Mes cours de théâtre en distanciel, ma passion en backstage
Vous voyez quand on vous propose un plat et que vous ne l’aimez pas sans même y avoir goûté ? C’est exactement ce que j’ai ressenti lorsque j’ai su que j’allais faire mes cours de théâtre sur Zoom, en distanciel. C’est comme si la magie de ce monde qu’est le jeu, la scène, disparaissait. Il est 12 h 30, j’attends devant mon ordi que le prof démarre le visio et une sorte de vide s’enfouit en moi.
Je suis terrifiée. Terrifiée de ne pas savoir comment jouer, mais surtout de voir que je ne prends aucun plaisir à jouer alors que c’est la raison pour laquelle je me lève le matin. Les émotions que je ressens lorsque je suis sur scène ne me traversent pas, seule l’envie de fermer mon ordi.
J’ai 19 ans et je suis étudiante au Cours Florent. De base, j’ai neuf heures de cours de théâtre par semaine. Avec les options, je peux monter à quinze / dix-huit heures. Mais avec le Covid, la plupart de mes cours sont en distanciel.
Toutes les émotions se perdent en distanciel
Cette crise me « vole » mes études car apprendre dans ces conditions, c’est super dur. Donner le meilleur de soi-même dans sa chambre à travers un ordi, et sur scène, ça n’a rien à voir. J’ai l’impression de voir le temps défiler, mais mon apprentissage stagner. Le théâtre et le jeu se résument selon moi à aller au contact des gens, faire vivre des émotions au public, mais également à soi-même : le trac, qu’il soit bon ou mauvais, le rire, le suspense procuré par les silences joués, l’envie et l’impatience de monter sur scène, la tristesse, toutes ces émotions qui se perdent sur Zoom.
La dramaturge Marion Siéfert a imaginé une pièce de théâtre à voir en live sur le compte @_jeanne_dark. Religion, harcèlement au lycée… la version 2.0 de Jeanne D’Arc se raconte sur Instagram.
Jouer seule, devant sa caméra, face à des gens qui t’entendent à peine parce que ta wifi bugge, ce n’est vraiment pas agréable. Jouer en duo, c’est encore pire avec les problèmes de connexion. Mais bien au-delà de ça, comment faire pour jouer une scène sans notre corps ? Sans regarder l’autre ? Comment s’appuyer sur son jeu pour lui répondre alors que la seule chose que j’ai en face de moi c’est un écran ? Mon partenaire assis sur son lit, en train de réciter son texte. « Réciter » car, dans ces circonstances, ce n’est pas « jouer ».
D’habitude, je suis toujours la première à me lever pour monter sur scène, qu’importe la peur, le trac, l’envie de jouer surpasse tout. Le plaisir que je prends à le faire est plus fort que n’importe quel sentiment. Alors que sur Zoom, j’ai envie qu’on m’oublie. Je m’efface et je prie pour ne pas passer, pas par peur, mais parce que l’envie n’est pas là.
Une pièce de théâtre vocale, c’est mieux que rien
Malgré tout, les profs gardent espoir : ils nous comprennent, nous motivent, et c’est tout autant pénible pour eux de diriger des élèves à travers un écran. On continue vachement à bosser ce sur quoi nous avons débuté, mais ils nous ont rajouté un exercice. C’est une sorte d’atelier radio. En gros, on va jouer une pièce de théâtre et elle sera enregistrée, mais seulement vocalement. Une pièce de théâtre vocale quoi. Disons que c’est ce qui s’adapte le plus aux visios… Je trouvais vraiment pas ça cool, mais au final ça va. C’est assez fun, puis les profs savent ce qu’ils veulent donc ça nous aide.
Ma formation consiste aussi à beaucoup m’informer et à avoir une certaine curiosité, qu’il est compliquée d’assouvir en ce moment. Toute la partie culturelle (aller au théâtre, au cinéma, voir des expos) est mise de côté. Le point positif à cela c’est que j’ai beaucoup de temps pour regarder des films chez moi, faire des recherches et lire.
La rentrée universitaire de Sonia est également chamboulée par la crise sanitaire. Entre les mesures sanitaires à appliquer et le manque de communication de l’administration, sa rentrée en L1 ne s’est clairement pas passée comme prévue…
Enfin, avec des amis, on voulait faire un film étudiant. Malheureusement, la période ne le permet pas. Sans budget, dans de telles conditions, impossible de produire quelque chose. Mais, qui sait, peut-être que cela sera propice à l’écriture et que le meilleur reste donc à venir.
Comme tout le monde, nous attendons, nous prenons notre mal en patience, mais dans notre domaine cette crise sanitaire pèse profondément. Nous ne jouons pas, mais nous essayons de garder espoir.
Clara, 19 ans, étudiante, Paris
Crédit photo © Clara