Il a pris le contrôle de ma vie
En seconde, je rencontre un garçon. Il paraît incroyable. Rien à reprocher, droit dans ses baskets. Il est toujours à l’écoute. Il vérifie toujours que je ne manque pas l’école. Je suis alors loin d’imaginer que c’est seulement monts et merveilles pour me fermer les yeux sur ce qu’il se passe vraiment.
Dès les premiers mois, il me met constamment une pression. Quand je suis en cours, il m’envoie des messages toute la journée et si je ne réponds pas, il me harcèle. Je suis tout le temps stressée. Impossible de me concentrer sur quoi que ce soit.
Le soir, il vient toujours me chercher pour être sûr que je rentre bien chez moi, et surtout vérifier que je suis seule. Je le vois par la fenêtre de ma salle de cours une demi-heure avant la sortie en train de me regarder. Je le vois sourire à des filles aussi, leur parler quand j’ai le dos tourné. Malgré tout, je le pense sage.
Surveillée en permanence
Un soir, il me parle d’une histoire sur deux de ses ex, qui auraient porté plainte contre lui. Il les traite de folles, dit que tout est faux et me rassure avec des promesses bâclées. Naïve et amoureuse comme je l’étais, je l’ai cru… Il a fait de moi une marionnette.
Pendant mes vacances, il me harcèle de messages et d’appels et m’embrouille. Des fois jusqu’à 4 heures du matin. Une fois rentrée, j’apprends qu’il m’a trompée. Je lui pardonne, malheureusement.
L’année passe et l’emprise sur moi augmente. Je ne sors plus sans lui. Tous les jours, il est avec moi. Si on se dispute et que je ne réponds pas, il vient en bas de chez moi ou devant mon lycée. Je ne parle à personne de mes problèmes. Je trouve toujours des excuses pour le défendre. J’avais peur du regard des autres. J’avais peur du futur, de ce qu’il pourrait dire et faire. Et surtout de qui je pourrais être sans lui, car il m’avait appris à ne pas vivre s’il n’était pas là. Mon monde était basé sur lui. Je pensais qu’une fois partie, je ne m’en sortirais pas, que je serais seule, que personne ne voudrait à nouveau de moi.
Enfermée avec lui
Je mettais souvent des vêtements longs, pulls et jeans, pour éviter qu’on puisse voir la marque bleue de ses doigts sur mes bras. Je pleurais en cours, j’étais incapable de me concentrer, incapable de parler. Des fois, quand il venait en bas de chez moi, il restait tellement tard que je n’avais pas la force de me lever pour aller en cours le lendemain.
Il s’est fait juger pour l’affaire de ses ex. L’une a été classée sans suite pour manque de preuve et l’autre, c’était soit une semaine avec des professionnels, soit cinq ans de prison. Avec fierté, il a choisi la semaine en me disant avec un grand sourire : « Je fais cette semaine de merde et après je serai tranquille avec cette p*te. »
Suite à tout ça, à cause du stress accumulé, je me suis créée une maladie, des calculs dans la vésicule biliaire, une infection par-dessus, puis des coliques hépatiques. J’ai perdu une trentaine de kilos. Il était toujours là, à me parler, à la maison. Je pensais qu’il avait changé mais en réalité il avait juste la satisfaction de me voir seule, enfermée, à souffrir énormément. Je vomissais, pleurais, je ne pouvais pas marcher, rien avaler.
Courage et vérité
Pendant six mois, je me suis battue. Jusqu’au jour où on a enfin su ce que j’avais vraiment. Quand on m’a annoncé que j’aurais pu mourir, ça m’a fait un déclic. Je l’ai quitté. J’ai tenu bon face à ses messages, face à ses nombreux passages en bas de la maison qui ont duré pendant près de deux semaines, et surtout face à ses pleurs.
J’ai finalement eu le courage d’écrire à l’une de ses ex qu’il faisait passer pour folle, elle m’a expliqué la réalité… que ses paroles étaient montées de toutes pièces et que depuis toujours il n’était que mensonge et manipulation. Que je n’étais pas la seule à qui il mentait, qu’il avait manipulé et forcé. J’ai compris que je m’étais mentie à moi-même et qu’aucune femme ne serait en sécurité à ses côtés.
Ça m’a montré que c’était bien lui qui retournait le cerveau de tout le monde, que je n’avais jamais été folle, et que j’avais bien eu affaire à un menteur pervers/narcissique.
Tatiana est sortie avec un dealer de son quartier qui la frappait et abusait d’elle. Aujourd’hui séparée de lui, elle vit toujours dans la peur.
Il m’a pris le peu d’amis qu’il me restait et encore à l’heure d’aujourd’hui, je le croise avec eux. Pendant une période, je n’osais même plus sortir. J’ai fini par choisir d’avancer.
Aujourd’hui, je vais beaucoup mieux, j’ai retrouvé de nouveaux et nouvelles amies extraordinaires, une stabilité et ma santé. Il a tenté de revenir, mais je suis restée forte. Je peux enfin m’habiller comme je veux. Étant en bac pro mode, c’est un réel plaisir. J’ai refait de ma vie LA MIENNE. J’ai repris le contrôle de ma vie.
Blanche, 16 ans, lycéenne, Calais
Crédit photo Pexels // CC Juan Pablo Serrano Arenas