La drogue a fait de mon frère un inconnu
Mon frère, dans sa vie, est passé du paradis à l’enfer à cause de la drogue.
J’ai une famille. Comme tout le monde, plus ou moins… Enfin, je dirais que j’en avais une, une famille complète et heureuse avec un père, une mère, un frère et une sœur. Je suis le plus petit de tous, le dernier.
Comme les frères et sœurs, on se bagarrait de temps à autre. Mais, avec mon frère, on avait une relation fusionnelle, on faisait tout ensemble du matin jusqu’au soir. On s’était tatoué temporairement sur le bras « Brother 4ever ». Quelle métaphore ! Vers mes 8 ans, on a harcelé mes parents pour avoir une Wii pour jouer à Mario Kart ou Wii Sports. C’est de là qu’une passion pour les jeux vidéo a commencé. Très clairement, on vivait notre meilleure vie !
Un changement du jour au lendemain
Jusqu’à l’été 2018… À ce moment-là, mon frère avait 18 ans et il est rentré en école d’arts sur Paname. Il rentrait de plus en plus tard, ne m’adressait plus la parole, ni à moi, ni à ma sœur, ni à ma mère ou mon père… Un véritable changement du jour au lendemain, c’était expéditif. Quand j’avais un « bonjour », je célébrais comme Zizou à la Coupe du monde 98. Plus sérieusement, on ne faisait plus rien ensemble.
Il buvait, fumait et ne portait plus attention à son style vestimentaire qui était passé de beaux sweats Nike à des t-shirts Tecktonik mal repassés, des jeans à pantalons troués et sales… Avec ma sœur, on a commencé à se poser quelques questions, et on a mené notre petite enquête. Ce jour-là, on a pris le train tous les deux pour aller jusqu’à son école. On a marché et ce qu’on a découvert nous a détruits.
Notre frère était là, seul devant son école avec un air différent. Ma sœur m’a dit d’attendre et elle est allée le voir. Cinq longues minutes plus tard, elle est revenue en pleurant et m’a expliqué qu’il avait changé à cause de la drogue, qu’il s’était fourni à son école entre deux cours. Il lui avait aussi appris qu’il ne s’intégrait pas et qu’à cause du stress dû au travail demandé, il avait « besoin » de shit et de beuh, de drogue, pour décompresser.
Je n’ai plus de frère
Nous avons raconté cela à nos parents. J’ai vu mon père pleurer et, à l’heure où j’écris ce texte, ma mère ne s’en est toujours pas remise. Pendant une discussion, si on parle de mon frère devant elle, elle peut éclater en sanglots et partir de la table. Elle tenait à lui, mais mon frère a décidé de quitter la maison pour aller vivre je ne sais où. Je sais juste qu’il a quitté l’école, qu’il vit seul et sans aucune interaction avec le monde extérieur. J’ai certains renseignements grâce à ma tante qui le croise des fois dans le 91, mais très peu souvent.
La sœur de Mattéo se drogue, et son addiction crée de vives tensions chez lui. Sa famille ne sait pas s’il faut l’aider, et comment.
Moi, j’ai 13 ans, j’ai appris à l’ignorer quand je le croise, ça m’est arrivé plus d’une fois. J’ai appris à me faire à l’idée que je n’avais plus de frère et que je ne pourrais peut-être plus jamais lui adresser la parole. Sa disparition m’a fait extrêmement de mal malgré ce que je voulais montrer. Je lui en veux de m’avoir abandonné sans même un au revoir ou un petit message à mon anniversaire.
Mes parents essaient encore de retrouver son numéro ou son adresse sans aucun résultat concret. Je suis encore plus engagé à ne pas consommer de drogues, ça détruit les gens et ce n’est pas nécessaire, à part si tu as une forte envie de détruire ta vie.
Nao, 13 ans, collégien, Chevry-Cossigny
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