Depuis le 7 octobre, j’ai peur pour ma famille

Le 7 octobre dernier, c’était jour de fête dans ma famille. Chez moi, on est juifs sépharades tunisiens, pratiquants, orthodoxes. C’était la fête de Soukkot, une fête pour nous rappeler la sortie d’Égypte quand nos ancêtres étaient bloqués quarante ans dans le désert. Chaque année, on se rassemble avec toute ma famille, la plupart du temps chez moi ou chez ma grand-mère. On mange des plats familiaux. Cette fois, on était chez moi, il y avait une bonne ambiance, j’étais assis à côté de ma mère et de ma sœur. Sauf que ce jour-là, on a commencé à recevoir des notifications.

Le problème c’est que pendant Soukkot, et plus généralement pendant les jours de fête, dans notre religion on n’a pas le droit d’utiliser nos téléphones. Donc on a passé plusieurs heures à voir s’enchaîner les notifications qui s’affichaient automatiquement sur nos écrans, sans pouvoir en lire plus.

Au début, on a vu que plusieurs roquettes avaient été tirées sur Israël. On était déjà en stress, et on priait pour que tout se passe bien. Plus le temps passait, plus on recevait de notifications qui disaient que des personnes se faisaient tuer. On était tous sous le choc.

Au fur et à mesure que le temps passait, on se disait : « Mais est-ce que ça va s’arrêter ? » Mais au lieu que ça s’arrête, ça a continué de plus en plus. L’horreur, de plus en plus de morts, de blessés, de kidnappés, de bombes, de dégâts, de soldats réquisitionnés. Des soldats qui venaient de se marier, ou qui venaient d’avoir des enfants. On a continué de recevoir des notifications. Ça ne s’arrêtait pas. Sans qu’on puisse rien faire.

Une fois la fête terminée, on s’est jetés sur les téléphones et on a appelé toutes les personnes, toutes les connaissances de la famille qui vivent en Israël, pendant plusieurs heures. Du côté de ma famille ça allait, mais des amis de ma famille ont été tués, des amis à moi ont vu de leurs yeux des roquettes, des gens mourir ou être blessés. J’ai vu passer des photos et des vidéos mais j’ai essayé d’éviter de les regarder. On avait tous tellement de peine.

Hassan est né dans un camp de réfugiés palestiniens en Irak. Il est venu en France avec sa famille à pied, traversant la guerre et les frontières. Depuis, il fait des terreurs nocturnes et revoit chaque nuit les horreurs qu’il a traversées.

Depuis, en France, il y a eu plein de manifestations. Des personnes de ma famille, des amis aussi, ont peur d’emmener leurs enfants à l’école ou à la synagogue. J’essaie de continuer à vivre sans changer mes habitudes. La plupart de mes amis sont juifs. Comme moi, ils ont peur de ce qui ce passe, et ce qui pourrait arriver.

Nous, depuis le 7 octobre, on est tous en train de prier pour que la guerre s’arrête.

Shimone, 20 ans, en formation, Paris

Crédit photo Hans Lucas // © Estelle Ruiz

Ce témoignage a été écrit par Shimone lors d’un atelier d’écriture de la ZEP, en octobre 2023. Depuis le 7 octobre et l’attaque perpétrée par le Hamas, l’armée israélienne bombarde Gaza et ses habitant·es, et les victimes se comptent par milliers.