Haut potentiel, ce cas qu’ils ne savent pas gérer
Surdouée, enfant précoce, haut potentiel, zèbre… Tous ces termes qui changent de nom chaque année qualifient ce qu’il se passe dans ma tête. J’ai été diagnostiquée surdouée à l’âge de 9 ans. À cette époque, j’allais voir une psychologue à cause du décès de mon père. Après quelques séances, elle a suggéré à ma mère de me faire passer des tests de QI car elle avait vu une certaine maturité chez moi. Les résultats sont tombés : 130 de QI. La limite [Au-delà de 130 de QI, les personnes sont considérées comme surdouées, ndlr].
Un cadeau empoisonné
À 9 ans, être appelée « surdouée » c’est génial pour la plupart des gens. Pour moi aussi, ça l’était. Au début. On nous fait comprendre qu’on est plus mature, plus intelligent et qu’on peut nous traiter comme des adultes : le rêve pour un enfant. Cependant, on ne parle pas forcément de l’hypersensibilité, de l’anxiété et du sentiment d’exclusion qui vont avec. On ne va pas dire à une enfant qu’elle ressentira toutes ses émotions fois dix. Qu’à la moindre remarque, elle pleurera. Que son anxiété l’amènera à faire des insomnies, des crises d’angoisse ou même qu’elle aura des épisodes dépressifs. On ne dit pas ça à une enfant par peur de l’effrayer. On ne la prépare pas forcément au bordel qui va se passer dans sa tête.
Le rapport avec les autres a été assez compliqué en primaire, mais rien ne m’avait préparé au collège, là où l’enfer commença réellement. Les « symptômes » de ce qu’on appelle maintenant « enfant précoce » se montraient de plus en plus. J’avais l’impression d’être un alien perdu sur cette terre. L’anxiété commençait à prendre une large place dans ma vie.
J’ai connu les joies de ma première crise d’angoisse en cinquième, lors d’un DS de mathématiques ; matière qui m’a d’ailleurs toujours traumatisée et dans laquelle j’étais vraiment nulle. Mes résultats étaient beaucoup trop faibles et j’avais besoin de réussir à tout prix. Je voulais être la meilleure.
Voyant que j’allais totalement foirer ce contrôle, j’ai commencé à paniquer, et puis, d’un coup, plus d’air. Mon cœur battait la chamade et un tourbillon de pensées s’est formé dans ma tête. J’ai dû sortir au moins trois fois et résultat : 2/20. Heureusement, le prof m’a laissée le repasser la semaine d’après et a été extrêmement compréhensif.
150 euros à l’année
La troisième a été la pire année. J’étais partie en avril en Allemagne pour trois mois et je suis revenue en septembre, après les vacances. Ce fut une catastrophe. Je n’avais plus d’amis. J’étais tombée dans une classe où personne ne m’aimait. Ma grand-mère était décédée cet été-là et, cerise sur le gâteau, toutes sortes de rumeurs avaient tourné sur moi pendant mon absence. Vers octobre, j’ai commencé à ressentir une extrême fatigue, de tout. Fatiguée de voir des gens, fatiguée d’aller en cours et même fatiguée de ma famille.
Chaque soir, je m’endormais en pleurs, me réveillais dans la nuit en angoisse et je partais au collège le matin avec la boule au ventre. La routine s’était installée et, à ce moment-là, j’ai pensé pour la première fois au suicide. Rien ne pouvait me faire aller mieux et, pour moi, la seule solution était d’en finir avec cette vie maussade.
Quand cette situation est devenue insupportable, j’ai pris la décision d’aller voir un psy, qui me suit depuis. Je pensais que l’arrivée dans un nouveau lycée et les séances avec lui allaient remédier à ces problèmes. Pourtant, rien ne s’est passé comme prévu.
J’avais entendu parler d’une classe faite pour les personnes à haut potentiel. Je voulais m’y inscrire, mais ça coûtait 150 euros à l’année. Un prix peu exorbitant pour certains, mais étant dans un lycée privé, l’année en elle-même coûtait déjà 2 800. Je ne comprenais pas pourquoi aller dans cette classe impliquait de devoir payer plus. Comme si j’avais choisi de vivre avec ça. Être haut potentiel aujourd’hui, ça a un coût.
L’impression de couler lentement
J’ai essayé de parler de mon cas à certains professeurs, mais ils ne savaient pas comment s’adapter à mon cas, alors ils continuaient leurs cours tranquillement. Je ne peux pas leur en vouloir, car on ne peut pas s’adapter à une situation à laquelle on n’a jamais été préparé. Je me sentais encore plus exclue. Un cas particulier qu’on ne sait pas forcément gérer.
À 3 ans, Fiona a été diagnostiquée précoce. Scolarisée dans plusieurs écoles, elle a dû faire face à l’ennui, aux problèmes de coordination et d’intégration.
Avec le temps, j’ai réussi à accepter que j’étais haut potentiel, même si j’ai du mal à gérer les angoisses qui me bouffent encore la vie. Cela fait deux ans que je me bats contre elles. Un combat que j’ai toujours cru vain.
Pendant ces deux dernières années, j’ai parfois eu l’impression de couler lentement, de plus en plus profondément dans l’océan de mes pensées. Au bout d’un moment, j’ai même arrêté de me battre. J’en avais marre. J’étais fatiguée et j’avais la flemme de donner du mien. Alors je me laissais couler, entraînant souvent les gens que j’aime avec moi, car je me renfermais et ne laissais personne essayer de m’aider. Je n’arrivais plus à manger. Mais j’ai rebondi. Grâce à mon psy. Grâce à mes amis. Mais surtout, grâce à moi-même.
Léa, 17 ans, lycéenne, Villeurbanne
Crédit photo Pexels // CC Katerina Holmes
Bonjour Léa,
Je te remercie de ton témoignage et je suis de tout cœur avec toi !
Je suis Haut Potentiel également et j’ai eu un diagnostic à 24 ans et ça a été un grand choc, car j’ai enfin eu une explication de ma scolarité disons-le… particulière ^^
Je ne sais pas si ça peut te rassurer, mais ça fait maintenant 4 ans que j’ai fait le test et j’arrive à vivre à peu près sereinement, et je pense que maintenant j’ai réussi à en faire une force 🙂
Je n’ai pas encore eu l’occasion de rechercher, mais je crois qu’il y a des groupes de personnes HP à Lyon où aux alentours, peut-être que ça pourrait être une occasion pour toi d’échanger avec des personnes ayant des similarités ? Attention tout de même, il y a autant d’HP différents que de personnes 😉
Bonne continuation à toi !