Le bus de nuit, mon inconfortable liberté
La plupart de mes expériences des bus de nuit partent de la gare routière de Bercy, dans le 12e arrondissement de Paris. Elle est située dans le parc, recluse, derrière une espèce de terrain de sable, qui fait aussi office de terrain de sport… Le départ est généralement prévu pour 23 h 55. Les voyageurs attendent l’arrivée du bus dans lequel ils passeront les prochaines heures. La nuit s’ouvre alors à nous.
Quand on est étudiant, il faut connaître les bons plans. Quand tu fais les courses ou des sorties, mais aussi quand tu voyages. Le désir de beaucoup voyager m’anime. Seul problème : le coût. Le bus de nuit me permet d’envisager tous ces voyages. Mais cette alternative ne se fait pas sans quelques compromis…
Depuis petite, j’ai toujours fait de longs trajets seule. Une norme lorsqu’on a des parents séparés qui vivent aux deux pôles du pays. À partir de mes 18 ans, l’âge où on devient indépendant sur le plan financier, j’ai commencé à voyager seule, de nuit, en bus. Pas le choix. C’est l’option la plus rentable. Aujourd’hui, j’ai 21 ans, et le bus de nuit reste l’alternative que je privilégie pour mes déplacements les plus fréquents. Mais aussi pour voyager dans les pays européens voisins.
Le bas coût du billet se paie ailleurs
Cette alternative low cost est celle que j’ai le plus utilisée au fil des années. Elle fait partie de mes habitudes lorsque je voyage. Aujourd’hui, pour aller jusqu’à Bayonne en train, c’est environ trois heures trente : depuis les lignes à grande vitesse, on ne sent même pas le temps du trajet… Mais moins de temps tu passeras dans le train, plus cher ton billet te coûtera. À l’inverse, le bus te fera arriver à destination en huit heures, pour une quinzaine d’euros. Toutefois, le bas coût du billet se paie ailleurs.
À la différence du train, le trajet en bus est rythmé de pauses au milieu de la nuit, sur des aires d’autoroute souvent désertes. Les lumières du bus s’allument, et les voyageurs endormis se mettent en mouvement. Certains sortent se dégourdir les jambes. Moi, je préfère généralement rester à l’intérieur… J’ai l’impression que, si je bouge, je serais incapable de me réinstaller à ma place et de supporter les prochaines heures de trajet. Arrive toujours un moment dans le trajet où je ne peux plus rien supporter. Les muscles tendus, les bruits parasites des voisins qui regardent leur film trop fort et le temps qui passe bien trop lentement…
Les deux premières heures se passent toujours sans souci. Mais l’esprit et le corps commencent doucement à se tendre. Je tente d’organiser le petit espace dont je dispose. L’inconfort persiste, aussi à cause de la présence, parfois pesante, des voisins.
« Il me touche les cheveux, comme si de rien n’était »
Mon premier trajet seule de nuit, c’était sur un Paris–Bayonne, en 2018. J’avais tout prévu pour passer un bon voyage : iPod chargé à 100 %, casque sur les oreilles et masque sur les yeux. Je me laisse alors à rêvasser, toujours dans un demi-sommeil parce que dormir dans un bus c’est mission impossible. Les lumières s’éteignent. Les petites LED bleues le long du sol et du plafond sont à présent la seule source lumineuse. Mon voisin ne se fait pas remarquer… jusqu’à ce qu’il me touche les cheveux, comme si de rien n’était. Le silence nocturne qui règne dans le bus freine ma réaction. Je ne dis rien, je manifeste juste mon étonnement par un regard et je balbutie un léger « euh… » sur un ton qui se veut dédramatisant… Tout au long du trajet, d’autres sollicitations se produisent. Rien de grave, mais des petites choses dérangeantes qui, mises bout à bout, finissent par créer un malaise généralisé. Une fois arrivée à destination, je suis épuisée…
Depuis, lorsque je voyage en bus la nuit, tous mes sens sont en éveil. Heureusement, quand on a la chance de tomber sur des voisins de voyage tout aussi tendus que nous, c’est l’occasion de faire de belles rencontres et de discuter afin de se détendre.
À l’arrivée, on avait fait le tour de nos vies
L’année dernière, je me suis assise à côté d’une jeune fille un peu plus jeune que moi. La première heure de trajet passée, je vois qu’elle me jette quelques regards. Je lui souris pour qu’elle se sente à l’aise pour me poser la question qui avait l’air de la tracasser. Elle se lance enfin… Elle avait oublié sa bouteille d’eau et terriblement soif. Je partage avec elle et commence alors une discussion de plusieurs heures.
À l’arrivée, on avait eu (beaucoup) de temps pour faire le tour de nos vies respectives. C’était son premier voyage de nuit seule, et elle avait l’air plutôt soulagée de comment il s’était déroulé. Repartant chacune de notre côté à Bayonne, ce trajet nous a donné l’occasion d’apprendre à nous connaître, après environ huit heures côte à côte.
La mobilité est aussi une question de territoire. Comme beaucoup de jeunes vivant en zone rurale, Guillaume veut un scooter pour être enfin autonome. Mais ses parents refusent : trop risqué.
L’expérience du trajet ouvre et ferme le voyage. Il donne la première et la dernière impression. L’intérêt de le réaliser de nuit est de gagner une journée. Néanmoins, après avoir passé la nuit à voyager dans le bus, la première journée ne se vit pas de manière optimale. Je suis souvent très fatiguée, dû à l’inconfort physique et psychique éprouvé.
Aujourd’hui, je commence à pouvoir m’offrir, occasionnellement, le plaisir du train… de jour cette fois-ci ! J’apprécie tous les aspects de cette nouvelle configuration. La beauté des paysages des campagnes traversées, l’assise, et même les voisins. Mon esprit est libéré de l’inconfort de mon corps et de la tension due à l’atmosphère de la nuit, et je me plais à imaginer les raisons de leur déplacement.
Marion, 21 ans, étudiante, Paris
Crédit photo Pexels // CC Julian Lozano
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