Romain T. 16/10/2023

Jeune militant dans une vieille asso

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Le 15 octobre 1983 débutait la marche des Beurs. SOS Racisme est née dans son sillage. En 40 ans, l’image de l’association a évolué. En la rejoignant, Romain a surmonté ses réticences et s’est réconcilié avec le militantisme.

« Vous avez volé la marche des Beurs en 83 ! » On est dans le cortège d’une manifestation de gauche. C’est une personne plutôt âgée qui nous adresse la parole. Sauf que cette personne s’adresse à des gamins qui n’étaient pas nés en 1983. En manif, il arrive qu’on nous regarde bizarrement ou en rigolant.

Moi, j’ai 25 ans, et je suis engagé à SOS Racisme. J’ai rejoint l’asso il y a deux ans, par une amie très militante et investie dans l’antiracisme. Au début, quand elle m’a dit SOS Racisme, je me suis grave foutu de sa gueule. Elle m’a dit de venir voir. J’ai d’abord postulé à un poste de service civique.

Au départ, je n’étais pas convaincu, parce que j’avais pas une vision très positive de cette asso, même extrêmement négative. Comme tout un tas de personnes, j’avais entendu des choses. Ce serait « juste de l’antiracisme moral », une officine du Parti socialiste qui aurait « volé la marche de 1983 ». Mais j’ai fait confiance à ma pote.

Quand j’ai postulé, j’avais quelques appréhensions. Par exemple, un moment pendant mon entretien, la responsable me demande : « Est-ce que ça te dérangerait de devoir tenir les positions de l’association, qui ne sont pas forcément partagées par tout le monde, notamment par rapport au racisme anti-Blanc ? ». J’avais un peu peur de ce qu’elle allait me dire, mais elle a continué : « Nous par exemple, on ne pense pas qu’il soit exact de parler de racisme anti-Blanc, dans la mesure où cela n’existe pas comme système ». A la suite de cet entretien et de mes échanges avec les militants de l’association, j’ai rapidement été rassuré par rapport aux lignes de l’asso.

Nos générations se complètent

Certains voient l’asso comme ringarde. Pourtant, elle se renouvelle au fur et à mesure grâce à ses militants. Il y en a de très jeunes. La présidente du comité de Marseille a 20 ans, la vice-présidente de l’asso a 21 ans. Après, il y a des figures qui nous paraissent aujourd’hui infréquentables, comme Julien Dray, qui est l’un des membres fondateurs mais qui est aujourd’hui sur CNews.

Il y a des militants plus anciens, des fondateurs qui gravitent autour, et des militants plus jeunes. Il y a parfois des petites divergences dans la stratégie. Mais en réalité, il n’y a pas vraiment de fracture générationnelle. La nouvelle génération bénéficie de l’expertise des anciens. Et eux ne sont pas fermés à notre vision des choses.

À SOS, j’ai pu rencontrer des marcheurs et des personnes qui ont porté ce mouvement à l’époque. Par exemple, il y a deux semaines, avec d’autres jeunes militants, j’ai rencontré dans notre local Christian Delorme, surnommé le curé des Minguettes. Il nous a expliqué l’histoire de cette marche, comment elle s’est déroulée. À l’université d’automne, on va aussi rencontrer Toumi Djaïdja, une des figures emblématiques.

Me réconcilier avec le militantisme

J’ai commencé à militer au lycée, dans le Conseil des jeunes citoyens de ma ville, Antony. Plus tard, je me suis engagé en politique. Je n’étais pas encarté à la base, j’étais sympathisant d’une liste de société civile et de partis de gauche. J’ai participé à la campagne pour les municipales. Mais j’ai fini par arrêter parce que j’avais l’impression de m’éloigner du terrain et que les conflits politiciens l’emportaient sur les vrais problèmes.

Rejoindre SOS m’a apporté une bouffée d’air frais. Je continue de faire de la politique, mais dans un cadre totalement différent. On fait des actions très concrètes au niveau national. Ça m’a réconcilié avec le militantisme. J’ai fait des permanences téléphoniques pour accompagner des victimes de racisme ou d’antisémitisme. J’ai fait un certain nombre de testings dans différents secteurs d’activité (logement, emploi, loisirs, éducation…). On fait aussi des commémorations, des interventions en milieu scolaire.

Ce sont des moments très forts. Par exemple, on s’aperçoit que les jeunes ne sont pas du tout imperméables à tout ce qu’ils peuvent voir à la télé. Je me rappelle une fois où un élève est venu me voir après une séance. Il m’a demandé : « Est-ce que si Zemmour est élu, je vais devoir changer de prénom ? »

Margaux avait 10 ans quand elle a participé à une course caritative pour la première fois. C’était pour accompagner son père, et ça l’a rendue fière.

Capture d'écran de l'article "Très jeune je me suis engagée pour une association", illustré par une photo sur laquelle on voit des jeunes participer à une course caritative dans une forêt.

Et on fait aussi des actions plus « coup de poing », comme pendant l’élection présidentielle. Je suis allé à Villepinte au discours d’Eric Zemmour avec des camarades pour mener une action pacifique. On voulait sensibiliser le public à la dangerosité de son discours. Avec une dizaine de militants, on y est allés avec des t-shirts. On avait chacun une lettre sur le torse pour que ça écrive : « Non au racisme. » Là, on a vu qui suivait Zemmour. On s’est fait lyncher, on nous a mis des coups de poing, on nous a lancé des chaises. Parce qu’on incarnait tout ce qu’ils détestaient.

Plus que jamais, ça m’a convaincu de l’importance de l’action associative. Quoi qu’en pensent les gens qui nous regardent mal en manif.

Romain, 25 ans, militant, Antony

Crédit photo Hans Lucas //  © Xose Bouzas — Manifestation antiraciste contre le projet de loi d’asile et immigration a Paris, lors de son départ place de la République. 25 mars 2023.

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