Afif 06/05/2018

Drogues, contrôles au faciès : je veux sortir de ma cité

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À Sevran, je vis dans une cité. Entre la police, le trafic, le bruit et l'ennui une chose est sûre : dès que je pourrai, je m'en irai !

J’ai 15 ans, je suis arabe, j’habite à Sevran et j’ai un style vestimentaire de « racaille » d’après ce que disent les gens. Moi, j’aime juste m’habiller en survêtements. Pas pour jouer au dur, mais juste parce que c’est léger, très beau et en plus, c’est de la qualité.

À cause de ça, je suis souvent victime de contrôles discriminatoires alors que je n’ai rien à voir avec la drogue. Ça m’arrive au moins une fois par mois depuis que j’ai 13 ans. Comme la dernière fois quand on a croisé la police avec un ami alors qu’on partait à la boxe avec un gros sac.

Dès qu’ils nous ont vus, ils sont descendus de leur voiture et ils ont plaqué mon pote au sol. Je leur ai expliqué que c’était juste l’équipement de boxe. Quand ils ont vu l’intérieur du sac ils ont eu la rage, car ils pensaient vraiment qu’on transportait de la drogue… Je pense qu’ils étaient sûrs d’eux parce qu’on était arabes, en survêtements et qu’on avait un gros sac.

Moi, je ne changerai pas mon style vestimentaire et je n’aurai jamais peur de la police. J’habite dans la cité des Beaudottes à Sevran depuis que je suis petit et la police y rôde toujours le jour. Ils tournent juste, ils contrôlent personne : ils observent pour montrer qu’ils surveillent.

J’ai refusé de vendre de la drogue, ça sert à rien

J’habite peut-être dans une cité très dangereuse mais c’est pas pour autant que je fais partie de ceux qui vendent de la drogue. On a déjà essayé de m’envoyer donner la drogue pour la première fois il y a deux ans. Je marchais avec un pote à moi, j’ai croisé un gars qui m’a dit : « Tiens prends ça mon gars et donne le à ce gars là-bas. » J’ai répondu : « Non, je peux pas là, je suis occupé. »

De toute façon, que je sois occupé ou non, je n’aurais pas accepté puisque si j’accepte, ils prennent la confiance avec toi et après, ils te demandent tout le temps. Ils ont recommencé à me demander une autre fois. J’ai dit non et ils ont pas cherché, ils menacent pas. Je préfère pas rentrer là-dedans, c’est que des problèmes, que ça soit dans ta vie ou avec la police !

Sortir de la cité et fonder un foyer

Aujourd’hui, je suis en lycée pro. J’aimerais bien être technicien ou créer une entreprise dans l’électricité. Dans tous les cas, je resterai pas à Sevran. La cité, c’est nul : y’a rien à faire du tout. Tu peux pas chercher de bon travail, acheter dans de bons centres commerciaux. Et dans la cité, t’as des problèmes avec les voisins, les bruits tout le temps.

Pour Wall aussi, la tentation a été grande. Mais, plutôt que de dealer, il a choisi d’étudier.

Mais j’aime bien ma cité parce qu’il y a mes potes avec qui je sors. Je vais à Paris Nord, le centre commercial d’Aulnay : je mange à O’Tacos, j’achète des habits. Mais quand tu traînes, c’est lassant. J’y vais que quand je sais que je vais manger ou acheter là-bas. J’aime bien faire ça avec les potes : ça me sort de la cité.

Aux Beaudottes, je m’en fous des autres personnes. Je connais que mes potes. Là où j’habiterai, j’aimerais au moins que ce soit une résidence privée où les gens se connaissent. Je pourrais aller à Tremblay, dans le 95, le 94… ou sortir de l’Ile-de-France, à Lyon, pas trop loin tant que je vis bien ma vie tranquille et tout. J’ai envie d’avoir une famille, une femme, des enfants dont je serai fier.

 

Afif, 15 ans, Lycéen, Sevran 

Crédit Photo © Bac/Millimages // Lascars (film 2009)

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2 réactions

  1. Tu as tout compris, bravo tu feras un bon pere de famille avec des valeurs comme ca.

  2. Yep. Beau message. Les études, c’est comme le taffe : ça paye, sauf quand on lâche avant la fin du mois ! Faut s’accrocher, en faisant ça en général on est pas riche de billets à 25 ans, mais on l’est avec sa famille à 60.

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