Harcèlement à l’école : en parler à un adulte
Un jour, ma mère entre dans ma chambre et me voit au plus mal. Je lui demande de se poser près de moi, et je lui explique ce que je ressens et ce que j’ai vécu ces derniers mois.
Tout a commencé lors de mon année de troisième. Ce n’était pas de la violence physique, mais du harcèlement moral. On me renommait souvent « tête longue », car j’ai un visage assez allongé, ou « gosse de riche », car quand mon père venait me chercher à l’école, il avait souvent la dernière voiture à la mode. J’avais souvent les derniers vêtements de marque.
Je me laissais marcher dessus jusqu’à me faire harceler, sans même le voir. Je ne disais rien par peur de me retrouver seule. Au final, je pense avoir fait l’erreur de ma vie de ne pas avoir parlé de ça plus tôt à un adulte.
Heureusement, ma mère est une personne très ouverte. C’est comme une meilleure amie pour moi. Je lui raconte tout. Elle m’a dit que tout allait s’arrêter et m’a proposé d’en parler à mon CPE. Je lui en suis totalement reconnaissante. Le lendemain, mon CPE a bien reçu le message de ma mère et est intervenu dans ma classe pour arrêter le harcèlement.
Une année de vie gâchée
Les élèves de ma classe se sont sentis mal. Comme je ne montrais aucune émotion, ils ne pensaient pas que ça me faisait du mal. À la fin du cours, ils sont venus me voir pour s’excuser. J’ai accepté leurs excuses, mais je ne voulais plus qu’ils m’adressent la parole. Cela s’est arrêté. J’ai retrouvé confiance en moi, mais je garde tout cela gravé dans ma mémoire. C’est une année dans ma vie qui a été gâchée.
Depuis, j’aide les personnes qui sont victimes de harcèlement en leur racontant mon histoire. Pour leur servir d’exemple. Les gens peuvent être mauvais sans même le savoir. Il faut en parler à un adulte et ne pas garder cela pour nous. Le harcèlement ne reflète pas qui vous êtes, mais qui sont les harceleurs.
Jade, 14 ans, lycéenne, Toulon
Crédit photo Pexels // CC Photo By: Kaboompics.com
« J’ai contacté un psy pour vider mon sac »
Mickaël a été victime de harcèlement au collège et au lycée. À 26 ans, il reste marqué par les violences verbales et physiques subies. En réaction au récit de Jade, il insiste sur l’importance de la parole pour combattre le harcèlement.
« Je me suis vu à travers le témoignage de Jade. Moi aussi, on m’a harcelé. Ça a commencé en quatrième, jusqu’en terminale. À cette époque, mes parents avaient pas mal de problèmes d’argent. Je n’avais pas la dernière console de jeux, pas de téléphone, ni de baskets à la mode… En plus, j’étais très introverti. Compliqué de se faire des potes quand tu n’as rien en commun avec les autres. Alors, je suis devenu le « sans ami ».
Un groupe de garçons a commencé à me cibler et la spirale du harcèlement s’est mise en place. Ça a commencé par des moqueries, des insultes. Puis les coups à la sortie des cours. Le plus dur dans tout ça, c’était la solitude. Contrairement à Jade, je n’ai rien dit à personne. Je ne voulais pas être un fardeau pour mes parents ou les décevoir.
J’ai gardé beaucoup de séquelles de ces années-là. Je n’avais aucune estime de moi, j’étais tétanisé quand il s’agissait de parler à des inconnus. J’ai même plongé dans la boulimie jusqu’à atteindre un stade qui mettait ma santé en danger. C’est à ce moment-là que j’ai eu le déclic. J’ai décidé de contacter un psychologue pour vider mon sac. Au fil des séances, j’ai réalisé que beaucoup de mes problèmes venaient de cette période de harcèlement.
Aujourd’hui, je suis guéri de mon trouble du comportement alimentaire mais j’ai encore gardé de nombreuses séquelles. Avec du recul, j’ai beaucoup de regrets sur ces années de silence. Si je devais donner un conseil à toutes les victimes de harcèlement, c’est de parler. Parlez-en à des proches de confiance, comme Jade l’a fait, ou à l’équipe pédagogique de votre établissement. Il existe également des lignes d’écoute où vous trouverez des solutions. Mettre des mots sur sa souffrance, c’est une bataille gagnée dans la guerre contre le harcèlement. Ce n’est pas normal de venir avec la boule au ventre à l’école ! Il faut briser le tabou du silence. »
Propos recueillis par Willem Foloppe
Qui contacter ?
Vous êtes victime de harcèlement ? Vous avez des craintes pour un·e proche ?
Le 3018 est le numéro unique qui traite les situations de harcèlement scolaire ou de cyberharcèlement. Des écoutant·es spécialisé·es pourront vous apporter un soutien psychologique et juridique. L’appel à ce numéro est gratuit et anonyme. Une application est également à votre disposition.
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