Étienne H. 30/11/2020

Étudiants étrangers, on a dû se mobiliser pour étudier

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Il a bien cru ne pas pouvoir renouveler son titre de séjour à temps... Quand, le 20 novembre, il a reçu une attestation de renouvellement faisant office de récépissé, ça a été un soulagement ! Mais il a quand même fallu une longue mobilisation...

Depuis le premier confinement, le renouvellement des titres de séjour pour nous, étudiants étrangers, est devenu un chemin de croix. Et qui dit titres de séjour non-renouvelés dit aussi précarité. Alors depuis quelques semaines, les étudiants étrangers se sont mobilisés afin de faire bouger les choses.

Dès mars dernier, la plupart des étudiants étrangers se sont heurtés aux préfectures fermées : il n’était pas possible de renouveler son titre de séjour, d’où la décision de les prolonger de quelques mois. Par la suite, nous avons appris et salué la décision de la préfecture de mettre en place une plateforme en ligne afin de dématérialiser et faciliter les démarches de renouvellement : ANEF-séjour. Sauf qu’elle a plutôt un effet contraire !

La mise en place du #EtrangerSejour sur Twitter

Je suis en M2 Information – Communication. Je viens du Burkina Faso et suis arrivé en France en septembre 2017. J’ai voulu anticiper en faisant ma demande de renouvellement fin septembre sur la plateforme. J’attendais, comme les années précédentes, un récépissé. J’ai juste reçu un accusé de réception : « Ce document constitue la preuve de dépôt de votre demande. Il ne constitue pas une preuve de régularité du séjour et ne permet pas l’ouverture de droits associés à un séjour régulier. Vous serez informé(e) de l’avancement et de la suite donnée à votre démarche par un courrier électronique vous invitant à vous connecter à votre espace personnel. » Le message ne souffrait d’aucune ambiguïté.

Renouveler son titre de séjour, c’est plus que la galère, et les conséquences pour nous sont terribles.

 

La situation à laquelle est confronté Etienne est la même qui est vécue par des milliers d’étudiant.e.s étranger.e.s en France. A la Cité Universitaire de Paris, un état d’urgence sociale s’est mis en place en novembre 2020.

 

Ça a conduit au lancement d’une pétition et la mise en place du #EtrangerSejour sur Twitter. J’ai signé la pétition « Prolongation titre de séjour et meilleure prise en charge demande de renouvellement » et j’ai également tweeté pour partager mon avis sur notre situation. Après mon tweet, j’ai reçu des réponses d’encouragement. J’ai également partagé le hashtag avec d’autres étudiants, même ceux qui n’ont pas pour le moment eu de problèmes de renouvellement. Et plusieurs se trouvent dans des situations très compliquées.

Sans titre de séjour, j’aurais perdu mon emploi d’étudiant

Ma voisine a effectué ses démarches fin août, mais cela reste sans suite jusqu’à présent. Son entreprise attendait son titre de séjour pour l’engager pour un contrat d’alternance. Il y a deux semaines, l’entreprise lui a adressé par courrier une lettre lui signifiant qu’elle ne pouvait plus l’attendre. Une de mes compatriotes a été licenciée de son job d’étudiant qui lui permettait de subvenir à ses besoins.

Un pote m’a dit que sa collègue avait appelé sa préfecture. Ils lui ont dit que son appel ne pouvait pas faire bouger les choses. Elle a dû elle-même demander un mail pour avoir une trace écrite afin de convaincre son employeur de la garder quelque temps en attendant l’obtention d’un récépissé.

Sans titre de séjour, j’aurais perdu mon emploi d’étudiant, coordinateur de Shift, qui est d’ailleurs ma seule source de revenus. Pour quelqu’un qui a perdu ses deux parents il y a quelques années, les conséquences auraient été vraiment lourdes. Depuis le lycée, je paie mes études et je suis sans aide. Pour les étudiants étrangers, dès le moment où ton titre expire, les allocations familiales sont automatiquement suspendues. Dès lors, ta vie prend un sérieux coup, car sans un titre de séjour valide, plus d’allocations familiales, plus d’emploi, car ton employeur te suspend automatiquement, et le comble : le bailleur, surtout pour nous qui habitons dans des résidences, te met à la porte. Tu vis dans l’illégalité et, en cas de contrôle, tu risques d’être expulsé du territoire français.

Je me suis demandé si elle était vraiment sensible à nos doléances

Le 10 novembre, j’ai vu le tweet de madame la ministre Marlène Schiappa et j’ai pensé que ce serait sans doute une réponse à cette mobilisation :

 

 

J’ai cru que c’était un nouveau lien pour nos démarches et avoir des réponses plus rapidement. J’ai essayé de créer un nouveau compte, mais en réalité c’était le même lien. Je me suis demandé si elle était vraiment sensible à nos doléances. L’accusé de réception que j’ai reçu est clair et totalement en contradiction avec son tweet.

J’ai finalement reçu l’attestation de prolongation d’instruction de renouvellement le 20 novembre, et je l’ai directement transférée à mon employeur.  Je n’ai pas de preuves tangibles, mais j’ose croire que cette mobilisation a permis de faire bouger les choses et qu’elle a entraîné la réaction de la part du Ministère. Quand je l’ai reçue, j’étais heureux. Très vite, j’ai pris contact avec deux camarades qui étaient dans la même situation et heureusement, ils l’ont aussi reçue.

Cela fait des mois que Nassaire demande à renouveler son titre de séjour pour continuer à étudier en France en toute légalité, mais la préfecture reste sourde à ses appels. Aujourd’hui, il se retrouve en grande précarité puisqu’il a perdu son emploi et ses APL.

Un jeune homme noir à lunettes, assis à une table, remplit un papier.

Je ne m’inquiète plus pour ça, mais les angoisses ne finissent jamais dans la vie : cette attestation vient m’ôter une épine du pied mais d’autres épines demeurent, comme celle de trouver un stage afin de valider le M2 et du travail à la fin du master. Je ne sais pas si c’est en raison de la crise sanitaire, mais je n’ai pas trouvé de stage en 2019 et en 2020, et je suis toujours en recherche. Ce qui ne fait qu’augmenter mon angoisse. Je ne pourrai donc soutenir mon mémoire qu’en juin 2021.

Je sais que la France fait beaucoup d’efforts pour les étudiants étrangers et pour les étudiants en général, mais faire traîner nos dossiers nous prive des différentes aides dont nous bénéficions et nous pénalise dans nos études.

Étienne, 28 ans, étudiant, Vitry-sur-Seine

Crédit photo Unsplash // CC Surface

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