Mounir H. 26/09/2018

4/4 Toute une (nouvelle) vie devant moi

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À 15 ans, Mounir se découvre un kyste au bras, qui s'avère être une tumeur. Opérations, chimiothérapie, séjours à l'hosto, il a eu le droit à la totale. Aujourd'hui, la guérison lui fait voir la vie autrement.

J’ai 23 ans, je reprends mes études en première année de Staps, et c’est juste hyper excitant. Lorsque je regarde mon passé, je me dis qu’il est riche d’expériences, de rencontres. Qu’il est ouf ! J’ai toute la vie devant moi.

Mon passé m’aide à construire mon futur. Pendant mes années « grosse grippe », je n’aurais jamais cru pouvoir être un étudiant en Staps, spécialité boxe française. J’avais l’interdiction formelle de me prendre des coups et de faire un sport de contact. C’est juste beau. Aujourd’hui, je pratique le MMA et je kiffe ma race.

T’as 15 piges, tu te crois roi, tu te sens au sommet de ta gloire et, un mercredi matin, tout s’arrête. On t’annonce que t’as un cancer, un synovialosarcome plus précisément. On te dit que les douze prochains mois, tu vas les passer sur un lit d’hôpital à te faire shooter à ta nouvelle cure de jouvence, la chimio.

Vous allez me demander comment c’est possible à 15 piges d’avoir un putain de cancer. C’est super simple, j’avais une boule sur le bras gauche, « un kyste ». Rien de grave selon mon médecin. En général, le « kyste » est bénin. Pas celui-là. Pour des raisons de gêne et d’esthétique, je suis passé sur le billard. L’opération s’est passée sans encombre. C’était bon, j’avais retiré cette boule et j’étais de nouveau moi.

Le merdier a commencé !

Un mois après, un mercredi matin, alors que je m’apprêtais à aller en cours, le téléphone a sonné. C’était le service de radio de l’hôpital de Mantes. Ils voulaient me voir parce que dans la biopsie de mon « kyste », ils avaient trouvé des cellules malignes. Le merdier a commencé ! Mes parents, en panique totale, ne comprenaient strictement rien. Les questions fusaient et les réponses ne venaient pas. Le délire. On m’a annoncé que j’allais devoir repasser sur le billard dans les jours suivants pour une seconde opération qui allait me retirer 60% de mon biceps gauche. Putain, 60% de mon biceps, c’est juste dingue !

Tout allait trop vite, tu sais pas comment prendre la maladie que t’es déjà sur un lit à te faire shooter. Après l’opération, j’ai fait quatre mois de rééducation pour récupérer la mobilité de mon bras. J’ai encore des séquelles de cette opération. Pour terminer le championnat des opérations, j’ai eu le droit à l’implantation d’un cathéter central en haut à droite de mon pec’. Vous allez me dire à quoi sert un cathéter central ? Celui-ci sert à protéger les veines de la chimio. Je ne sais pas si vous le savez mais c’est une dinguerie comment c’est toxique. Le cathéter est relié à l’une des artères au-dessus du cœur. C’est par lui que l’on m’injectait ma chimio et l’ensemble des drogues qui me shootaient.

Amour de la vie et attente de la mort

Jeune banal, sans souci de santé, avec une excellente condition physique, je suis devenu un cancéreux luttant pour vivre. J’ai passé douze mois dans le service d’oncologie de l’hôpital Raymond Poincaré. Douze mois dans les couloirs d’un service où le mot « vie » prenait tout son sens. J’ai côtoyé l’espoir et le désespoir, l’amour de la vie et l’attente de la mort. L’équipe médicale était tout simplement incroyable. On ressentait une réelle passion et une riche volonté de rendre la maladie la moins douloureuse possible. Je reste redevable à vie à ces médecins qui, par un travail acharné, permettent de rendre la vie beaucoup plus agréable.

