Illies T. 10/11/2021

Je dois faire semblant d’être hétéro

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Illies attend sa majorité pour enfin ne plus avoir à cacher son homosexualité en famille. En attendant, il fait semblant d'aimer les filles.

Parfois, il faut dire ce que les gens veulent entendre pour se sortir des pires situations, même si tu mens. Quand j’ai dit à ma mère que j’étais gay, j’ai dû lui dire que j’allais changer. Pour éviter d’avoir plus de problèmes, qu’elle le dise à mes frères ou à mon père, qu’elle m’emmène chez un psy ou je ne sais où. Je pense que mes frères seraient capables de me frapper pour ça.

J’ai promis que j’allais changer pour éviter que ça me porte préjudice

Ce jour-là, j’ai essayé d’en parler avec elle en rentrant des cours. J’étais très mal donc je l’ai sollicitée. Je lui ai expliqué que j’étais gay et que ça ne changerait rien, que je n’allais pas mettre du vernis, me maquiller ou je ne sais quoi (pour la rassurer). Ça a fini en pleurs, elle se demandait ce qu’elle avait fait pour ça. Elle voulait « éviter l’enfer éternel » à son fils, car l’homosexualité est pour elle l’un des pires péchés religieux.

Elle a réussi à me faire douter du bien-fondé de mes sentiments, de leur normalité, bref de moi. Elle m’a dit que l’homosexualité n’était en rien naturelle, que c’était un effet de la société et que c’était le diable qui m’influençait pour être gay. Elle s’est dit que c’était sa faute, parce qu’elle m’avait laissé fréquenter des gens sur internet qui ne sont pas vraiment « de bon augure », c’est-à-dire des gens ouverts d’esprit et des homosexuels (donc pas dans la religion).

Elle est partie au travail juste après avec la boule au ventre. Elle m’a dit qu’elle ne faisait que d’y penser et qu’il fallait que je change pour pas que je sois destiné à une damnation. J’ai promis que j’allais changer pour éviter que ça me porte préjudice. Je lui ai dit que j’allais me mettre à lire des textes sacrés, et que ça irait peut-être mieux.

Vivre ma vie de mec gay

Maintenant, j’attends ma majorité pour m’en aller, en faisant profil bas. Le fait d’avoir dit que j’allais essayer de me mettre sur le droit chemin l’a persuadée que j’étais sur celui du changement et que j’allais me mettre à aimer les femmes. Je fais semblant d’être quelqu’un que je ne suis pas, mais ce n’est pas une fatalité. Tu peux être toi-même auprès de tes amis, des gens à qui tu peux te confier sans qu’ils te jugent ou te forcent à changer. Tu peux vivre ta vie avec un amour conditionnel venant de tes parents (si je leur dis aux deux, je doute qu’ils m’aimeront encore).

Un jour arrivera où tu te rendras compte que les seuls avis qui comptent sont ceux des gens qui t’aiment VRAIMENT (pour ma part, mes amis). Je pense que, quand tu es dans ma situation, il faut forcément être entouré. Pas de ta famille du coup, mais de vrais amis qui peuvent être là pour te rassurer comme ils le peuvent. J’ai la chance d’avoir un bon paquet d’amis beaucoup plus vieux que moi.

Je vois leurs vies et je me rends compte que ces 15 % de ma vie que je passe à devoir « jouer un rôle » ne sont rien comparés aux 85 % de ma vie que je pourrai passer à être qui je suis, sans avoir peur d’un impact négatif sur moi. Le moment où je pourrai vivre seul, je pourrai vivre ma vie de mec gay sans avoir peur que ma famille le découvre et me fasse un scandale.

Clémence se souvient ici de l’homophobie qu’elle a pu observer au cours de ses années lycée dans un établissement catholique.

Une personne métisse de face, se remet les lunettes en place.

J’ai vraiment douté du bien-fondé de mes sentiments, de leur légitimité… Peut-être parce que c’est ma mère qui m’a dit tout ça. J’ai réussi à douter du naturel de l’homosexualité. Heureusement, j’ai eu des amis pour me rappeler que je n’avais pas à chasser mon naturel pour qui que ce soit.

Notre génération est déjà plus ouverte au monde actuel. Peut-être que la nouvelle génération de parents sera plus ouverte et plus à même de créer un environnement sain dans lequel pourront évoluer leurs enfants.

Illies, 15 ans, lycéen, Lille

Crédit photo Unsplash // CC krunal mistry 

 

Famille et coming-out

Seul·e un·e Français·e sur deux réagirait bien au coming-out d’un·e proche

48% des Français·e·s déclarent qu’ils ou elles réagiraient mal, ou qu’ils ou elles ne savent pas quelle serait leur réaction. Le coming-out d’identité de genre est moins bien accueilli que celui qui concerne l’orientation sexuelle.

 

Les pères acceptent moins bien le coming-out

13% des LGBTQIA+ déclarent que leur coming-out n’a pas été accepté par leur père. Les mères sont d’ailleurs davantage au courant que les pères, et elles sont parfois chargées d’en parler à leur conjoint.

 

Les ami·e·s sont plus au courant que la famille

Dans 68% des cas, les ami·e·s proches d’une personne LGBTQIA+ sont au courant de son orientation sexuelle ou de son identité de genre, alors que les frères et sœurs ne sont que 57% à le savoir, les parents 56% et les grands-parents 44%.

 

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