Coiffer mon quartier pour me faire kiffer
Je suis passionné par la coiffure depuis mes 11 ans, depuis que je suis en sixième. J’ai commencé par ma tête ! Je me coiffais seul. Au collège, je coiffais mon petit frère qui avait trois ans de moins que moi pour ses photos de classe.
Cinq ans plus tard, début juin 2020, j’ai appris qu’un vieil ami était en test dans le meilleur salon de notre ville et qu’il avait besoin de modèles pour apprendre. Donc j’y suis allé. Ça faisait longtemps que l’on ne s’était pas vus. Pendant qu’il me coiffait, je lui ai demandé comment il s’était lancé dans la coiffure, tout ça, et il m’a donné quelques conseils. Au moment de partir, il m’a dit de revenir pour en apprendre plus.
Les jours d’après, j’étais au salon. Il m’a montré ses anciens équipements, le chef m’a donné des conseils et m’a expliqué avec quel matériel il fallait commencer. À la fin de la semaine, j’étais super motivé.
Mes débuts dans la coiffure à 16 ans
Direction le premier magasin disponible pour acheter ma toute première tondeuse. Elle coûtait environ 100 euros. C’est à partir de ce moment que j’ai commencé la coiffure « à mon compte ». Vu que c’était les grandes vacances, j’étais chez ma grand-mère dans le 78 [les Yvelines, en région parisienne, ndlr] et je m’exerçais sur mes cousins et leurs amis. À la fin de chaque coupe, je filmais et je mettais les têtes sur mon compte Snapchat. Des images de profil, de dos pour montrer les dégradés, une vidéo où je faisais le tour de leur tête pour que les futurs clients voient mon talent… Mes cousins aussi partageaient sur leurs comptes. Du coup, ça a commencé à faire des « vues ». De plus en plus de monde savait que je faisais des coupes et ils les trouvaient bien.
Parmi mes cousins, il y en avait un qui se coiffait régulièrement chez un bon jeune coiffeur. Il a vu mes coupes sur le compte de mon cousin et a commenté positivement, mais aussi négativement vu que je venais de commencer et que j’avais beaucoup de défauts.
La journée j’observais, le soir je m’exerçais
Un jour, en voyant que je venais de loin et que j’étais vraiment motivé, il a décidé de m’apprendre. Je suis venu avec lui au salon pendant deux semaines. La journée, j’observais comment il faisait sur les clients et, le soir, je m’exerçais sur mes cousins. Tout cela gratuitement jusqu’à la fin des vacances ! Il m’a aussi coiffé plus de trois fois pour me montrer.
Puis, grâce aux partages et à mon bon niveau, j’ai reçu une quinzaine de clients : des petits de mon quartier et trois, quatre amis du lycée. Là, j’étais vraiment lancé dans la coiffure. Enfin, à côté du lycée, parce que je suis toujours en terminale.
Les plus jeunes profitent des nouvelles plateformes pour exercer des petits boulots, sans avoir encore l’âge requis et sans déclarer leurs revenus. De quoi gagner de l’argent sans trop de contrainte et d’acquérir des compétences qui serviront leurs futurs parcours professionnels.
Depuis ce temps-là, je coiffe. J’ouvre le week-end et quelques mercredis aprèms dans un petit local : une petite pièce chez moi, comme un cagibi, qui est devenu mon petit salon. Dedans, j’ai mon matériel que j’améliore souvent. J’ai commencé avec une tondeuse à fil. Maintenant, j’en ai plusieurs sans. C’est grâce à l’argent de mes coupes que je peux investir. Une coupe, c’est entre 5 et 10 euros. 5 pour les potes et les petits, 10 pour les autres. Chaque mois, je me fais environ 200 euros. Chaque semaine, je pars avec 20 euros dans la poche. Le reste, je le mets de côté ou je le donne à mes parents.
Maintenant, je suis devenu réputé dans le quartier. Il y en a beaucoup qui me demandent des coupes. Je suis obligé de refuser de plus en plus souvent parce que ça reste une passion à côté, un moyen de m’aider moi-même et d’aider mes parents, mais ce n’est pas mon métier.
Adam, 16 ans, lycéen, Noisy-le-Sec
Crédit photo Pexels // CC Luis Quintero
Le travail des mineur·e·s sur les réseaux
C’est possible, mais sous conditions
Il est possible de travailler à partir de 16 ans en ayant l’autorisation de son ou sa représentant·e légal·e. En dessous de cet âge, seuls les métiers du spectacle ont le droit de faire travailler des enfants.
Les réseaux offrent une plus grande liberté
Pour contourner ces « contraintes » légales, les réseaux sont utilisés pour se faire de l’argent. Ces plateformes permettent aux ados d’avoir un revenu avant l’âge légal, mais poussent aussi des parents à exposer leurs enfants pour des contrats publicitaires.
Ils sont désormais encadrés
Depuis 2021, les parents (et notamment les influenceurs·ses) doivent déclarer les contenus dans lesquels ils et elles exposent leurs enfants, et obtenir une autorisation pour le faire. L’argent perçu doit aussi être mis sur un compte qui sera débloqué à la majorité de l’enfant.