Diego D. 01/03/2024

Deaflympics : « Le rêve de tout footballeur sourd ! »

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Les Deaflympics d'hiver se déroulent du 2 au 12 mars 2024, à Erzurum en Turquie. Il s'agit de la plus prestigieuse compétition internationale du sport sourd, avec les Deaflympics, auxquels Diego participera peut-être, en novembre 2025, au Japon. Une histoire de passion et de filiation.

Je suis sourd et, dans ma famille, je suis la troisième génération. Mon objectif, c’est d’aller le plus loin possible dans le football sourd. D’être sélectionné pour les Deaflympics. Mon père a gagné la médaille d’argent au Danemark, en 1997. Y participer, dépasser son record et gagner des titres, c’est mon rêve !

Les Deaflympics, c’est la compétition la plus prestigieuse du sport sourd. Il y a les Deaflympics hiver, avec le ski et d’autres sports, et les Deaflympics football. Les prochaines pour le football auront lieu le samedi 15 novembre 2025 au Japon. On peut les regarder sur YouTube et certaines associations de sourds organisent des événements avec la projection des matchs. Des chaînes, comme BeIn Sports, ont déjà interviewé des athlètes qui participent aux Deaflympics, mais elles ne diffusent jamais des matchs.

Une compétition créée par des sourds

Ce sont nous les sourds qui les avons créés, en France, grâce à Eugène Rubens-Alcais – personnalité importante – et Antoine Dresse en 1924 à Paris. Des sportifs de pays et de cultures différentes y participent, avec la même identité : être sourd. C’est incroyable et beau. On doit en être fiers.

Certains joueurs qui y étaient ont déjà joué ou jouent encore avec moi. Ils sont « internationaux », c’est-à-dire qu’ils ont participé aux compétitions internationales. Ils m’ont raconté leur expérience. Un joueur m’a montré la vidéo de la cérémonie d’ouverture. C’est incroyable. Chaque groupe porte le drapeau de son pays. Le niveau du football sourd y est plus élevé et y représenter son pays est quelque chose d’unique. Cela me donne envie d’y aller et d’y participer !

Aujourd’hui, je joue dans le deuxième plus vieux club sourd de France. Il fait partie des bons. Il participe à une compétition européenne cette année : la Deaf Champions League. Il me permet d’augmenter mes chances d’être repéré et d’être convoqué en équipe de France des sourds. C’est là qu’on peut se qualifier pour aller aux Deaflympics : un sélectionneur y convoquera les 20-23 meilleurs joueurs.

Cette année, j’ai fait mon premier pas en équipe de France. J’ai été convoqué en stage en janvier 2024, à Paris, pour une détection. C’était pour y rentrer, mais finalement je n’ai pas été sélectionné pour le prochain stage.

Progresser plus vite chez les entendants

Quand je joue dans le club sourd je suis plus à l’aise, mais mon club entendant me permet de progresser vite et d’élever mon niveau. Les clubs sourds sont moins nombreux. Ils proposent peu d’entraînements par semaine et il y a peu de joueurs. Les subventions sont plus faibles. On n’a pas nos propres infrastructures. On est peu visibles. Comme les sourds dans l’ensemble de la société française. En plus, mon club sourd est loin de chez moi. Je mets entre une heure et deux heures en voiture pour y aller, en fonction des bouchons. On est une vingtaine de joueurs pour une équipe.

Dans mon club entendant, j’ai davantage d’entraînements : deux fois deux heures par semaine. Il est à quinze minutes à pied de chez moi. On est soixante joueurs pour deux équipes seniors, en Départemental 1 et en Départemental 3. Je ne me sens pas si épanoui mais j’essaie toujours de m’intégrer au football entendant. J’observe des exercices pour les « imiter ». Je ne prends que les informations visuelles : où sont placés les joueurs, par exemple. Cela me permet de prendre des décisions. Je donne une astuce aux entraîneurs entendants : pour remplacer « top » comme coup de pistolet, je leur propose de faire des gestes.

Pourquoi pas monter aussi en niveau chez les entendants ? Si j’ai une occasion de passer en Régional, je la prends. Même si, mon objectif prioritaire, c’est les Deaflympics ! Tout sourd veut participer aux Deaflympics ! Mon père me prodigue toujours des conseils pour m’améliorer, il m’a accompagné jusqu’à mes 20 ans. J’ai beaucoup appris de lui, de sa discipline, de sa passion, de sa motivation. Il était également mon entraîneur adjoint, à une époque.

Pas de club pour les sourds avant 16 ans

Quand j’étais petit, il m’a inscrit au football pour me transmettre sa passion. Il le pratique en club et son palmarès est assez étoffé. Il a gagné plus de dix championnats de France, remporté neuf finales de Coupe de France sur dix-neuf, et a été titré trois fois lors de la compétition interrégionale dans le football sourd. Il a joué également au football entendant, il a gagné certains tournois.

Comme il n’y a pas d’équipes dédiées aux moins de 16 ans dans les clubs sourds, il m’a inscrit dans un club entendant. Je jouais sans passion. Des éducateurs m’oubliaient. Ils ne pensaient pas à m’expliquer les consignes et les tactiques, comme si j’étais invisible. Des enfants me rabaissaient. Je n’étais jamais vraiment intégré. Comme à la maternelle, j’étais le seul sourd. J’ai arrêté vers mes 8-9 ans.

Mais le football me passionnait toujours… À 11 ans, j’ai participé à un stage de cinq jours au Paris Saint-Germain, et j’en suis devenu amoureux. Même si je ne me suis pas senti intégré aux entendants, j’ai eu un déclic. Je découvrais le fonctionnement du football, les compétitions, les organisations, les règles, son histoire. Je me suis passionné en suivant des matchs de football et, vers 13-14 ans, je suis retourné dans mon club entendant.

Chiara est paraplégique depuis ses 10 ans. Longtemps, elle ne s’est pas reconnue dans les représentations qui sont faites des personnes handicapées.

À 16 ans, j’ai pu entrer dans les équipes seniors de sourds. Depuis ce moment-là, je pratique le foot dans deux clubs. Un club FFF, donc entendant, et un club handisport. J’aime beaucoup jouer avec des sourds. Je me sens bien et à ma place. On communique par la langue des signes. Je comprends les objectifs, les stratégies, les tactiques.

Comme certains sourds, je me sens parfois être un sous-citoyen. Peut-être que je devrais continuer à combattre pour mes droits en jouant au football dans les deux différentes fédérations, en poursuivant le cursus Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives) ou en militant… Je rêve d’un monde meilleur, égalitaire, inclusif.

Diego, 23 ans, étudiant, Paris

Crédit photo © Damien Kholoukhoev – Diego, l’auteur du témoignage, lors d’un match de football avec l’équipe ESS Vitry (Étoile sportive des sourds de Vitry).

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