Dès 9 ans, je suis tombée dans l’engagement
Mon envie d’engagement s’est déclenchée au milieu de mon salon, entourée d’une équipe de rugbymans remplis de bière et qui rient trop fort. Aujourd’hui, je suis volontaire dans une médiathèque. J’anime et je construis des ateliers autour des médias et de l’information, bien loin des maillots et des crampons. Mais si je me suis engagée, ils y sont pour quelque chose.
Quand j’étais enfant, ma mère était bénévole dans une association de parents d’élèves, le Sou des Écoles. Ils organisaient des kermesses, le carnaval et d’autres événements dans ce genre. Je la suivais à presque toutes les réunions. Alors, je sais, vous vous dites : « Une enfant dans ce genre de réunion, elle devait être infernale. » Eh bien, en fait non (bon, j’ai quand même dû être dissipée une fois ou deux) : j’adorais ça et j’étais même contrariée de ne pas pouvoir participer plus. Ce qui est tout à fait légitime à 9 ans ! Attention, je n’étais pas complètement inutile : je pense que ma mère et ses amies n’ont jamais eu aussi bonne commis de cuisine que moi quand il fallait faire des dizaines de gâteaux pour les stands sur les kermesses. Comment savoir si ce n’était pas empoisonné sans une goûteuse hors pair telle que moi ? J’avais le meilleur rôle.
J’ai commencé à aider à la buvette des matchs de rugby de mon village
Au collège, le club de rugby où jouait ma mère était parfois mon endroit préféré. Tous les dimanches, il y avait match et, peu importe le résultat, il y avait toujours une troisième mi-temps, la plupart du temps chez nous. On avait une grande maison avec une salle à manger tout en long, largement capable d’accueillir une équipe de rugby affamée et assoiffée. Je me souviens de l’odeur des gamelles de pâtes à la crème et aux trompettes chanterelles (soigneusement ramassées par nos soins) qui embaumait toute la maison. Ce sont ces moments-là que je préférais, et quand on gagnait bien sûr. Mais au moins, les pâtes, on était sûres d’y arriver chaque semaine. L’ambiance était vraiment familiale : j’avais plein de grands frères, en plus de ceux que la nature (et mes parents) m’avaient déjà donnés.
S’engager dans la vie associative avant 18 ans peut s’avérer compliqué. C’est ce qui est arrivé à Léa Moukanas, qui a décidé de créer son association dans laquelle 80 % des bénévoles ont moins de 18 ans. Elle intervient depuis à l’hôpital pour les enfants et adolescent·e·s atteint·e·s de cancer.
Vers mes 12 ans, j’ai commencé à aider à la buvette pendant les matchs. Il y avait beaucoup de bières bien sûr, mais j’y ai aussi appris à connaître les personnes qui m’entouraient. De véritables liens se créaient même s’ils ne duraient, pour certains, que le temps de remplir une pinte à la pression. Devant ce minuscule chalet en bois, en préparant des hot-dogs, j’écoutais ces échanges, ils étaient tellement variés, intergénérationnels et même entre supporters adverses. Le rugby avait ce pouvoir fédérateur qui m’a toujours passionnée. Avec le temps, j’ai compris qu’il n’y avait pas que le sport qui avait cette magie.
Les manifestations et les slogans sont entrés dans ma vie
Ce sentiment d’appartenance, cette sensation de faire partie de quelque chose, d’un mouvement et d’être utile, je l’ai retrouvé dans l’engagement. Tout comme ces moments d’échanges.
Je suis partie en internat au lycée. Là-bas, j’ai développé mon militantisme, j’ai pris mon indépendance par rapport à ma famille et découvert de nouvelles luttes auxquelles j’ai pris part « naturellement ». Je me suis renseignée sur le féminisme, sur les droits sociaux et sur les droits de la communauté LGBT. J’ai compris comment on pouvait lutter pour ces derniers, pour faire entendre nos voix. Les manifestations et les slogans sont entrés dans ma vie. C’était des endroits de rencontres et d’apprentissage, je partageais le cortège avec une multitude de personnes passionnées qui m’apprenaient autant que le cours d’histoire séché pour y aller.
Puis, j’ai compris que mes endroits préférés étaient les lieux culturels : les salles de concerts, les festivals, les théâtres, les cinémas, les musées. Une fois mon bac en poche, j’ai continué mes études dans la culture et dans les médias. Je suis partie à l’autre bout de la France, à Toulouse, j’ai dû me reconstruire un entourage, qui était moins engagé, même si on ne manquait pas une seule marche pour le climat et pour d’autres causes qui nous tenaient à cœur, comme les droits des femmes.
J’ai trouvé l’engagement qui me correspond
Entre la vie culturelle toulousaine et moi, ça a été le coup de foudre. Aujourd’hui, avec mon volontariat à la médiathèque de Lyon, j’ai compris que ce n’était pas de la vie culturelle toulousaine dont j’étais amoureuse, mais de la vie culturelle tout court. J’ai trouvé l’engagement qui me correspond : rendre la culture et l’information accessibles et présentes dans le quotidien de tout à chacun car, moi, c’est aussi grâce à cela que je me construis.
Il n’y a pas d’âge pour s’engager. Chloé a commencé à se battre pour l’écologie à 23 ans lorsqu’elle travaillait comme nageuse sauveteuse sur les plages de son enfance.
Mais, quelques fois, au milieu des livres, je me surprends, avec en bouche le goût des gâteaux au chocolat des kermesses de mon enfance, à sentir l’odeur de la bière et de la sueur des bords de matchs et à entendre, dans un coin de ma tête, des slogans chantés à l’unisson.
Lalou, 21 ans, volontaire en service civique, Lyon
Crédit photo Unsplash // CC Alex Motoc