Hassan O. 20/09/2023

Chaque nuit, je revis la guerre

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Hassan est né dans un camp de réfugiés palestiniens en Irak. Il est venu en France avec sa famille à pied, traversant la guerre et les frontières. Depuis, il fait des terreurs nocturnes et revoit chaque nuit les horreurs qu'il a traversées.

Il arrive que je crie dans mon sommeil profond, que je fasse des mouvements brusques. Je ne me réveille pas complètement. Normalement je vais au lit entre 22 heures et 3 heures du matin, parce que je n’arrive pas à dormir. Du coup, j’en profite pour regarder des films sur mon téléphone ou écrire.

Dès que je m’endors, je fais une terreur nocturne. Je me réveille et je me rendors. Ça m’arrive entre une à trois fois chaque nuit. Elles durent entre 15 et 30 minutes. Je ne fais pas de rêve, c’est le trou noir entre chaque terreur. Et entre les trous noirs, il y a les souvenirs d’enfance qui surgissent.

Je sais que je suis né en 2006 dans un camp de réfugiés palestiniens à Bagdad en Irak, en pleine guerre. J’ai grandi dans la misère. Chaque nuit était compliquée, entre les obus et les coups de feu. Il nous était très difficile d’avoir des vivres, de l’eau potable, de la nourriture. Je pleurais souvent mais personne ne comprenait pourquoi.

Un périple sans fin

Quand j’ai eu 1 an, je suis sorti avec mon grand-père vendre l’or de ma grand-mère pour acheter des vivres et de l’eau désinfectée. Sur la route, trois personnes ont attaqué mon grand-père, lui ont ouvert la tête et lui ont tout pris… Moi, je me suis enfui. Une semaine plus tard, ma grand-mère est morte, car n’ayant plus rien à manger, son estomac s’était refermé. Alors mes parents ont décidé de fuir à nouveau.

Une nuit, mes parents, mon frère et moi, nous sommes montés dans une barque. On était dix voyageurs. Arrivés en Syrie, on a été accueillis et hébergés dans un petit camp. Peu nous importait les conditions, tant qu’on avait de quoi manger, boire et quelques vêtements. Je ne savais pas où j’étais, ni où j’allais.

Toujours dans une embarcation de fortune, nous sommes partis de Syrie pour la Grèce. Le trajet a duré deux jours. Encore une fois, on a été accueillis dans un camp. Quelques mois plus tard, mes parents ont décidé de quitter la Grèce. On a pris à nouveau une barque pour aller en Albanie, puis on a traversé l’Albanie en marchant, et on a pris une autre barque jusqu’en Italie.

Là, pour la dernière fois, on a payé une mini-barque en bois pour arriver à Marseille, en France. Elle faisait deux mètres de long, elle n’était en rien solide, je me souviens que je suis tombé dans l’eau. J’avais 2 ans. C’est pour ça que je souffre de thalassophobie aujourd’hui.

Déçus par la France

Pendant les terreurs nocturnes, mes traumatismes reviennent. Peu importe le temps écoulé, les souvenirs restent identiques. En général, je me rappelle précisément des images. J’en ai parlé à mon père, il a confirmé la réalité de mes souvenirs qui ne sont pas des rêves déformés. Cela rend compliqué d’oublier et de vaincre ses peurs.

Arrivé en France, j’espérais avoir la paix mais ce ne fut pas le cas. À Marseille, il y a des guerres de gang, des meurtres, des viols, des violences et de la drogue. J’entends les tirs la nuit de ma chambre. La France n’est pas synonyme de paix. On ressent une forme de guerre, ici aussi. C’est une fausse paix. Et puis mon frère est mort à ses 17 ans, il s’est suicidé l’année dernière. Depuis, je porte son bracelet pour ne pas l’oublier.

Mamadou a quitté la Guinée pour venir se réfugier en France. Un voyage dont il a fait, pendant longtemps, de douloureux cauchemars.

Capture d'écran de l'article "Les cauchemars de mon parcours migratoire". Sur la photo, un homme assis sur un lit avec un drap blanc et une lumière jaune qui tombe sur le lit et lui. Un mur rouge foncé derrière lui.

Mes parents me disent qu’au moins en Irak, il y avait du respect pour les êtres humains, et qu’ici non. La solidarité leur manque. Il y a beaucoup d’hypocrisie et beaucoup d’embrouilles, tout le temps. Je trouve ça horrible. Je parle bien sûr de Marseille, mais la France entière est comme ça. Il y a le racisme, la haine, la terreur et la France ne fait rien. J’aimerais déménager au Canada, dans un petit chalet au milieu de rien, loin de l’espèce humaine et de tous les malheurs. J’ai étudié ce pays en géographie, et j’aime beaucoup la température là-bas. Je suis sûr que j’y serai heureux.

Hassan, 17 ans, lycéen, Marseille

Crédit photo Pexels // CC Алесь Усцінаў

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1 réaction

  1. L’histoire est incroyablement triste je suis désolé que tu est vécu se genre de choses je suis sûr qu’un jour tout ira mieux que tu retrouvera un meilleur goût à la vie et je suis d’accord avec toi la France n’est pas un pays de paix mais bien tout le contraire avec des gens qui n’ont aucun respect je trouve sa horrible des parents qui n’ont plus aucune autorité sur leurs enfants certains on peur d’eux une mère qui a peurs de leurs propres enfants et les guerres qu’il y’a c’est à cause du manque de respect ,de silivisations et d’éducation

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