Mes semaines entre l’hôpital et ma chambre, c’était d’abord cette chimio qui me rendait malade à en crever. Imaginez avoir tous les mois une grippe qui vous retourne et surtout une fatigue qui affaiblit au point où marcher 100 mètres est une torture. Ça, c’est la chimio ! Après la torture, je rentrais chez moi. Ça me permettait de me reposer un peu, reprendre des forces et surtout me ressourcer. Au sein du service, je ne voyais personne. Le souci, c’est que chez moi aussi je n’étais pas tranquille. Tous les matins, je devais faire une prise de sang pour vérifier si mes défenses immunitaires n’étaient pas trop basses. Si c’était le cas, je devais retourner à l’hôpital pour commencer ma phase d’aplasie. Quel bonheur !

L’aplasie, c’est la phase post chimio où tu te rends compte que t’es réellement malade. C’est la période où tes défenses immunitaires sont au plus bas et que le moindre microbe peut tout simplement te tuer. On t’enferme dans une chambre et on t’amène une machine qui filtre l’air. Il y a tout un protocole strict pour les visiteurs. L’obligation de se laver les mains, de porter une combinaison (qui ressemble à celle des peintres), une charlotte sur la tête, aux pieds et un masque au visage. J’ai toujours en tête l’image de ma mère quand elle est rentrée pour la première fois avec cette tenue. Le choc. J’avais enfin réalisé que c’était réel, que j’étais malade.

Des stratégies pour tenir le coup

Le gamin que j’étais a pris une grosse claque, une claque qui a fait de moi celui que je suis aujourd’hui. Cette période m’a fait développer un optimisme à toute épreuve. Même si la vie vous frappe de plein fouet, il y a toujours une lueur d’espoir. Mes premières semaines à l’hôpital étaient longues, ennuyantes et douloureuses. Au début, je prenais mon cancer comme un cancer. J’avais en tête le début de la fin, aucun espoir, la mort me tendait ses bras. Puis, mon état d’esprit a complètement changé. Je ne voyais plus la maladie comme un poids mais comme une réalité. J’étais malade et je devais apprendre à m’y faire. Pour cela, j’ai mis en place deux stratégies.

La première était de rendre ma maladie moins grave d’un point de vue psychologique : j’ai analysé les effets secondaires de ma chimio et j’ai essayé de trouver une maladie moins grave que mon cancer. La grippe a été mon alliée ! C’est là que mon cancer est devenu une « grosse grippe ». La deuxième stratégie était de connaître à fond ma maladie. Je me suis documenté, j’ai posé des questions à mes médecins et j’ai rencontré d’autres malades qui avaient aussi une « grosse grippe ». Cela m’a permis de me rendre compte que j’avais de grandes chances de guérison ! J’ai été pris en charge très tôt. Si mon « kyste » – ma tumeur quoi ! – avait grossi ne serait-ce qu’un peu plus, on m’aurait amputé le bras ou posé une prothèse. J’ai eu beaucoup de chance. Et je ne vois pas le cancer comme une fin, mais comme un renouveau.

Cela va sûrement vous choquer, mais j’ai eu de la chance de tomber malade, d’avoir pleinement conscience de l’importance d’être en forme, physiquement ou psychiquement. Je suis devenu un « jeune vieux », en décalage avec mes amis de 15 ans qui n’en avaient rien à foutre de leur santé ou n’en avaient pas conscience. C’est l’un des points hyper positifs que je tire de ma maladie. Le cancer est l’école de la vie, c’est certain.

Ma vie reprend, lentement mais sûrement

À cette époque, j’étais en seconde. L’école, c’était terminé pour moi. Ma priorité était de combattre la maladie. J’avais enfin une excuse valable pour ne pas aller en cours. Parce qu’il faut le dire : l’école à cet âge, c’est chiant. Fin bref, j’ai raté une grosse partie de ma seconde. Mais l’équipe éducative du lycée avait vu du potentiel en moi. Ils m’ont permis de passer en première ES (économique et sociale). J’ai raté l’ensemble de ma première que j’ai redoublé à cause de mon traitement. Ma deuxième première a elle aussi été très compliquée. Je venais de terminer ma chimio. Sauf qu’après la chimio, on m’a refilé un autre traitement que je devais prendre chez moi. C’était pas un cadeau : je devais me l’injecter dans les cuisses tous les deux jours. Ce traitement devait permettre à mon corps de mieux se défendre, mais il me foutait des fièvres atroces.

