J’étais mieux dans un foyer que dans ma famille
Quand j’étais petite, j’ai toujours rêvé d’être libre.
De 5 à 9 ans, j’ai vécu dans un foyer d’accueil. Des assistantes sociales l’avaient recommandé à ma mère, car avant je vivais dans un squat où il y avait une douche pour une vingtaine de personnes. Pareil pour les toilettes. Je dormais entre les souris et les cafards.
Je vivais dans un squat parce que (d’après ce que ma mère m’a raconté) mon père ne voulait plus payer le loyer de notre maison à Ivry. On a donc fini par être expulsés et ma mère nous a conduits dans le squat où elle vivait quand elle était petite avec ma grand-mère, ma tante et mes deux oncles.
Hâte d’être dans le « monde réel »
Le foyer, on ne pouvait pas en sortir quand on voulait. Que les mercredis après-midi pour des activités extrascolaires (pour moi, c’était danse et GRS) ou pour faire des courses. Ça me rendait triste un peu, parce que quand une amie de l’école m’invitait à son anniversaire ou à une soirée pyjama, je ne pouvais pas y aller. C’était interdit parce qu’ils sont responsables des enfants du foyer !
Alors, je me disais qu’une fois que je quitterais cet endroit pour aller dans le « monde réel », je pourrais voir mes amies quand je voudrais !
À 9 ans, ma mère a réussi à devenir locataire d’un « vrai »logement. Les juges et les éducateurs du foyer l’ont inspecté pour voir si c’était un bon endroit où vivre pour moi. Et je suis donc passée du foyer à l’appart. Depuis, je ressens une forte inégalité entre mes nouvelles amies et moi. Je suis maintenant dans le « monde réel », mais je suis toujours enfermée… Et je m’amuse moins qu’avant.
À la maison, pour m’occuper de mes frères et soeurs
Je reste chez moi, je garde mes frères et sœurs et je m’occupe des tâches ménagères. Je dois aider à la maison presque tous les jours de la semaine, car ma mère et mon beau-père travaillent. Je dois aller chercher les enfants à l’école ou, quand je rentre après 18h, chez la dame qui les garde. Ensuite, je m’occupe d’eux jusqu’à ce qu’ils aillent au lit. Les weekends aussi ! La plupart du temps, je suis seule avec eux et comme mes petits sont très bordéliques, c’est difficile de garder l’appart propre.
Au final, je ne peux pas sortir avec mes amies ou mon copain, que ce soit pour les loisirs ou pour les TPE. Même faire les devoirs, c’est compliqué.
Depuis quelque temps, je sors quand même un peu pendant les vacances avec mon copain. Les semaines de cours, je mens à ma mère sur mon emploi du temps pour le voir. On va au cinéma, au resto, mais c’est toujours un peu difficile de sortir avec une autre personne que mon copain. Les journées shopping entre fille : impossible pour moi. Les soirées aussi. Au final, je regrette d’être partie du foyer. Je me suis fait trop de film, donc de faux espoirs. Si un jour on me propose de retourner au foyer, je dirais « OUI » sans hésiter.
Dory, 17 ans, lycéenne, Paris
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