Célia K. 03/07/2024

Footballeuse pro : rêve brisé

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Nul doute que le parcours pour devenir footballeuse professionnelle est redoutablement sélectif. Célia l’a expérimenté.

Ça y est, nous sommes à Reims pour l’interligues. Nous allons, en équipe, affronter des filles venues d’autres régions. Ces matchs sont décisifs car, à chacun d’entre eux, nous jouons sous l’œil attentif des sélectionneurs. À l’issue de l’interligues, ils élaboreront une liste sur laquelle figureront les noms de joueuses choisies pour passer les prochaines étapes de sélection. Le point culminant est d’entrer au pôle espoirs, une structure accueillant des jeunes joueuses pour les préparer au monde du haut niveau. J’ai trois jours pour montrer de quoi je suis capable et être sur cette liste.

Nous sommes sur le terrain pour notre premier match. L’échauffement est terminé. Je sens le stress qui monte en moi. J’ai les jambes qui tremblent. C’est le moment de tout donner. Cela fait des années que j’attends ce moment décisif. Jusqu’ici, j’ai passé toutes les étapes sans trop de difficultés, mais il ne faut pas relâcher les efforts. Le plus gros reste à faire. Le coup de sifflet retentit, c’est parti. J’essaie de rester concentrée mais c’est compliqué, je sens les regards des sélectionneurs se poser sur moi. Ils ont mon destin entre leurs mains.

Dernière chance pour les sélections

Sur le terrain, j’essaie de tout donner, mais rien n’y fait : les filles en face sont bien plus fortes, nous ne faisons pas le poids. J’essaie de me démarquer, mais je n’ai que très peu le ballon. À peine l’ai-je dans les pieds qu’il est déjà dans ceux de l’équipe adverse. Le sifflet retentit. Fin du match.

Je suis dégoutée. Je n’ai pas réussi à montrer de quoi je suis capable. Mais je ne perds pas espoir, il reste d’autres matchs. Trois jours plus tard, l’interligues est finie. Nous sommes dans le car du retour et le verdict tombe : aucune des filles de l’équipe de Picardie ne figure sur la liste. Silence dans le car. Je me repasse chaque match dans ma tête. Les sélectionneurs nous informent que si des filles veulent avoir une chance de repartir à l’interligues, il faut qu’elles entrent en section sport-études l’année suivante.

En première, je m’inscris en sport-études. C’est la dernière année où je peux faire des sélections. Après, je serai trop vieille. Le comble pour une jeune fille de 15 ans ! Hélas, je ne suis pas sélectionnée. En un instant, mon rêve de devenir footballeuse professionnelle se brise.

Lorsque j’ai commencé à jouer, je ne m’imaginais pas pouvoir le devenir un jour, tant ce métier ne s’accordait pour moi qu’au masculin. L’idée d’en faire mon métier s’est formulée peu à peu, en même temps que je commençais à faire des sélections pour entrer dans le monde du football féminin de haut niveau. Je dois maintenant effacer cette idée de mon esprit. La terminale approche à grands pas. Je ne sais plus ce que je veux faire plus tard. Je dois trouver un autre métier.

Choisir entre sport et études

Bac en poche, je fais ma première rentrée en classe préparatoire littéraire. J’y vais sans me poser trop de questions. Les gens ont des intérêts différents des miens, ils s’expriment d’une certaine manière et ils lisent des livres, ce qui n’est pas une pratique véritablement valorisée par le monde du football. Les cours m’ennuient énormément, excepté ceux de philosophie.

La lourde charge de travail de la prépa impacte fortement mon temps d’entraînement. Je continue le football en parallèle, mais avec moins d’appétence. Je fais un demi-entraînement par semaine. L’année d’avant je m’entraînais tous les jours, sauf le vendredi. Le week-end, je commence les matchs sur le banc, en tant que remplaçante. Je n’ai plus le rythme. Je ne suis plus au niveau. Je vois les autres progresser et, fatalement, me remplacer.

L’idée d’arrêter le football se formule dans ma tête. Le Covid arrive. Cet arrêt forcé me fait prendre conscience que j’ai envie de continuer à jouer au football et que la classe préparatoire littéraire n’est pas du tout pour moi. L’année suivante, je me réoriente en licence de sciences politiques. Cela ne me passionne pas forcément, mais cela me permet de rester dans la ville dans laquelle je pratique le football et d’avoir un emploi du temps compatible avec mes entraînements.

En deuxième année, je m’inscris aussi en licence de philosophie. Mon emploi du temps devient aussi chargé qu’en classe prépa. Je dois choisir entre la licence de sciences politiques, de philosophie et le football. À ce moment-là, je me prends au jeu des sciences politiques. Je m’y intéresse de plus en plus. Entre les trois activités, il n’y a pas de doutes : c’est la seule capable de me garantir un avenir. Mon niveau en foot a drastiquement chuté et il continue de baisser. Je ne prends plus autant de plaisir qu’avant sur le terrain. J’arrête, du jour au lendemain.

Célia, 21 ans, étudiante, Nanterre

Crédit photo Pexels // CC Jean-Daniel Francoeur

 

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