« Dans le coma, je me suis fait torturer par Johnny Depp »
« Maman, j’ai peur ! » Voilà ce que j’ai dit à ma mère au téléphone, dans le camion de pompiers, il y a un an et demi. Je venais de me faire renverser par une moto alors que je marchais sur le trottoir, à Montpellier. C’était juste avant de tomber dans le coma.
Ce qui a été déterminant c’est que mes fonctions vitales et cérébrales marchaient parfaitement. Je n’étais pas un légume. Cela valait donc la peine de me sauver.
J’ai passé trois semaines dans le coma à l’hôpital Lapeyronie à Montpellier. Un coma rempli de cauchemars plus atroces les uns que les autres. Mon principal cauchemar était de me faire enlever et torturer par les pirates du film Pirates des Caraïbes, notamment par Johnny Depp.
On me retrouvait dans une pièce sinueuse et délabrée. J’étais ivre mort, forcé par les pirates à boire des litres et des litres de rhum. Ma meilleure amie, mon amoureuse et ma mère, dégoutées de moi, me trouvaient là… et s’en allaient. Cela restera à jamais un de mes pires souvenirs. Et oui, je m’en souviens encore !
Un battle entre Prince et Michael Jackson
Je me retrouvais ensuite en prison, dans une merde noire, face aux pirates. Ensuite, je me réveillais dans un hôpital où mon père venait me rendre visite. J’ai appris plus tard que c’est ce qu’on appelle « la fausse conscience ». Mon réveil, c’était un vrai souvenir. Mon père est vraiment venu me voir. Mais j’étais tellement sous morphine que je ne m’en souviens que sous la forme de ce cauchemar.
Mon père me répétait : « Ce n’est pas les pirates ! Tu as eu un accident de voiture. » Je ne le croyais pas. J’étais persuadé que les pirates m’avaient enlevé et que tout ceci n’était qu’une machination mise en place par un personnage Marvel nommé Wilson Fisk.
J’ai aussi rêvé d’un battle de chant et de danse entre Michael Jackson et Prince qui, déchaînés, reprenaient tous les deux les mêmes chansons.
Dans un autre rêve, celui où je me réveillais du coma, je passais par des grosses phases de sommeil, avec des réveils intermittents, pour éliminer l’alcool ingéré à cause des pirates. C’est dans ces moments-là qu’on s’aperçoit à quel point rêve et réalité sont étroitement liés.
« Sans toi, j’étais foutu »
J’étais aussi étroitement lié à mon père pendant cette période. D’habitude, nos relations étaient très conflictuelles. Je crois que c’est le moment de ma vie, avec mon enfance, où j’ai été le plus proche de lui.
Je me rappelle de mon papa me montrant les Schtroumpfs en dessin animé. De lui, toujours, humidifiant ma bouche à l’aide de compresses d’eau. Je lui disais en boucle : « Sans toi, j’étais foutu. » Parce que, dans mon cauchemar, dirigé par les pirates et plus précisément Johnny Depp, c’était mon père qui me sauvait.
C’est aussi grâce à la mutuelle de mon père que j’ai été rapatrié en avion, un jet médical, de Montpellier à Paris, où je vivais avant l’accident. Je me souviens très bien de mon arrivée à Paris. Ma mère souriait. Ma sœur dansait. Elles me rassuraient. Je ne pouvais ni boire ni parler, mais c’est un des meilleurs souvenirs de ma vie.
Six semaines après l’accident, j’ai pu à nouveau boire et parler. J’étais fou de joie. Je me rappelle encore de la tête des gens de ma famille quand ils m’ont entendu prononcer « je t’aime ».
J’ai passé quatre mois à l’hôpital et quatre mois en rééducation après deux opérations à la jambe et des opérations multiples au cerveau. La période de rééducation a été dure, avec beaucoup de kinésithérapie. J’avais beaucoup de peine à suivre les exercices. J’ai d’abord commencé à me déplacer avec un déambulateur, puis avec des béquilles, puis avec une seule, puis sans. C’est l’une de mes plus grandes victoires personnelles !
Souvenirs traumatiques et musique
Aujourd’hui, je marche, je cours, je parle, je bois et ce n’était pas du tout gagné ! De l’accident et des suites, il me reste beaucoup de flash-back, donc beaucoup de souvenirs traumatiques. J’ai aussi des pertes de cheveux, des difficultés à faire du sport et un clou chirurgical dans la jambe. Avec tout ce qui m’est arrivé, je suis devenu addict aux médicaments antidouleurs.
Mes prochaines victoires ? Traverser sereinement la future opération de ma jambe, pour enlever ce foutu clou, et être accepté dans mon école de musique à la rentrée. En attendant, j’écris, je chante et je joue de la guitare.
Nile, 22 ans, en recherche de formation, Villejuif
Crédit photo Unsplash // CC Manuel bonadeo
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