Effacer mon accent pour effacer leurs moqueries
Cette année, lors de mon premier cours d’EPS, j’étais avec des gens de ma classe. Quelqu’un a dit à son ami : « Wesh, on dirait qu’elle a un accent congolais… » J’étais à côté. J’avais honte, et je me trouvais nulle. Je suis devenue encore plus timide, j’avais peur de parler devant les autres.
Cela ne fait pas longtemps que je suis en France. Je suis moldave-roumaine, arrivée ici en juillet 2020. J’ai été scolarisée dans un établissement avec une classe d’UPE2A (unité pédagogique pour élèves allophones arrivants). J’ai été dans cette classe durant six mois. Le temps que, d’après mes professeurs, j’aie suffisamment appris le français pour qu’on puisse m’intégrer dans une classe ordinaire avec les autres élèves de mon âge, en quatrième.
« Tu ne sais pas bien parler français »
Lors de mon intégration, je n’ai pas beaucoup pris la parole. Je n’aimais pas me faire remarquer à cause de mon accent. On m’avait déjà dit qu’il était bizarre et qu’on ne comprenait pas bien quand je parlais. J’avais peur de me tromper.
Il y a environ deux mois, la professeure d’éducation musicale a demandé à la classe, pour un devoir, de nous enregistrer en lisant des lettres des Poilus (des soldats de la Première Guerre mondiale). Je lui ai demandé si je pouvais être dispensée de ce devoir car j’avais honte de mon accent. Elle m’a encouragée en me disant : « Ne te laisse pas bouffer, ce sont juste des jaloux parce qu’eux-mêmes n’y arrivent pas. » Elle a réussi à me faire changer d’avis et je lui ai envoyé l’enregistrement demandé.
Mais il y a quelques jours, j’étais dans la cour du collège avec mes amis. Et un ancien camarade de quatrième m’a interpellé pour me dire : « Eh, tu sais pas bien parler français, on a écouté ton enregistrement en classe. » Lorsque j’ai entendu cela, j’ai eu honte et j’ai commencé à pleurer.
J’aimerais effacer mon accent
J’ai parlé de ce qu’il m’est arrivée à une amie ukrainienne, ayant un accent comme moi. Elle m’a dit qu’elle s’était aussi fait discriminer à cause de cela et qu’elle avait reçu des remarques comme : « T’as un fort accent russe » ; « Ton accent il est moche. » Elle m’a dit qu’elle se sentait humiliée à cause de ça, mais qu’elle ne se laissait pas faire et qu’elle essayait de travailler dessus. J’ai pu constater que je n’étais pas la seule à être confrontée à ce type de discrimination et je veux que cela s’arrête, car ces commentaires nous font perdre confiance en nous. À cause de ces personnes, nous nous sentons rabaissés et nous avons honte.
Issue de quartier populaire, Yasmine est fière de ses cultures et de son argot. Même s’ils lui valent une stigmatisation qu’elle ne tolère plus, et que sa manière de parler est souvent mal vue.
Cependant, j’ai eu la chance d’avoir des vrais amis et des bonnes personnes auprès de moi qui me parlent et qui m’aident à dépasser cette difficile période de ma scolarité. Ils m’ont fait comprendre que mon accent n’est pas une différence sur laquelle je devrais complexer, mais qu’elle fait ma personnalité et mon charme.
C’est encore difficile pour moi « d’accepter » mon accent. C’est encore quelque chose qui me pénalise. Je me sens coupable de ne pas pouvoir parler comme ceux qui parlent correctement avec le bon accent français. J’aimerais effacer mon accent car je ne me sens pas à l’aise quand je parle, et pour ne plus recevoir des remarques blessantes.
Félicia, 14 ans, collégienne, Paris
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