Borjan B. 20/09/2022

Mon frère en prison, c’est ma famille qu’on condamne

tags :

Borjan est allé rendre visite à son frère en prison pendant deux ans, malgré le trajet interminable et les décisions arbitraires des gardiens.

Mon frère s’est fait arrêter et a été en prison plusieurs années pour plusieurs délits. Je n’ai jamais su lesquels. Le jour où la police l’a arrêté, ils l’ont amené menotté chez mes parents. Il saignait aux poignets. Ils ont signalé à mes parents qu’il avait été pris en flagrant délit et qu’il serait jugé. J’ai toujours pensé qu’ils l’avaient ramené à la maison, et pas directement au poste, parce qu’ils étaient coupables d’une bavure en l’arrêtant trop violemment.

Après le jugement, il est rentré avec ma mère à la maison, il a pris ses vêtements, il a mis quelques affaires dans son bagage et il est parti pour la prison pour mineurs.

Je suis allé lui rendre visite avec ma mère. Après quatre heures de route, dans quatre bus différents, et après 40 minutes de marche, on est arrivés à la prison. À l’entrée, les gardiens m’ont demandé de déposer mes objets métalliques, puis ils m’ont fouillé. J’avais oublié de déposer mes clefs qui étaient dans ma poche, alors elles ont sonné au scanner. Je leur ai dit que j’allais les déposer mais ils m’ont dit : « Non, vous ne rentrez pas ! » Ils ont dit que j’aurais pu les donner à mon frère pour qu’il les utilise comme une arme. Une des gardiennes a crié : « Tu reviendras la semaine prochaine ! » Ma mère et ma sœur ont pu rentrer. Moi, j’ai dû les attendre dehors.

Des gardiens trop sévères

Finalement la gardienne du portail, qui était plus sympa que la gardienne de l’intérieur de la prison, m’a demandé pourquoi j’attendais dans le froid. Je lui ai expliqué que l’on ne m’avait pas laissé rentrer à cause de mes clefs. Elle m’a dit que les gardes avaient été trop sévères. Elle m’a proposé de me mettre au chaud dans une pièce où elle était en train de jouer aux cartes. Ils étaient sympas, ils m’ont proposé des gâteaux et à boire. Puis, on est rentrés à la maison par le même long trajet, et ma mère a croisé ma tante qui allait aussi rendre visite à son fils à la prison. Elles n’avaient pas eu la bonne idée de faire le trajet ensemble !

Les parloirs ont abîmé la relation d’Ahmed avec ses enfants. C’est grâce aux unités de vie familiale qu’il a pu renouer avec eux. Un épisode de notre série de témoignages de détenus.

Capture d'écran de la miniature de l'article "Le parloir c'est frustrant, surtout pour mes enfants". Le dessin d'illustration représente les retrouvailles d'une famille séparée par la détention. Un homme, une femme et un enfant se serrent dans les bras.

Quand je rendais visite à mon frère, ça ne durait que cinq ou dix minutes, deux fois par semaine. Pour moi, c’est inhumain de pouvoir parler aussi peu de temps, et de subir tant d’absence. Je me sentais mal pour mon frère. Cette justice n’en est pas une : c’est comme si, nous aussi, on s’était fait condamner et qu’on était interdits de voir nos proches. Les peines pour mineurs sont trop longues ! Mon frère est revenu après deux ans, il venait tout juste d’avoir 18 ans. J’espère qu’il n’aura pas à revivre ça.

Borjan, 15 ans, lycéen, Marseille

Crédit photo Hans Lucas // © Simon Guillemin – Entrée des familles pour le parloir. Fresnes, France, le 22 Janvier 2018

Partager

Commenter