Bafo 01/12/2021

En prison, la muscu m’a sauvé

tags :

Plus qu'un moyen de soulager son ennui en prison, le sport a radicalement changé le quotidien de Bafo.

En prison, le sport c’était le seul truc qui pouvait me soulager. Avant de rentrer, je faisais cent-cinq kilos et jamais d’exercice. J’ai commencé le sport quand je suis allé dans l’étage « régime ouvert », après quatre mois en détention. À cet étage, j’ai vu des gens faire de la muscu. J’ai compris qu’il fallait prendre soin de soi, que je ne pouvais plus rester à rien faire.

Avant, j’avais la vie facile. Je ne travaillais pas, j’avais de l’argent sale. J’ai passé dix-sept mois en prison et ça m’a traumatisé. J’ai perdu beaucoup : mon appart, ma copine. Ce qui m’a motivé aussi, c’est des choses que j’ai entendues à la télé, dans les séries. La muscu, on s’y est mis avec les collègues, petit à petit.

Et puis je m’y suis mis aussi tout seul. Dans ma cellule, en promenade, tous les jours. Je faisais des pompes, des abdos, ça durait plusieurs heures jusqu’à ce que je sois fatigué. Le sport a pris beaucoup de place. Il n’y avait rien d’autre à faire. Je me levais le matin, à 6 heures tous les jours, et je n’avais rien à faire. Tu dors avec tes problèmes dans la tête, alors tu te lèves tôt. En plus, avec le Covid, pendant le premier confinement, ils avaient tout fermé : plus aucune activité, plus d’école, plus de travail à l’atelier.

Depuis la prison, j’ai des gros bras musclés

Quand j’étais énervé, je passais ma colère comme ça. J’ai dû perdre vingt kilos. Il y avait un petit miroir dans ma cellule. J’ai vu mon corps changer. Maintenant, j’ai des gros bras musclés.

Gwadaï raconte son quotidien en prison dans notre série « Longues peines, séjours sans fin ». Loin de chercher à remplir son temps, il raconte avoir appris à le perdre.

Depuis que je suis sorti, je n’arrive pas à parler aux gens. Je ne suis plus habitué, mais certaines personnes ont été surprises en me voyant et j’ai plus confiance en moi. Et oui, je dois recommencer à zéro mais je suis sorti plus motivé, plus déterminé.

Je continue le sport, je vais à la salle tous les jours, du lundi au samedi, pendant trois heures. Ça me soulage, ça me fait réfléchir. Je n’ai pas fait tant d’efforts pour arrêter maintenant.

Bafo, 23 ans, en formation, Brest

Crédit photo : Unsplash // CC Karsten Winegeart

 

L’ennui en prison

Une minorité de détenu·e·s a accès aux activités

À cause de la surpopulation carcérale, il n’y a pas assez d’activités pour chaque détenu·e. Résultat : l’immense majorité des personnes incarcérées passe plusieurs mois sur liste d’attente avant de pouvoir occuper quelques heures de leur journée.

La France est à la traîne

Contrairement à d’autres pays de l’Union européenne, la France ne demande aucun minimum d’activités dans les prisons. La loi suédoise impose par exemple de proposer au moins six heures d’activités par jour dans ses établissements pénitentiaires.

En prison, l’ennui et l’isolement tuent

En France, le taux de suicide est six fois plus élevé en prison que dans le reste de la société. Plus les détenu·e·s sont privé·e·s d’activités et de vie sociale, plus les chiffres augmentent. À l’isolement par exemple, le taux de suicide double selon l’Observatoire international des prisons (OIP).

Partager

1 réaction

  1. Je trouve courageux de faire ce que vous faite, je vous comprends vu que mon fils ça fait 1 an qu’il est en détention. Au début c’est très dure mais pas le choix d’attendre pour pouvoir sortir un jour. Ce qui fait mal c’est au moment des fêtes, c’est très frustrant d’être privé de tout. Je vous souhaite beaucoup de courage et un jour vous ressortirai libre.

Voir tous les commentaires

Commenter