Joseph C. 06/01/2022

Dans ma famille, le sexe, c’est tabou

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Avant les cours de SVT au collège, personne n’avait jamais parlé de sexualité à Joseph. Ce qui lui a valu des moqueries douloureuses.

Je me souviens des traditionnels cours de SVT sur la reproduction en quatrième… Mon professeur était très sympathique et captivait l’attention. C’est un peu lui qui m’a réellement fait comprendre comment tout cela fonctionnait. Ce premier cours était gênant pour tout le monde, mais les gens étaient respectueux, car ce qui nous était présenté expliquait la réalité de façon factuelle, et cela n’avait rien de choquant.

Tout un monde inconnu

J’écoutais et j’apprenais tout ce monde qui m’avait été caché. Bien qu’un peu gêné la première fois qu’on m’a parlé de sexe en cours, j’étais malgré tout curieux, et content d’enfin savoir tout ce que j’avais raté. Je me suis surtout questionné sur le fait que jamais cela n’avait été évoqué à la maison.

Je suis né dans une famille catholique pratiquante. Pas comme on peut imaginer (le cliché d’une famille nombreuse et bourgeoise dans un château), mais simplement une famille de quatre enfants, stable et heureuse.

Mes sœurs ont huit et onze ans de plus que moi, donc elles ont toujours été loin. Autant par l’âge que par ce qu’elles traversaient dans la vie. Mon frère, qui a quatre ans de plus que moi, est un peu plus proche mais notre relation n’est pas fusionnelle non plus, du moins pas autant qu’avec mes amis. Et j’ai été en internat dès la seconde. J’ai donc dû apprendre à me débrouiller seul, sans ma fratrie.

J’ai subi les conséquences de mon ignorance sur le sexe

Mes parents s’aiment. J’ai reçu d’eux toute l’éducation qu’il fallait et j’en suis très content, mais il manque un truc. Je pense que la religion y est pour quelque chose, mais qu’il y a d’autres raisons. On ne m’a pas parlé du sexe au début de mon enfance, et je trouve cela très normal. Cela peut être vu comme quelque chose de sale et choquant pour un enfant. Je ne demandais pas qu’on me parle franchement de tout ça en face à face, mais évoquer le sujet à partir d’un certain âge aurait pu être enrichissant. À cause de cela, j’ai subi les conséquences de mon ignorance.

En particulier au collège. J’ai pu entendre parler de sexe au détour d’une discussion entre copains et on me charriait beaucoup sur des mots ou des pratiques que je ne comprenais pas. Je me sentais à l’écart de certaines conversations. Je me souviens en particulier du mot « puceau » qui m’avait troublé car il était inconnu pour moi. Cela m’a valu des moqueries. J’ai aussi subi des insultes, et le harcèlement qui va avec.

Dernier de la famille, surprotégé par mes parents

Le sexe est un sujet tabou. Alors que je communique beaucoup avec mes parents sur ma journée, mes activités, les choses que je vais faire… Moins sur mes sentiments et mes pensées. Je suis naturellement calme donc j’ai tendance à garder mes émotions pour moi. Et je pense que c’est pour cette raison que je n’ai jamais avoué ce que je pensais de tout cela à mes parents. Ils sont très attentionnés envers moi, d’autant plus que je suis le dernier de la famille, mais cette « surattention » s’est parfois transformée en surprotection, et j’ai été tenu à l’écart de certaines vérités.

À défaut de pouvoir parler librement de sexe à des adultes, Posty fait son éducation sexuelle grâce aux expériences de ses potes. Même si un·e sexologue au lycée, ce serait mieux…

Capture d'écran d'un article titré "mes potes font le taff d'un sexologue", capture d'écran d'une scène de la série Sex Education sur laquelle on voit deux jeunes hommes assis l'un en face de l'autre en train de discuter.

Les années suivantes, à partir de l’expérience douloureuse du collège, j’étais moins ignorant et je me suis forgé moi-même. J’ai aussi assumé autour de moi le fait de ne pas tout savoir, ce qui a contribué à me faire respecter. Maintenant, avec mes études, je suis parti de la maison.

Cela réduit encore plus la possibilité de leur parler de mes sentiments de tous les jours, et ma vie dépend de moins en moins d’eux. Je vis aujourd’hui sans complexes, mais je souhaite que cela ne se reproduise pour personne. C’est pour cette raison que je serais d’autant plus à l’écoute si un jour, j’ai à transmettre mon expérience à mes enfants.

 

Joseph, 20 ans, étudiant, Marseille

Crédit photo Pexels // CC cottonbro

 

Réinventer l’éducation sexuelle

Les enfants sont exposé·e·s à la sexualité

Avec internet, les enfants ont de plus en plus tôt accès à des contenus sexuels, notamment via les réseaux. Un tiers d’entre elles et eux ont été exposé·e·s au porno avant 12 ans, et la plupart ont été choqué·e·s. Il est donc urgent de leur parler de sexualité sans tabou, en famille comme à l’école.

La société évolue… mais pas l’école

Les générations passent, et les adultes sont moins attaché·e·s à la hiérarchie familiale et scolaire qu’avant : il est donc plus facile de parler de sexualité aux jeunes. Malgré ça, seuls 11 % des lycées remplissent leurs obligations en matière d’éducation sexuelle.

L’école reproduit les rapports de domination

À l’école, l’éducation sexuelle est centrée sur la reproduction, la sexualité masculine et les relations hétérosexuelles. S’informer sur Instagram, TikTok ou Netflix, c’est aussi avoir accès à une éducation sexuelle plus inclusive et qui déconstruit les stéréotypes.

Voici une liste (non exhaustive) de ressources inclusives et bienveillantes pour prolonger sur le sujet :

Les mini-séries et documentaires de France Télé : Sexy Soucis, Option éducation sexuelle, Sexo Tuto

Le livre Le sexe et l’amour dans la vraie vie de Ghada Hatem-Gantzer et Clémentine Du Pontavice

Le Petit Manuel Sex Education et le jeu de cartes en complément, édités par Netflix

Les comptes Insta : @jemenbatsleclito, @mashasexplique, @sexysoucis, @jouissance.club, @gangduclito, @lafaqdecamille

Les chroniques de Maïa Mazaurette sur Quotidien et dans Le Monde.

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