Amire D. 08/05/2022

Coder pour me faire du blé

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Amire s’est formé tout seul à l’informatique. Il est vite devenu très fort, au point de gagner de l’argent en se faisant passer pour un adulte.

Durant mes années de collège, avec un groupe de potes, on s’était introduit dans le serveur informatique de l’établissement. On avait accès à la totalité du serveur du bahut, permission étoile ! Mais comme la vie n’est pas rose… On s’est fait attraper. Il fallait bien que ça arrive. On avait bien rigolé, mais la sentence fut terrible.

J’ai tout appris en autodidacte. Ce n’était vraiment pas très compliqué, et c’est vraiment très pratique. Ma famille a un revenu financier moyen mais dépense en grande partie pour aider mes frères qui ont un retard mental. Par conséquent, je ne peux me permettre de demander de manière répétitive de l’argent à mes parents. J’ai donc dû trouver un moyen de me faire du blé tout seul.

J’ai fait des petits boulots à droite à gauche : montage de vidéos, conceptions 3D, développement de programmes informatiques… C’était illégal car j’ai moins de 16 ans et ce n’était pas déclaré mais à ce moment-là, je n’avais pas conscience de ça.

Coder en étant mineur

Le paiement se faisait via Paypal. En un an, je me suis fait aux alentours de 500 euros. Je travaillais quand j’avais du temps, ce qui était rarement le cas. Et puis il fallait trouver des clients. En général, je faisais ma pub via des groupes Teamspeak (l’équivalent de Skype mais en version communautaire) ou sur des forums d’informatique. Je postais des messages où je parlais de mes compétences en précisant que j’étais disponible pour des boulots, un peu dans le style de Linkedin. Et depuis peu, j’utilise l’option « Bio » de Discord.

De fil en aiguille, je me suis fait une réputation. J’étais devenu la personne vers qui se tourner en cas de problèmes en rapport avec le numérique et l’informatique. Du coup, certaines personnes venaient vers moi, étant donné que j’étais « connu », pour me demander d’aider sur ces mêmes forums. Évidement, j’utilisais un pseudonyme et mes clients pensaient que j’étais majeur. J’utilisais plusieurs identités différentes, question de confidentialité.

La cybersécurité, j’aimerais en faire mon métier

À l’âge de quatre ans, je monopolisais déjà l’ordi familial, c’était mon seul passe-temps. Très vite, j’ai commencé à expérimenter. On se lasse rapidement des jeux vidéo, surtout quand on y joue seul. L’ennui s’emparait de plus en plus de moi et, par je ne sais quel chemin, je suis tombé sur un forum d’informaticiens. Je me suis de plus en plus intéressé à l’informatique et à l’électronique. J’étais vraiment très curieux et tous les sujets me fascinaient.

Isidore a 14 ans et est déjà très à l’aise en informatique. Il se considère comme un geek, en dehors des clichés de l’imaginaire collectif.

Pour la programmation, j’ai appris, au début de ma carrière, en commençant par le Python [un langage de programmation réputé pour être le plus facile à apprendre, ndlr]. Le Python m’a permis d’apprendre la logique de l’informatique. J’ai ensuite attaqué le Java, ce qui n’a pas été de tout repos, puis le C Sharp [deux autres langages de programmation, ndlr] . Pour la 3D, j’ai appris les bases avec des tutos, puis j’ai approfondi mes compétences à force d’en faire.

Actuellement, je me focalise plutôt sur la cybersécurité. Étant donné qu’on enfreint beaucoup plus de lois en piratant des comptes ou en prenant le contrôle à distance des PC, j’évite de m’en servir pour me faire de l’argent. J’aimerais vraiment continuer dans cette voie et en faire mon métier : je vise la section Pentest [tests d’intrusions pour évaluer la sécurité d’un système d’information ou d’un réseau informatique, ndlr] et, cette fois, dans la légalité.

Amire, 15 ans, lycéen, Saint-Étienne

Crédit photo Pexels // CC Sora Shimazaki

 

Moi Jeune – Autoportrait d’un âge des (im)possibles

Ce témoignage est extrait du livre de la ZEP, publié aux éditions Les Petits Matins. Disponible en librairie.

Dans ces pages, retrouvez les récits de plus d’une centaine de jeunes âgé·es de 13 à 30 ans issu·es de tout le pays.

Inégalité scolaire, poids ou réconfort des traditions familiales, violences policières, identités de genre, premiers emplois, logement, engagement, éveil amoureux et sexuel… Autant de thèmes qui esquissent un autoportrait d’une génération, celle de la jeunesse des années 2020.

 

 

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