SÉRIE 1/4 – Assia partage sa vie entre l’hôpital et le lycée. Atteinte d’une maladie rare, elle a découvert l’école quelques années après les autres.

Illustration série. Dans la cafétéria d'un hôpital, à droite de l'image, une jeune fille est assise à côté de la fenêtre et regarde dehors. Son expression est neutre et ses sourcils légèrement froncés. Agenouillée sur la banquette, elle est pieds nus. Elle a des longs cheveux orange clair et porte un serre-tête rouge.

Les médecins de mon service m’avaient prévenu. Dans la plupart des cas, après une semaine de traitement, les effets secondaires disparaissaient. La première semaine, c’était l’enfer. J’ai eu une fièvre de ouf. Chanceux comme je suis, les effets secondaires ont duré toute la semaine. Ça n’arrivait que très rarement. Mon médecin référent a insisté pour que je continue le traitement. Cela me donnait plus de chances de rémission. Ça a duré trois ans. Trois ans, j’avais une fièvre tous les deux jours. J’étais abonné au Doliprane. Ajoutez à ça une fatigue chronique due au traitement, vous obtenez moi : un élève présent en cours 40% du temps. Malgré tout ça, j’ai réussi à avoir mon bac ES avec 11 de moyenne ! 11 de moyenne… C’est ouf !

La vie est une énorme source de leçons et d’espoirs, lorsque l’on met le curseur sur la bonne position. C’est avec beaucoup d’émotion et de plaisir que j’ai partagé ici une fraction de ma jeune vie. Et c’est avec beaucoup d’excitation et d’enthousiasme que j’ai envie de découvrir ma vieille vie.

Mounir, 23 ans, étudiant, Mantes-la-Jolie

Illustration © Léa Ciesco (@oscael_)

 

 

L’école à l’hôpital…

Chaque année, environ 11 000 élèves sont obligé·es de suivre leur scolarité à l’hôpital. Elles et ils sont suivi·es par près de 800 professeur·es affecté·es par l’Éducation nationale, pour éviter le décrochage scolaire. Des associations comme l’École à l’hôpital et des dispositifs comme le Cned viennent en renfort.

… et à la maison

Pour les jeunes malades obligé·es de rester chez eux, il existe aussi un service d’assistance pédagogique à domicile : des enseignant·es volontaires leur permettent de ne pas perdre le fil de leurs études.

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9 réactions

  1. Hamdoulilah Dieu est grand, je te souhaite un bel avenir dans ta vie et un bon début de chemin pour les études et pour tout le reste… Ne dit-on pas que Dieu éprouve ceux qu’Il aime.
    Prends soin de toi…

  2. Merci pour ce partage Mounir qui nous touche tous et peut nous être à tous utile !
    Le meilleur pour ta vieille vie.

  3. Une vrai leçon, il faut pas oublié le tout puissant ☝ Force à toi frère

  4. On t’aime Mounir ❤️

  5. Wlh je t’aime Mounir tu est notre champion ❤❤❤

  6. Un seul mot: RESPECT !!!

  7. La vie n’a pas été facile pour tout le monde et tu fais partie des personnes qui nous dévoile ton beau combat je demande à notre seigneur de t’enrichire et avoir une belle vie ici bas et dans l’au Delà psk tu le mérite ..
    Ton frère

  8. Les larmes au yeux ,mais tellement fière de toi et heureuse pour toi Mounirou (mon beaugoss) je te prénommé ainsi enfant
    #godisgood champion
    La vie t’as donné une leçon fait en bon usage !
    Mon chouchou so proud for you
    Nguette Aminata Xoxo

  9. Juste MAGNIFIQUE

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