« Le choix de ma vie en quelques clics de souris »
« Avez-vous bien rempli Parcoursup ? », m’ont demandé ma prof de SVT, mes parents, et tant d’autres personnes. Cette phrase, qui paraît si simple, cache bien son petit jeu.
Parcoursup, c’est une plateforme dont on nous parle depuis la seconde. Au début, elle peut paraître insignifiante et simple. Mais une fois devant elle, elle me procure un grand pic de stress. Ce stress monte de plus en plus au fil du temps et arrive généralement au moment où on le veut le moins : le soir avant de dormir. Ça commence par une petite pensée : « Est-ce que tu travailles assez ? » Une autre suit : « Et ta moyenne, elle est pas trop basse ? » Puis, la même question revient toujours : « Qu’est-ce que je fais, si je n’ai pas le seul vœu que je voudrais ? »
Là, mon stress grandit d’un coup.
Il me fait remettre en question toutes mes facultés. Je remets tout en cause. Ma confiance en moi. Ma façon de bosser les cours. Mes chances d’avoir ce vœu. « Pourquoi, moi, j’aurais ce parcours et pas un autre ? » Dans les meilleurs jours, je me dis : « Pourquoi un autre l’aurait mais pas moi ? » Toutes ces questions auxquelles je n’ai aucune réponse. À croire que la vie est faite de stress…
« Prévoyez une voie de secours »
Le vœu que je souhaite – le seul d’ailleurs – c’est médecine. Cette filière qui, en plus d’être sélective, est compliquée dans les années qui suivent. Cette filière sur laquelle on entend des rumeurs. On n’y entrerait pas par rapport à la moyenne, mais par un jeu d’algorithme indéterminable. Cette filière où la majorité de ma classe veut entrer, et qu’ils vantent comme s’ils s’y trouvaient déjà ; alors que les universités de médecine de Paris ne sélectionnent pas plus de quatre personnes par an dans notre lycée. Je suis à Edmond-Rostand, à Saint-Ouen-l’Aumône. « Vais-je avoir ce vœu que je souhaite ? » Voilà la grande question qui habite ma conscience cette année.
Cette question et toutes les indications que l’on entend tous les jours au lycée me paraissent plus stressantes qu’utiles. « Chaque retard ou absence est noté sur votre dossier », disent les profs pour nous mettre la pression. « Prévoyez une voie de secours », rabâche la prof principal. Mais pourquoi est-ce si difficile d’intégrer la formation qui mène à ma vocation et surtout à mon futur métier ? C’est le choix d’une vie en quelques clics de souris !
« Avec mes potes, le sujet est presque devenu tabou »
Ma première pensée quand on me parle de l’avenir devrait être faite de joie. Au lieu de ça, à cause de toutes ces phrases si barbares, je ne broie que du noir. Le soir, je n’arrive pas à m’endormir. La volonté de faire médecine et l’idée que c’est compliqué d’y entrer tournent dans ma tête.
J’imagine aussi ne rien avoir. Aucun « oui » sur Parcoursup. Ce « oui » qui trotte dans ma tête. En plus de ça, je vois mon année défiler sans aucune réponse. Car oui, cette année de terminale ne me semble pas interminable. Au contraire, elle me semble trop rapide.
Quand je suis avec mes potes, le sujet de l’orientation est devenu tellement angoissant pour nous tous, qu’il est devenu presque tabou. Nous préférons ne pas en parler pour nous changer les idées. Généralement, il revient à table avec mes parents le soir, mais c’est toujours la même phrase qui revient : « Arrête de te faire du souci. De toute façon, tu vas les avoir tes vœux. » La seule chose qui me vient dans la tête à ce moment-là, c’est une réponse désagréable du style : « Vous êtes devins ? » Même si j’essaie de me dire qu’ils ont sûrement raison.
Un grand frère en sixième année de médecine
J’ai une petite sœur, qui est en troisième. Ce moment-là, c’est la belle vie et les vacances toute l’année. Je ne la vois jamais travailler et pourtant elle a une très bonne moyenne. Alors bon, je me dis que je n’étais pas si mal au collège, sans nécessité de penser à demain et aux conséquences de mes actions.
J’ai également un grand frère qui lui a réussi, on peut le dire. Il est en sixième année de médecine. Le rêve quoi ! Mon frère c’est un peu mon grand exemple. En même temps, ça me montre le dur parcours de la médecine et ça me met la pression. Je me demande si je vais être à la hauteur de ces études. Et là arrive une nouvelle source de stress. Je me souviens très bien de sa première année. On ne le voyait presque pas, il était toujours à travailler et surtout toujours stressé pour le concours final.
Il me dit de profiter, de ne pas y penser cette année. Pour les vœux, il est comme mes parents : il pense que je vais avoir ce que je veux. Ça me conforte aussi dans les études que je veux mener. Je n’arrête pas de me dire : « Oui, cette vie est clairement faite pour moi et ce n’est pas Parcoursup ni cette première année qui va m’arrêter. »
À l’heure des choix sur Parcoursup, Caesa, 17 ans, en terminale, ne cache pas ses ambitions. Ses parents ont quitté l’Algérie pour offrir une vie meilleure à leurs enfants. Ils sont à la fois très encourageants et un peu inquiets d’imaginer leur fille, femme maghrébine et voilée, à Sciences Po.
Et encore, moi je sais où je veux aller et ce que je veux faire. D’autres potes de terminale ne savent même pas dans quoi ils veulent s’embarquer. Au lieu d’essayer de chercher avec eux leurs passions, les profs les forcent à mettre des formations insignifiantes pour eux, pour être sûrs qu’ils aient quelque chose et ne restent pas au lycée.
Toutes ces questions que je me pose trouveront-elles leur réponse ? Surtout, est-ce je serai satisfait par les réponses ou est-ce qu’elles m’enfonceront dans un tunnel sans fin ?
Jérémy, 18 ans, lycéen, Cergy
Crédit photo Unsplash // CC Tim Gouw