris avec cet accident sur le monde médical.
Sacrifier mes cheveux pour cicatriser
Bon, revenons à mon histoire. J’ai dû être transférée à l’hôpital des grands brûlés. Une année s’est écoulée et ma peau ne cicatrisait pas. En fait, la peau était tellement brûlée qu’il fallait une nouvelle peau pour pouvoir la régénérer. Et cette peau se trouvait sur mon crâne. Donc techniquement, il fallait que je me rase les cheveux. Quand j’ai appris ça, ça m’a fait encore plus mal que ma brûlure. Mes cheveux me représentaient, moi, ma féminité, ma beauté.
Ça peut paraître drôle et un peu stupide, parce que se brûler c’est l’une des pires douleurs qu’un être humain peut ressentir. Mais moi dans tout ça, tout ce à quoi je pensais c’était de me couper mes cheveux. J’allais plus pouvoir me coiffer, faire des nattes, des chignons, des queues de cheval, les laisser lâchés… Plus rien.
Avant l’opération, j’ai eu un rendez-vous avec tout plein de médecins, des professeurs, des chirurgiens du service grands brûlés. Ils m’ont expliqué comment ça allait se dérouler, les risques que j’encourais (50 % de chance que la greffe ne prenne pas, dépression…). J’étais là, entourée de personnes très sérieuses en blouse blanche et j’entendais rien à tous les risques. Tout ce à quoi je pensais, c’était mes cheveux.
Mon immaturité est partie
J’avais fait mes recherches avant que la chirurgienne ne me l’annonce, pour trouver d’autres alternatives, et ne pas qu’on me coupe mes cheveux. Il y avait une opération avec des ballons qu’on t’implante sous la peau et qu’on gonfle. Plus le ballon gonfle, plus la peau enfle et à la fin on récupère cette peau gonflée pour la mettre sur la peau malade. Après, faut pas trop bouger, car si tu fais un geste brusque… Le ballon explose en toi. La chirurgienne m’a d’ailleurs expliqué que ce n’était pas possible que je fasse cette opération, parce que mentalement je n’aurais pas tenu. Là, j’ai compris que j’allais passer par la case tondeuse pour pouvoir guérir.
On entendait que mes pleurs dans la salle, une vraie drama queen. La chirurgienne m’a laissé quelques mois pour me faire à l’idée. Puis, J-1 avant l’opération. L’infirmier a rasé mes cheveux. C’était tellement bizarre de me voir le crâne nu. Toucher ma tête directement sans intermédiaire, c’était tout doux. En plus, vu que c’était l’été ça faisait encore plus de bien. Il y avait une sensation de frais sur ma tête. Après l’étape rasage, en me regardant dans le miroir, c’est bizarre à dire mais j’ai eu cette sensation qu’une nouvelle vie commençait. Mes cheveux étaient tombés et tout ce qu’il y avait avec aussi, c’est-à-dire mon immaturité…
Une hémorragie pas traitée
Malheureusement, je n’étais pas au bout de mes peines. Après l’opération, j’ai fait une hémorragie. Je vous explique. Je me fais opérer le vendredi et dès le départ, les infirmières remarquent que je continue à perdre du sang. Les infirmières sont vraiment au contact des patients, ça je l’ai appris avec cette expérience. Elles sont allées voir le médecin qui a juste dit qu’il fallait changer les bandages, mais c’était sans effet. Mon sang n’arrêtait pas de couler et les médecins ne tenaient pas compte des remarques des infirmières. Il y a vraiment un rapport chelou entre ces gens-là. Les médecins se sentent un peu supérieurs.
Le soir, il n’y avait que des internes et les infirmières continuaient de s’inquiéter. Pendant tout ce week-end, j’ai perdu des litres et des litres de sang. Je ne pouvais plus me lever. J’étais fatiguée. Je tenais des propos incohérents. Je suis donc partie en réanimation, et la greffe de peau a échoué. Ce n’est que le lundi qu’on m’a fait signer un papier pour me faire une transfusion sanguine. Ils appellent ça une « hémorragie pas traitée ». Mon taux d’hémoglobine était passé à 4,5 g/dl alors que, pour une femme, la moyenne est de 12 g/dl.
Évanouie de douleur
Et, comme j’ai la poisse, j’ai fait une allergie au sang transfusé. Maintenant, je suis anémiée et je dois prendre un traitement au fer. Pour ma greffe, il aurait fallu recommencer mais ma chirurgienne a refusé. C’était trop risqué. J’avais quand même frôlé la mort. Tout ça m’a fait me rendre compte que la vie pouvait partir en un instant.
C’est bizarre car, quand tu es jeune, tu ne penses pas à la mort. Tu crois que ça va arriver dans longtemps. Je pense que c’est à ce moment-là que j’ai commencé à m’intéresser davantage à la religion. On a toujours pratiqué l’islam chez moi, mais je m’y suis vraiment consacrée à partir de là. Je me suis rendu compte que j’étais obsédée par mon physique. J’étais trop concentrée sur des choses futiles que j’en oubliais l’essentiel comme la santé, le fait de faire attention à moi, de profiter.
À 15 ans, Mounir se découvre un kyste au bras, qui s’avère être une tumeur. Opérations, chimiothérapie, séjours à l’hosto, il a eu le droit à la totale. Aujourd’hui, la guérison lui fait voir la vie autrement.
Bon, je vous rassure, aujourd’hui ça va mieux. Mes cheveux ont repoussé. Mes brûlures sont presque parties. Il ne reste que la grosse cicatrice au niveau de la cuisse. Je dois me rendre à l’hôpital tous les mois pour faire une piqûre afin qu’elle se réduise sinon ma peau gonfle, et c’est très douloureux. Je me souviens de la première piqûre… mon Dieu. J’ai eu tellement mal que je me suis évanouie de douleur.
J’ai beaucoup moins mal aujourd’hui et c’est vrai qu’en ce moment, je ne suis pas très assidue. Je viens moins à l’hôpital. Je dois également porter un pantalon de contention. C’est une sorte de shorty à une jambe qui serre la peau et qui me soulage quand j’ai mal. Ça aussi, je le mets moins, même s’il faut que je continue encore quelques mois. J’espère en finir un jour avec tout ça.
Amina, 19 ans, volontaire en service civique, Paris
Crédit photo Pexels // CC Ron Lach
Les brûlures, des accidents domestiques fréquents
Chaque année, environ 8 000 personnes sont hospitalisées en France après des brûlures. Dans neuf cas sur dix, elles sont accidentelles, causées principalement par des liquides chauds.
Brûlés à différents degrés
Les médecins évaluent la gravité d’une brûlure en fonction de la surface de peau atteinte et de sa profondeur. Un coup de soleil, c’est par exemple une brûlure au premier degré.
Dans le cas d’une brûlure au troisième degré, les trois couches de la peau sont détruites, jusqu’à la graisse. Pour la soigner, on prélève de la peau saine sur la personne brûlée qu’on greffe à la blessure.
Des prouesses scientifiques
Les recherches scientifiques ont beaucoup évolué pour soigner les grand·es brûlé·es.
En 1972, des médecins de l’hôpital Boucicaut testent les pansements en peau de porc.
En 2009, c’est une première mondiale à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil : un visage et des mains sont prélevés sur un donneur et greffés sur u(n patient. Il faudra 30 heures d’opération pour réaliser cette double greffe.