Justine O. 20/11/2023

Le jour où j’ai appelé le 119

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Pour se protéger des violences de sa mère, Justine a appelé le service d'aide aux enfants en danger. Depuis ce jour, elle prend conscience de tout ce qu'elle a subi.

La première fois que je suis partie de la maison, c’était un samedi. Je rentrais de stage, épuisée de ma journée, avec une seule envie : me coucher. Ma mère, qui était déjà très agacée, m’a crié dessus. Elle m’a demandé de lancer la machine à laver, j’ai commencé à paniquer et à avoir peur d’elle.

En lançant la machine, je me suis trompée de programme. Elle m’a crié dessus, et moi j’en ai eu marre. Je me suis énervée et ma mère a commencé à me provoquer, ce qui me mettait encore plus en colère. Elle m’a alors regardé droit dans les yeux et m’a dit : « Sors de chez moi. » Je l’ai écoutée et je suis sortie de la maison.

La gendarmerie m’a protégée en me faisant héberger chez une amie. Ils auraient dû me placer en OPP (ordonnance de placement provisoire), ils ne l’ont pas fait, alors je suis rentrée chez moi. Mes voisins, qui n’en pouvaient plus d’entendre ma mère me crier dessus, m’ont conseillé d’appeler le 119, le numéro pour les enfants en danger. J’ai donc appelé, puis il y a eu un rapport, envoyé ensuite aux services sociaux qui ont commencé à s’occuper de mon dossier.

Le lendemain, j’ai eu un rendez-vous à la gendarmerie avec une association. L’association m’a beaucoup aidée, j’ai été accompagnée dans les démarches malgré mes craintes. La personne qui m’a suivie a été à mon écoute, et m’a expliqué les différentes options possibles. C’est donc grâce à cette association qu’un éducateur du CDEF (Centre départemental enfants et familles) est venu me chercher, et que j’ai été placée en foyer. Je peux y rester jusqu’à mes 18 ans.

Enfin en sécurité

Aujourd’hui, je me rends compte que j’étais dépendante de ma mère. J’étais dans une sorte de relation toxique avec elle. Elle pouvait me faire mal, je m’en fichais. Je l’aimais tellement que je pensais que c’était sa manière de me dire qu’elle m’aimait. Du coup, je lui pardonnais et ça recommençait sans que je m’en rende compte. Maintenant qu’on m’a aidée à sortir de là, j’ai ouvert les yeux et j’ai pris du recul sur ma situation. Je comprends que ce qui m’arrive n’est pas de ma faute, mais celle de ma mère. J’ai ouvert les yeux, ce qui m’a pris du temps. C’est encore dur pour moi de me dire tout ça, mais d’un autre côté, je suis fière d’être restée forte. Je me suis renforcée car j’ai pu lui faire comprendre que je souffrais de la situation.

La mère de Sara a terrorisé toute sa famille pendant des années. Une violence quotidienne et extrême, qui a pris fin avec l’intervention des services sociaux.

Capture d'écran d'un autre article de la ZEP intitulé "mère violente : la fin du cauchemar". On voit une porte entre ouverte. Sur la porte il y a l'ombre d'une main.

Aujourd’hui, j’essaie de me reconstruire petit à petit, de reprendre confiance en moi, de prendre soin de moi et de ma santé, et de m’investir à 100 % dans mes études. Je compte aller au bout de ce que je veux faire, avoir mon bac, passer mon permis et pouvoir ouvrir ma propre boutique. Je sais que j’en suis capable et que je peux y arriver. Mon vécu devient petit à petit une force qui me permet d’avancer.

Les mineurs n’osent pas forcément parler ou faire des démarches, souvent par peur des représailles, de ce que pourraient leur faire leurs parents. Ils pensent qu’ils n’y arriveront pas, que s’ils le font, ils n’auront plus aucun repère et seront complètement perdus. Ils continueront à se faire maltraiter en pensant que c’est normal ou pour essayer de se faire apprécier de leurs parents. Si ça vous arrive… appelez le 119.

Justine, 17 ans, lycéenne, Clermont-Ferrand

Crédit photo Unsplash // CC Priscilla Du Preez

 

Le 119

C’est le numéro national dédié à la prévention et à la protection des enfants en danger. Le 119 peut être contacté par une victime ou par un proche qui suspecte une maltraitance physique, psychologique ou sexuelle sur un·e enfant. Cette maltraitance peut avoir lieu dans le cadre familial, mais aussi en dehors de la maison : cyberharcèlement, prostitution, racket…

Tu peux appeler le 119 tous les jours, 24h/24h. Ce numéro n’est pas surtaxé et il n’apparait pas sur les factures téléphoniques. Si tu ne te sens pas d’appeler, tu peux aussi utiliser le tchat sur le site du 119, ou donner l’alerte via un SMS adressé au 114.

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